Le front social connait une agitation sans précèdent avec une succession de préavis de grèves et de grèves qui touchent pratiquement tous les secteurs. Plusieurs syndicats nationaux, notamment la santé, l’éducation de base, l’enseignement supérieur, les surveillants de prison sont en grève ou s’apprêtent à déposer des préavis de grève. Les magistrats sont en grève illimitée depuis bientôt deux mois et entendent continuer leur mouvement malgré la décision du gouvernement de procéder à leur réquisition. Conséquence : les tribunaux sont paralysés dans tout le pays et des milliers de détenus attendent de connaitre leur sort. Aujourd’hui, l’évidence est là : les autorités en charge du travail semblent incapables d’instaurer le dialogue avec leurs partenaires sociaux pour éviter cette cascade de mouvements de revendication. Paradoxalement, l’Union nationale des travailleurs au Mali garde un silence de carpe face à la detresse des travailleurs maliens. Un silence qui traduit, pour certains, l’inféodation au régime en place de hauts responsables qui siègent à la Bourse du travail.
Ces grèves et préavis de grève démontrent à suffisance l’incapacité notoire du ministère du travail et de la fonction publique à apporter des solutions idoines à la forte demande sociale. Et surtout, elles (grèves) prouvent la faillite de la principale centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) à jouer pleinement son rôle de réceptacle aux revendications des travailleurs. C’est pourquoi, chaque syndicat a décidé de se faire attendre et de prendre en charge ses propres revendications. Ce qui explique aussi, en partie, toutes ces grèves et autres préavis de grèves enregistrées depuis un certain temps. En clair, chaque syndicat entend être maître de son destin et surtout du sort de ses syndiqués face à un gouvernement et à une centrale syndicale dont les responsables sont fortement soupçonnés de faire le jeu du pouvoir en place. En effet, aujourd’hui, de plus en plus, les grèves générales ont donné place à des grèves sectorielles la centrale syndicale brille par son absence sur le terrain de la revendication. L’Union nationale des travailleurs du Mali reste étrangement muette dans la défense des intérêts des travailleurs. Un silence complice qui tranche avec la colère affichée actuellement par beaucoup d’organisations syndicales qui dénoncent les nombreux problèmes actuels du monde du travail : doléances non satisfaites, cherté de la vie, mauvaises conditions de travail et de vie, paupérisation, corruption généralisée, détournements, dilapidation des ressources de l’Etat et mauvaise gouvernance. Pendant ce temps, les revendications des travailleurs maliens demeurent sans réponses de la part du gouvernement. Face aux revendications des travailleurs et à la détresse des différents syndicats, la vieille centrale syndicale continue donc de se murer dans un silence assourdissant, une passivité déconcertante, préférant laisser les syndicats nationaux dans un face à face incertain avec le gouvernement suscitant ainsi de multiples interrogations. Cette césure entre la principale centrale syndicale et sa base est loin d’être fortuite. Elle découle sans doute de l’élargissement du fossé et surtout du manque de confiance entre la base et les dirigeants syndicaux. En réalité, l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm) ressemble de plus en plus à un satellite du pouvoir et aux ordres des gouvernants. Un secrétaire général de l’Untm qui siège au Conseil économique et social, et d’autres responsables qui sont membres de différents conseils d’administration de société et autres entreprises. Eux tous, bénéficient d’émoluments et de gratifications astronomiques. Adieu la défense des syndiqués ! Au-delà, de nombreux travailleurs dénoncent aujourd’hui des pratiques de clientélismes qui minent le syndicalisme malien. S’y ajoute la corruption qui serait en cours en haut lieu. Autres reproches faits à la centrale Syndicale ? Le manque de démocratie interne, l’opacité dans les prises de décisions. La désignation tronquée des délégués lors des congrès. S’y ajoute le clientélisme, l’absence d’éthique et de déontologie et l’inféodation au régime depuis la grève, déclenchée en 2013. Dès lors, il est aisé de comprendre le silence complice de l’Untm face aux problèmes des travailleurs. En réalité, à la Bourse du travail certains responsables syndicaux ont décidé de sacrifier l’intérêt des travailleurs au profil de leurs intérêts personnels.
Aujourd’hui, l’évidence est là. En plus de l’insécurité qui gagne l’ensemble du pays, le front social s’agite dans tous les sens. Depuis la réélection de Ibrahim Boubacar Keita pour un second mandat, le front social bouillonne avec la multiplication des préavis de grève et grèves. Les magistrats, les financiers de l’Administration, les promoteurs d’écoles privées, les étudiants, les surveillants et gardiens des prisons… sont en grève ou menacent d’y recourir. Sans oublier les frémissements dans divers autres secteurs d’activité, notamment la Santé avec un arrêt de travail à l’hôpital du Point G depuis deux jours. La multiplication de ces grèves est le signe d’un malaise social qui gagne le pays. La demande sociale se fait de plus en plus forte. La cherté de la vie, notamment le coût élevé du loyer, de l’eau, l’électricité, les denrées de premières nécessité ont imposé aux travailleurs des dépenses supplémentaires.
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube