Le mouvement de contestation du défunt régime d’Ibrahim Boubacar KEITA (IBK) qui a commencé sur la place de l’indépendance le 05 juin 2020, vient de connaitre son épilogue par un coup de force militaire le 18 août 2020 avec l’arrestation du Président de la République, suivi de sa démission forcée.
Nous avons participé à ce mouvement dès le début par des articles pour contribuer à la réflexion sur l’avenir du Mali, le seul combat qui vaille. Dans une précédente publication, nous avons indiqué que cette lutte est une mission de génération et que nous sommes volontaires pour son accomplissement. A cette occasion, nous avons signalé avec force que, chaque fois que le devoir nous interpelle, nous prendrons la plume, s’il le faut, une plume d’inquisition.La situation actuelle exige notre analyse sur la suite des évènements ; c’est l’objet de cet article.
Avant de faire nos propositions, nous tenons à apporter certains éclaircissements.Si la colère est bonne à être exprimée dans un premier temps, c’est la suite organisationnelle et idéologique qui justifie, en dernière analyse, l’utilité de cette réaction. Si nous devons continuer à faire et être comme nous l’étions avant ce qui nous aura conduits sur le Boulevard de l’indépendance, alors, cela ne valait strictement pas la peine.Dans ce qui précède, nous avons deux conditionnalités : primo, c’est celle qui concerne l’expression de nos émotions au regard de la situation (effondrement du Mali). Secundo, c’est la conditionnalité justificative de l’expression de nos émotions (un nouveau Mali). En d’autres termes, exprimer notre émotion spontanée n’a aucun sens si cela a pour objectif de nous vider et nous contenter d’avoir sorti ce qu’il avait d’étouffant en nous. Il s’agit alors d’une révolte(évènement de mars 2012). Elle est différente de la révolution qui est une forme organisée de la révolte avec des fondements idéologiques et une forme organisationnelle. Aussi, lorsque la révolution se retourne contre ses propres principes et en adopte d’autres qui ne semblent pas être en adéquation avec ses principes idéologiques et organisationnels de départ, elle devient une réaction, dans le sens d’une évolution négative, sinon, négationniste du combat de départ(évènement de mars 1991).
Au regard de ces éclaircissements, le mouvement populaire qui vient d’aboutir à la fin du régime d’IBk, n’est pas encore une révolution, mais bien une révolte. C’est maintenant que la vraie lutte commence, le régime d’IBK n’était qu’un obstacle à cette lutte. Maintenant que l’obstacle fut dégagé, nous devons travailler pour donner une base idéologique et organisationnelle à cette révolte afin qu’elle soit une révolution qui engendrera un malien nouveau, une meilleure société ancrée sur ses valeurs cardinales. Sans cela, nous aurions assisté à une autre révolte qui sèmera les graines de la prochaine révolte.
Pour réaliser cette révolution pour laquelle des jeunes gens ont perdu leur vie, nous estimons utile que les propositions ci-dessous soient prises en compte dans la construction du nouveau Mali.
Libération des régions centre et Nord du Mali
Nous aurions voulu avoir tort sur cette question de la libération du Nord Mali. Depuis 2012, nous avons affirmé avec force dans un article publié sur Maliweb qu’il n’y avait pas d’alternative à la guerre pour mettre fin à l’occupation du septentrion malien. Mais les tenants du pouvoir, par faiblesse ; ont opté pour le dialogue. Entre temps, le problème s’est amplifié jusqu’à la perte de l’autorité de l’Etat sur les 2/3 du territoire national.
De mémoire d’homme, qu’aucun territoire perdu à la suite d’une défaite militaire n’a été récupéré par un Accord. Le Mali au cours de son histoire a connu des rebellions dans son septentrion qui ont toujours trouvé un issu à travers des accords de paix et de réconciliation. La résurgence cyclique de ces rébellions et les milliards de francs débloqués à chaque Accord ont montré clairement qu’il ne s’agit que de bandits armés qui veulent tout obtenir par les armes. Tous les régimes successifs que le Mali indépendant a connus ont eu à faire face à des rebellions armées. Nous devons suffisamment tirerles leçons de ces expériences pour savoir que la solution n’est pas un Accord, mais bien une guerre de libération.
La future équipe de transition, en accord avec toutes les forces vives de la Nation, doit geler toutes les activités politiques jusqu’à la libération totale des régions du centre et du nord du pays. Un appel patriotique doit être lancé à tous les jeunes valides pour s’engager dans une armée populaire qui mènera cette guerre de libération. Toutes les ressources et énergies du pays doivent être orientées vers cette guerre, qui doit être menée exclusivement par les fils du pays. Les aides des pays amis se résumeront en assistance technique, mais pas en homme. Ce dont nous avons besoin pour cette guerre, c’est uniquement une aide politique, mais pas humanitaire. Cette guerre prendra le temps qu’il faudra. C’est après la libération et le retour de l’Etat dans ces régions, que la refondation de l’Etat commencera et la politique reprendra son chemin.
Refondation de l’Etat
La 3ème République instaurée par la Constitution de 1992 a montré ses limites selon de nombreux analystes ; mais notre conviction est que cette Constitution n’a jamais été appliquée, nous avons rusé avec. Cette Loi fondamentale qui a instauré la démocratie avec le multipartisme a été un échec, comme en témoigne les éléments de ce 18 août 2020.
La priorité étant la libération des régions sous occupation, nous ne nous étalerons pas sur ce chapitre. Nous signalons, que dans la refondation de l’Etat, le bipartisme doit remplacer le multipartisme qui s’est révélé inadapté à nos réalités.Des partis politiques ont été créés juste pour bénéficier l’aide de l’Etat aux partis politiques. L’Etat ne doit plus financer un parti politique. Ces partis n’ont aucun fondement idéologique, ni doctrinale. Plus de 200 partis politiques pour un pays de 20 millions habitants. Les partis sont créés autour des personnes qu’on juge à tort être importantes, alors qu’au fond, ces personnes sont pour la plupartdes faussaires de l’Etat !
Nos valeurs cardinales doivent être au centre de cette refondation. L’emprunt des valeurs et les normes des autres a montré ses limites, nous devons réfléchir de nous-même pour rebâtir le nouveau Mali.
Nous le rappelons encore, le nouveau Mali qui se profile à l’horizon, sera un pays du savoir, du devoir, de l’excellence, du mérite, mais aussi de récompense. La jeunesse doit impérativement sortir du piège de la facilité pour se former, afin de ne pas manquer à l’appel du devoir.La mentalité du gain facile doit être banni, sinon nous retomberons dans les mêmes crises qui ont conduit à mars 1991, 2012 et maintenant à aout 2020.
Criminalisation de la corruption
Tout comme le meurtre, la corruption doit être criminalisée dans le nouveau Mali qui se profile à l’horizon. La corruption est bien un crime dans un pays aux ressources limitées comme le Mali.Combien de femmes ont perdu la vie en donnant la vie faute d’infrastructure de santé à cause de la mauvaise gouvernance ? Combien de soldats sont tombés au front parce que l’argent de la loi de programmation militaire a été détourné ? Que sais-je encore…
La corruption a enfanté tous les problèmes qui menacentaujourd’hui la survie du Mali en tant qu’Etat, Nation. Plusieurs rapports des organisations internationales attirent notre attention sur le drame social que représente la corruption dans nos pays, et que, si rien n’est fait,cela débouchera à des guerres civiles.
Sans une lutte implacable contre la corruption au Mali, tout effort de refondation du pays sera vain.L’audit de la gestion des ressources de l’Etat doit être réalisé depuis 1991, les coupables ou leurs ayant-droit devront rembourser jusqu’au dernier centime. C’est notre position ; comme Myriam Makéba, la diva Sud-Africaine de la musique Africaine l’a dit « l’histoire n’est pas faite pour les morts, mais pour servir de conducteur aux vivants dans leur recherche de réponses aux questions actuelles et leurs choix qui détermineront leur futur ». Vu sous cet angle, cette lutte contre la corruption est loin d’être un règlement de compte ou de la vengeance, mais bienpour éviter dans le futur un autre « festival de brigands » au Mali selon les termes du Pr Iba N’DIAYE.
Avec la 3ème République, l’exercice du pouvoir s’est révélé être un exercice d’enrichissement personnel.Ainsi, la corruption fut érigée en mode de gouvernance au Mali.
Pour la réalisation de cet idéal (nouveau Mali), nous jouerons notre partition. Nous contribuerons par la réflexion et l’action à l’édification d’une Nation forte et prospère sur la terre de nos ancêtres.Rien ne nous détournera de cette noble tâche.
Bamako, le 20 août 2020
Mamadou SATAO
Environnementaliste
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Tél. : (00223) 76 35 91 67