ISOLEMENT. Sans être sous embargo économique comme en août dernier, le Mali n’échappe pas pour autant aux sanctions internationales après le second coup d’État.
i les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali tentent par tous les moyens de donner des gages à la communauté internationale, la semaine s’est achevée sur un nouveau coup dur. Vendredi 4 juin, la Banque mondiale a annoncé suspendre ses opérations financières au Mali à la suite du coup d’État fin mai, le deuxième en moins d’un an. Dans un communiqué, la Banque indique avoir « temporairement mis en pause les décaissements de ses opérations au Mali pendant qu’elle suit et évalue de près la situation ». Un porte-parole de l’institution a confirmé à l’AFP que cette décision a été prise « conformément à la politique de la Banque applicable à des situations similaires » à celle survenue au Mali. Cette annonce est la première qui aura un impact sur le plan économique dans un pays asphyxié. Sur le plan institutionnel, le Mali a déjà été suspendu d’une majorité d’institution comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine (UA) ou encore l’organisation de la Francophonie. Toutes exigent un retour à l’ordre constitutionnel.
Premières assurances maliennes
Concrètement, la décision de la Banque mondiale se traduit « par le non-traitement des demandes de décaissements reçues après le 24 mai, et de celles reçues mais non traitées avant le 24 mai », souligne le communiqué de presse de l’administration Breton Woody, qui finance actuellement des projets à hauteur de 1,5 milliard de dollars au Mali. « Nous devons dire à nos amis : notre peuple a besoin qu’on lui tienne la main », a rétorqué dans la même journée de vendredi et au lendemain de l’annonce française de suspension des opérations militaires conjointes avec les forces maliennes Choguel Kokalla Maïga, pressenti pour devenir le Premier ministre de la transition malienne sous présidence militaire. Choguel Maïga, qui prenait la parole devant plusieurs centaines de personnes autour du monument de l’Indépendance, a assuré que son pays tiendrait ses engagements internationaux. « Les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation. » « Nous respecterons nos engagements internationaux qui ne sont pas contraires aux intérêts fondamentaux du peuple malien », a-t-il dit après avoir rendu hommage aux soldats français tués au Mali, tout en ajoutant, lors d’un rassemblement à Bamako, qu’« il n’y a pas d’engagements internationaux connus de tous qui soient fondamentalement contre les intérêts du Mali ».
Ce politicien malien, figure du mouvement dit du 5-Juin (M5) qui a poussé au départ de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, tient la corde pour être nommé par le colonel Assimi Goïta Premier ministre d’un gouvernement censé préparer le retour au pouvoir des civils dans neuf mois après deux putschs. Il pourrait être désigné après l’investiture du colonel Assimi Goïta aux fonctions de président, prévue pour lundi.
Pour le Mali le plus dur commence
Le Mali, un pays crucial pour la stabilité du Sahel, vient d’être le théâtre d’un deuxième coup de force en neuf mois de la part d’Assimi Goïta et des colonels. La France réclame à présent des garanties qu’un Premier ministre civil sera nommé et que des élections auront bien lieu en février 2022 en vue d’un retour des civils au pouvoir. La décision française a commencé à se matérialiser sur le terrain. « Les opérations conjointes Barkhane/FAMa sont arrêtées, les Français continuent seuls », a dit un responsable à l’état-major malien, évoquant la force antidjihadiste française et les Forces armées maliennes. Barkhane poursuivra son action, avec les autres partenaires régionaux, a indiqué le porte-parole de l’état-major français, le colonel Frédéric Barbry. Mais les grosses opérations communes avec les Maliens, comme Équinoxe, en cours, sont suspendues.
De facto, Barkhane ne sort plus de ses bases dans le nord du Mali pour des opérations sur le terrain, dit un diplomate occidental sous le couvert de l’anonymat. Mais elle continuera à frapper, si l’occasion s’en présente, les chefs djihadistes, poursuit-il. Ces mesures sont « conservatoires et temporaires », a déclaré le ministère français des Armées. Les colonels s’étaient engagés après leur putsch de 2020 et sous la pression internationale à une période de transition limitée à 18 mois et conduite par des civils. Le 24 mai, le colonel Goïta, resté le véritable homme fort de la transition, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le président et le Premier ministre. Il s’est depuis fait déclarer président de la transition par la Cour constitutionnelle.
Le rassemblement du Mouvement du 5-Juin comptait au nombre des rendez-vous attentivement observés, avec l’investiture du colonel Goïta lundi. Elle a rassemblé beaucoup moins de monde qu’aux meilleures heures du M5 en 2020, ont rapporté les journalistes qui ont couvert des événements. Le colonel Goïta a dit son intention de confier le poste de Premier ministre au M5, un mouvement que lui et les colonels s’étaient employés à marginaliser. Le M5 a choisi Choguel Maïga pour ces fonctions. Ce choix a suscité des inquiétudes chez les partenaires du Mali. Parmi elles figurent la place qui serait faite à l’influent imam conservateur Mahmoud Dicko, figure tutélaire de la contestation en 2020 qui a pris ses distances depuis et les concessions que les dirigeants maliens seraient tentés de faire aux djihadistes.
Source: lepoint