Un sommet a eu lieu le 9 juillet dernier entre le président français Emmanuel Macron et les présidents du G5 Sahel. Au menu, l’avenir de Barkhane dans la situation sécuritaire dans la région sahélienne. La Covid-19 oblige, le sommet s’est tenu en visio-conférence, du moins pour les présidents tchadien, malien, burkinabè et mauritanien, à la différence de leur homologue nigérien, qui y a pris part en étant aux côtés de Macron à l’Elysée. Apparemment engagé dans un combat contre une transition sous la direction des militaires au Mali, Mohamed Bazoum a profité de son séjour à l’Hexagone pour tancer les colonels-putschistes maliens, dans la foulée d’une conférence de presse conjointe avec le patron de l’Élysée puis dans une interview accordée à nos confrères de France-24.
S’en donnant à cœur joie, le président Bazoum s’en est pris vertement à l’armée malienne. «Il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front (…), que les colonels deviennent des ministres ou des chefs d’Etat», a estimé Mohamed Bazoum avant de s’interroger : «Qui va faire la guerre à leur place ?». Et d’ajouter à propos du coup d’Etat que «Ce serait facile si chaque fois qu’une armée de nos pays a un échec sur le terrain, elle vient prendre le pouvoir !», allusion faite notamment au putsch de 2012 et à celui de 2020. «En 2012, les militaires avaient échoué, ils sont venus faire un coup d’État. Cette année encore en 2020, ils ont fait la même chose », a-t-il ressassé pour manifester son désaccord sur l’absence de sanction proportionnelles aux doubles crimes du 18 aout et 24 – dont il était un fervent défenseur lors des sommets de la Cedeao sur la situation du Mali. En effet, a-t-on appris, le Président nigérien était seul parmi ses pairs à préconiser une sanction exemplaire du Mali et plaidait pour un embargo économique pour une population qui tire le diable par la queue depuis 2012.
Et pourtant, dans la foulée du même sommet, le Président nigérien a apporté son soutient à la décision de l’union africaine de ne pas sanctionner la transition au Tchad, au motif que la priorité devait être accordée à la stabilité en dépit des atteintes à la démocratie. Or, tout comme le Mali, le Tchad, a mis en parenthèse sa constitution, après la mort de son Président Idriss Deby, dont les circonstances restent encore floues.
En attendant, l’ambassadeur du Niger au Mali, Mamoudou Moumouni, a été convoqué le 9 juillet 2021 par le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, pour des explications. Le chef de la diplomatie malienne, après avoir fait part de l’étonnement de son gouvernement devant les propos du Président Bazoum, a rappelé les liens historiques et géographiques des deux pays, tout en mettant l’accent par ailleurs sur la nécessité de renforcer leurs relations d’amitié et de fraternité, qui risquent d’être mises à mal par une telle déclaration.
Pour une autorité qui n’a pas hésité à tenir tête, il n’est peut-être pas que son ambassadeur du Niger, en guise de réplique à cette prise de position de Bazoum, fasse l’objet d’un rappel – entraînant probablement une exacerbation de la crise diplomatique l’étendre entre le Mali et le Niger.
Amidou Keita
Source: Le Témoin