Le centre du Mali est agonisant. Une situation qui, certes, demande de l’attention mais cela ne doit pas détourner les regards du Nord, écrit le blogueur Anassa Maïga
À l’unanimité, les 15 membres du Conseil de Sécurité des Nations unies ont voté pour le renouvellement du mandat de la MINUSMA en juin dernier. Ce nouveau mandat, jugé « robuste », en plus de son objectif primordial qui a été depuis 2015 « le soutien à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation », qu’ils estiment être nécessaire pour réussir la stabilisation du Mali, en a ajouté un autre visant à soutenir les efforts de l’État pour stabiliser le Centre.
Depuis plus d’une année, la situation dans Centre du pays s’est fortement dégradée avec des tueries de masse qui ne laissent personne indifférent. Des populations civiles, Dogons et Peuls, sont régulièrement victimes d’attaques d’hommes armés qui massacrent et pillent tout sur leur passage.
Ne pas oublier le Nord
Ces atrocités, se déroulant dans le Centre et face auxquelles notre État semblant être impuissant et incapable, ont poussé le Conseil de sécurité de l’ONU, sous une requête des autorités maliennes, à y étendre leurs actions. Cela ne me gêne point, car, oui, le Centre a besoin d’une attention particulière de la part de l’État malien et de tous ses partenaires. Mais, il ne faut pas pour autant oublier ou reléguer au second plan le nord du pays.
Malgré la forte présence militaire (FAMas, MINUSMA et Barkhane) dans le septentrion, surtout dans les grandes villes (Gao, Tombouctou, Kidal ou Ménaka), la situation sécuritaire reste un sujet qui est sur toutes les lèvres, parce que précaire. Dans ces grandes villes, nous assistons régulièrement à des braquages (des particuliers, des services publics ou des ONG) ou à des assassinats ciblés (en pleine ville ou sur les routes), sans que les auteurs ne soient inquiétés. Les populations ont le sentiment d’être dans des tombes à ciel ouvert parce qu’à n’importe quel moment et n’importe où, elles risquent de se faire braquer ou tuer.
Sur les routes, il est difficile de voyager sans se faire dépouiller de tous ses biens. En plus de l’État désastreux de ces routes, reliant les villes du Nord, les populations doivent aujourd’hui faire avec les braquages. Cette insécurité provoque souvent des tensions entre les populations, qui n’hésitent pas à s’en prendre violemment à d’autres qu’elles accusent d’être complices ou coupables.
Ne pas perdre le Nord
Après Kidal et Ménaka, elles ont dû arrêter leurs opérations humanitaires à cause des braquages dont elles sont régulièrement victimes, c’est à Tombouctou que la Croix-Rouge et d’autres ONG ont annoncé, le mardi 6 août 2019, arrêter ces opérations après deux braquages de leurs véhicules en une semaine.
Dans le cercle d’Ansongo (Commune de Talataye), dans la région de Ménaka ou encore vers le Gourma (Intillit, Doghay, Gossi etc), les populations vivent dans la même situation et subissent les mêmes attaques que celles du Centre de la part d’hommes armés qui débarquent pour massacrer, flageller des hommes, pendant que les femmes et les enfants regardent. Beaucoup de villages dans le Gourma (Intillit, Doro etc) sont désertés par leurs habitants à cause des attaques incessantes dont ils sont victimes.
Revivre les mêmes atrocités
Si aujourd’hui, le Centre s’est embrasé, c’est parce qu’à une époque, tous les regards et les efforts de lutte contre le terrorisme, l’insécurité et pour la paix et la réconciliation étaient concentrés sur les régions du Nord. Le Centre était oublié et délaissé et les bandits de tout acabit s’y sont réfugiés et en ont fait leur nid. Si le même scénario se répétait, oublier et abandonner le Nord, qui n’est pas encore stabilisé, c’est prendre le risque de revivre les mêmes atrocités qu’auparavant.
Donc, tout en portant une attention particulière à cette crise dans le Centre du pays, le Mali et ses partenaires ne doivent pas seulement réduire la stabilité du Nord à la seule mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui peine depuis plus de quatre ans à donner des résultats. Ne faut-il pas aussi envisager d’autres solutions, pour veiller à ne plus perdre le Nord et continuer à redoubler plus d’efforts pour le retour d’une paix définitive? Je pense qu’il le faut.