Trois jours de deuil national débutent, ce jeudi 19 décembre, au Mali, après l’attentat-suicide qui a frappé Gao la veille dans le nord du pays. Une attaque contre un camp de combattants des groupes armés signataires de l’accord de paix qui a fait 77 morts au moins, selon un dernier bilan, et une centaine de blessés. L’action a été revendiquée par l’organisation al-Mourabitoune du jihadiste Mokhtar Belmokhtar. L’enquête en est au stade préliminaire, évidemment, mais il y a déjà beaucoup de questions.
L’enquête en est au stade préliminaire, parce que tout simplement et encore aujourd’hui, l’urgence ce sont les blessés. Ils sont plus d’une centaine encore pris en charge dans les différentes structures de santé à Gao. Huit ont été transférés à Bamako dès mercredi, dans l’avion qui a ramené le ministre malien de la Défense vers la capitale, après sa visite. Les blessés les plus graves ont malheureusement péri dans les heures qui ont suivi l’attaque, ce qui explique la hausse rapide des bilans provisoires successifs.
De nombreux habitants de Gao se sont mobilisés pour donner leur sang afin de contribuer aux soins. En dépit de l’affluence, le personnel de l’hôpital ne manque ni de mains ni de matériel, selon le Dr Maïga, qui précise que le CICR apporte un soutien précieux. La Mission onusienne et la force française Barkhane participent également à la prise en charge des blessés.
Analyse des corps
Sur le terrain, les enquêteurs ont commencé leurs investigations ce jeudi matin. Le procédé sera long. Il va falloir procéder à l’audition de tous les témoins pour répondre à plusieurs questions. Aucun assaillant n’a pris la fuite ou n’a été arrêté. Les enquêteurs vont donc devoir se concentrer sur l’analyse des corps, en admettant que l’on puisse en tirer quelque chose après l’explosion.
Comment le véhicule piégé a-t-il pu pénétrer dans le camp du MOC, ce fameux Mécanisme opérationnel de coordination qui regroupe l’armée malienne, les ex-rebelles et les combattants pro-Bamako ? Un premier indice, le mode opératoire est similaire à celui utilisé lors de l’attaque de l’aéroport de Gao fin novembre. Une attaque, là aussi, revendiquée par al-Mourabitoune qui n’avait fait aucune victime alors qu’une ou plusieurs « personnes avaient pris la fuite », précise un haut gradé de la force française Barkhane, mobilisée aux côtés des enquêteurs maliens et onusiens.
Le véhicule a été maquillé, en l’occurrence ici, aux couleurs de ce fameux MOC. « Un pick-up similaire à celui que nous utilisons », a confié à RFI le chef de l’un des groupes armés qui a subi cette attaque. De la même manière, les enquêteurs vont se pencher sur le moment choisi pour l’attaque juste après le rassemblement. L’impression donnée aux témoins que l’intérieur du camp était connu du conducteur, les collusions notoires qui existent entre certains combattants des groupes signataires de l’accord de paix et les groupes terroristes, tout cela laisse penser qu’il y a pu avoir des complicités en amont de l’attaque pour sa préparation.
Quid des patrouilles mixtes
Autre question : combien de kamikazes se trouvaient à bord ? Le gouvernement du Mali parle de cinq assaillants. Mais il est impossible de vérifier cette information pour l’instant. « C’est bizarre », dit la même source militaire, pour qui « les deux options sont sur la table », cinq kamikazes ou un seul, même si l’hypothèse d’un seul homme est privilégiée. Parce qu’il y a cette revendication, parce que plusieurs témoignages iraient dans ce sens et parce que l’intérêt de mettre cinq kamikazes dans la même voiture pour se faire exploser en même temps semble limité. Les experts de l’ONU, notamment les spécialistes des explosifs, vont rapidement procéder à des constatations sur le terrain pour essayer de déterminer le type de matériel utilisé, la quantité également. Des informations qui peuvent être précieuses pour remonter la trace de ceux qui ont piégé ce véhicule.
Enfin, est-ce que cet attentat a remis en cause les fameuses patrouilles communes censées rétablir la confiance contre les groupes armés, l’armée malienne ? Pour l’instant, aucun des signataires de l’accord de paix ne s’est prononcé sur ce sujet, mais la mise en place de ces fameuses patrouilles communes est de plus en plus hypothétique.