« Dieu tout-puissant » (3/5). Grande figure religieuse de l’islam soufi, Bouyé Haïdara est devenu l’un des businessmen les plus riches du pays. Et une personnalité incontournable pour les hommes politiques ambitieux.
Rares sont les occasions qui poussent encore Mohamed Ould Cheikh Hamahoullah, 84 ans, à quitter Nioro du Sahel, cette commune de l’Ouest du Mali qui l’a vu naître. Paumes tournées vers le ciel, bouche soulignée d’une barbiche blanche qui rappelle celle de son père et chèche noir dissimulant son crâne, il prêche régulièrement devant des milliers de fidèles depuis la cour de sa zawiya (édifice religieux soufi).
On estime que 5 à 10 millions de talibés suivrait le leader religieux, surnommé Bouyé Haïdara. Un rayonnement qu’il doit à son père, le Cheikh Hamahoullah. Au XXe siècle, ce mystique soufi fonde le hamallisme, branche de la confrérie tidjane, qui fédère autour de la lutte contre le colonisateur français. « L’influence du chérif de Nioro tient à la nature même du mouvement qu’il dirige. Le hamallisme découle de la Tidjaniya, la confrérie la plus importante d’Afrique de l’Ouest », explique Boubacar Haïdara, auteur d’une thèse sur « Les formes d’articulation de l’islam et de la politique au Mali ».
« IBK devait sa victoire à Bouyé »
L’aura du chérif – un statut qui découle d’une descendance auto-proclamée du prophète Mahomet – transcende largement les frontières de la sphère religieuse. Voilà des décennies que la commune de Nioro, qui flanque la frontière sud de la Mauritanie, voit défiler les présidents et hommes politiques maliens. Nul besoin pour le chef spirituel de parcourir les quelque 330 kilomètres qui le séparent de la capitale : tous ceux qui passent ou aspirent à passer par le palais présidentiel de Koulouba viennent à lui.