Chers compatriotes,
En ce 26 Mars, journée commémorative des martyrs dans notre cher Mali, depuis le Rwanda où je participais à l’Africa CEO Forum 2019, j’ai choisi de me rendre au Mémorial de l’un des événements les plus tragiques de l’Histoire africaine: le génocide rwandais.
Cette visite sur ce lieu chargé de témoignages des victimes du génocide fût un moment de forte émotion pour moi. À peine avais-je franchi les portes du mémorial qu’un des employés de l’enceinte m’accueilla avec un échange qui restera longtemps gravé dans ma mémoire: “Êtes-vous peulh?”, dit-il avant de continuer, “Désolé et mes condoléances pour ce que les peulhs vivent au Mali.” Voilà comment mes premiers pas dans le mémorial furent accueillis.
Ce premier échange me rappela le souvenir encore très frais des événements récents d’Ogossagou ou encore ceux de Koulongo Habe, le souvenir de ces centaines d’innocents arrachées à la vie sans raison, sans explication, sans aucune humanité. Lors de ma visite du mémorial, je n’ai pu m’empêcher, au-delà du recueillement sur la mémoire du million de victimes du génocide rwandais, d’avoir une forte pensée pour nos propres victimes de la crise et des exactions communautaires au Mali. Qu’Allah accueille chacune de ces personnes abattues barbarement et sauvagement dans Son Infinie Miséricorde!
Chers compatriotes,
En cette journée du 26 Mars, je ne serais pas de ceux qui vont inutilement chercher, dans un relent populiste, à flatter notre égo en saluant notre accession à la démocratie malienne en 1991. Chacun saura tirer ses propres conclusions à ce sujet. Mon seul et éternel propos visera à saluer la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour que le Mali soit libre, démocratique et prospère. Pour notre part, nous continuerons leur combat ici ici-bas car la route est encore très longue.
Chers compatriotes,
La situation qui prévaut actuellement ne peut laisser place à aucune célébration. Le Nord du Mali est toujours hors de contrôle de l’État Central tandis qu’au Centre tous les prémices d’une guerre civile sont réunis. Il faut avoir le courage de se le dire enfin. Notre démocratie est en perte de souffle.
Au Centre du pays, où l’ensemble de la crise malienne s’est transportée avec son corollaire de morts et de désolation, un génocide est calmement en train de se dérouler au vu et au su de tous, nationaux comme partenaires internationaux.
Lors de ma visite du Mémorial du génocide rwandais, j’ai vu comment progressivement la haine et la violence, la déraison et la folie ont pris le pas sur l’humanisme et l’amour de son prochain. Des voisins et des amis qui, du jour au lendemain, s’entretuaient. Des enfants, des femmes enceintes et des vieillards froidement abattus simplement en raison de leur appartenance ethnique.
La communauté internationale qui était fortement présente au Rwanda à l’époque n’a pas pu empêcher ce génocide qui a fini par coûter la vie à plus d’un million de personnes. Mieux, elle s’est retirée au moment où ces pauvres populations en avaient le plus besoin. Koffi Annan disait de cette situation que : “le génocide rwandais laisse à l’ONU le regret amer de ne pas avoir pu prendre les bonnes décisions au bon moment”.
Pour mettre un terme à cela, il a fallu que les rwandais eux-mêmes se lèvent.
Chers compatriotes,
La leçon que j’en tire est qu’il temps de prendre la mesure de la gravité de ce qui se passe chez nous et d’arrêter de croire que la simple présence de la communauté internationale pourra nous épargner le pire.
L’heure est très grave. Les stigmates de ce qui se passe au Centre n’affectent peut-être pas tous les maliens POUR LE MOMENT, mais jusqu’à quand? N’oublions pas non plus que, si rien n’est fait, urgemment et efficacement, ceux qui en sont victimes ne pourront jamais pardonner.
Les multiples voyages de nos autorités au Centre et au Nord ne nous ferons pas oublier que les maliens ne sont pas en sécurité partout au Mali. L’État malien n’est pas efficacement présent sur tout le territoire autrement il n’y aurait pas eu des centaines d’innocents morts au Centre. Il est temps que les maliens s’assument et prennent à bras le corps la résolution de notre crise pour sauver des vies humaines.
Chers compatriotes,
Oublier l’histoire c’est être condamné à la revivre. Comme le disait Shakespeare, “la mémoire est la sentinelle de l’esprit”. N’oublions pas ce que d’autres ont vécu et la tragédie de plus de 170 morts que nous-mêmes avons connu pas plus tard que la semaine dernière et d’ailleurs depuis trop longtemps.
Maliennes, maliens,
Debout pour notre pays. Debout sur les remparts pour éviter à notre cher Mali de tomber dans la dangereuse spirale de la désolation et de la haine.
Les Rwandais, après tout ce qu’ils ont vécu, ont pu se réconcilier, promouvoir la paix et se mettre sur le chemin du développement durable. Aujourd’hui le Rwanda fait partie de l’un des plus beaux pays d’Afrique et sa capitale Kigali est l’une des plus propres au monde. Le pays qui faisait pitié dans les années 1990 est aujourd’hui admiré, envié et respecté.
Je prie Allah le Tout Puissant que le Mali puisse arriver à ce niveau de performance sans avoir à empreinter la tragique trajectoire du génocide rwandais.
Non au génocide peulh!
Non au génocide de toute ethnie vivant au Mali!
Nous sommes tous maliens!
Qu’Allah bénisse le Mali et protège son Peuple!
Aliou Diallo
Président d’honneur de l’ADP-Maliba