Rien que quatre lettres (maïs), mais il vole la vedette en ce moment presque partout à Bamako. A l’angle des rues, au bord des routes principales, dans les marchés, gares routières et même devant les bâtiments administratifs publics et privés, les épis de maïs grillé se vendent en longueur de journée.
Awa Dembélé et son amie Mahawa Demba enjambent la rue pavée de l’ancienne Cité des coopérants de Faladié. Le chemin des jeunes femmes s’arrête au bout de la rue devant le siège d’un journal de presse écrite privé. Tenant dans sa main une pièce de 200 F CFA, Awa aborde la vendeuse assise en face d’elle. “Ces maïs sur le feu sont commandés ?”. Demande-t-elle. “Non. Vous en voulez pour combien”, lui répond Ami. La vendeuse est aidée par sa petite fille ces jours-ci qui la remplace aujourd’hui durant les vacances scolaires. L’adolescente donne quelques coups d’éventail aux épis de maïs frais posés sur le fourneau à feu. Elle sert peu après cette énième cliente de la journée.
Adaptés pour la grillade
C’est la première fois qu’Awa déguste les saveurs des épis de maïs grillé de cette saison. “J’aime le maïs grillé. Je ne peux pas m’empêcher de l’acheter quand j’en vois”, raconte-t-elle souriante. Contrairement à elle, son amie Mahawa, par contre, préfère les épis de maïs bouillis. “Je suis ivoirienne. C’est le maïs bouilli que nous mangeons à la maison”.
Les maïs grillés qui se savourent présentement à Bamako sont toutes des variétés précoces avec des cycles 60, 75 et 80 jours maximum, selon Oumou N’tji Coulibaly, directrice de Faso Kaba, une société privée de production et commercialisation de semences améliorées et autres intrants agricoles. “Ces types de maïs sont adaptés pour la grillade. Si on dit qu’une variété a comme cycle 75 jours, ça veut dire que depuis de 50e jour on peut faire la récolte pour les vendre”.
La commande d’Awa est parmi les dernières ventes du jour de la vieille Ami Togola. A quelques minutes de voiture, sur la route de l’aéroport Sénou Bamako commence la journée de Chiaka Tangara.
Devant son champ de maïs d’un demi-hectare, le cultivateur étale trois tas d’épis de maïs frais sur une bâche à même le sol. Ces derniers servent d’échantillons. Une fois que le client se présente, il sera servi dans le stock nouvellement venu du champ. “Je viens de les cueillir dans mon champ”, dit Chiaka montrant du doigt les céréales. Celles-ci sont soigneusement gardées à l’ombre dans trois sacs.
Enthousiaste de dépasser son chiffre d’affaire d’hier où il avait réussi à vendre en une seule journée 25 000 F CFA, l’agriculteur poursuit, “dès que j’écoule ces sacs, je retournerai dans le champ couper d’autres. Je vends toute ma récolte comme ça jusqu’à la fin de la saison“.
Loin de la route de l’aéroport, une concurrence rude est menée sur le long du canal de Magnambougou. Il est 17h. Plus d’une vingtaine de vendeuses prend d’assaut les abords de cette voie dans la boue. La pluie diluvienne tombée sur la capitale courant la moitié de l’après-midi ne leur laisse pratiquement plus de place.
Chaque vendeuse déploie ses moyens pour attirer l’attention des passants souvent plus préoccupés par l’état très dégradé de la route.
Mah Diarra a placé son fourreau entre une boulangerie et une station d’essence. Pendant que sa fille grille les maïs, la vendeuse sert les autres clients qui payent les épis frais. Pour rallonger sa liste de clients, elle a jouté d’autres fruits et légumes de saison sur sa table.
A quelques mètres d’elle, deux autres commerçantes ont installé leurs fourneaux près des marchands de poissons frais.
Des stratégies différentes, mais qui marchent bien au grand bonheur des passants en voiture ou à moto. Chacun est servi à souhait. Et même en plus la vendeuse est prête à changer le maïs grillé quand il n’est pas du goût du client sans prise de bec.
Dans cette ambiance, le sort des peaux des épis de maïs épluchés n’a pas sa place. Entassés à côté, la majorité d’entre elles finissent leur course dans le fleuve ou dans les caniveaux après un passage de pluie.
Céréale complète
Grillés ou frais, les clients au contact du maïs frais ne manquent pas d’argument pour se l’acheter.
- A. un cadre commercial, vient de s’arrêter devant une vendeuse détaillante à Sotuba. Le client achète ses provisions de la semaine, 1 500 F CFA. “Je mange le maïs parce qu’il contient beaucoup de valeurs nutritives. Il facilite aussi la digestion”, dit le client donnant des consignes à la vendeuse sur ses préférences. Des instructions suivies à la lettre par cette dernière.
Sur la table de composition des aliments d’Afrique de l’Ouest établie par la Fao, le maïs est une céréale complète riche en potassium, en protéines, en fibres et en antioxydants essentiels. Grâce à son taux élevé en fibres, la consommation du maïs concourt effectivement à rester en forme et à favoriser une bonne santé digestive.
Selon les nutritionnistes, la plante contient en particulier 3 fois plus de vitamine B que la plupart des légumes frais et a pour avantage un fort apport en vitamine A. Ces nutriments jouent un rôle important, avancent les diététiciens pour le bien-être du corps et participent au bon fonctionnement du système immunitaire, à la santé des os, des dents, des gencives et de la peau. Pour d’autres, la céréale réduit aussi les risques de maladie cardiovasculaire et certains types de maladies liées au vieillissement tels que les rhumatismes et l’arthrose.
Dernière ces vertus nutritionnelles du maïs est bâti un petit commerce porteur pour de nombreuses personnes en particulier des femmes. Elles mettent à profit cette saison pour se faire de l’argent dans la vente des maïs grillés, le plus consommé au Mali.
Source de revenus
C’est dans les champs de maïs de Bamako et ses alentours que les vendeuses partent s’approvisionner chaque matin pour les revendre ensuite en ville. Dans les champs, les grossistes leurs vendent les tas de 4 à 5 maïs à 200 F.
La vente du maïs durant la saison des pluies est devenue la principale source de revenus de la veille Ami depuis deux décennies maintenant. Les filles d’Ami et sa petite fille se sont intéressées à ce commerce au fil des années.
Presque la seule vendeuse dans la rue, la veille Ami a une fois de plus écoulé sa marchandise du jour à 15h déjà. Avec sa fille, elles avaient acheté 8 000 F de maïs à Gwana, Commune de rurale de Kalaban Coro (cercle de Kati) le matin.
Ce chiffre peut être dépassé des jours, affirme-t-elle. “Avant, je pouvais acheter jusqu’à 25 000 F CFA de maïs pour les revendre en une seule journée. Maintenant, je me limite à 12 500 F ou moins chaque jour”.
Avec ses petites économies, la vendeuse dit subvenir aux besoins de sa famille et de mes petits-enfants. Entre les champs de maïs et son fourreau de grillage, la veille Ami continue d’animer autre souhait : pouvoir construire sa parcelle de terrain qu’elle a pu acheter avec les épargnes tirées de son petit commerce.
Vu son coût abordable, de nombreux Bamakois comblent leur petit creux avec la céréale juteuse grillée en ce moment en longueur de journée. Dans la plupart des points de vente en ville, il peut être dégusté en déboursant une pièce de100 F. Le tas des épis de maïs frais est cédé entre 500 à 1 000 F CFA. Les rues de Bamako vont continuer à accueillir jusqu’à la fin de la saison des pluies ses belles couleurs jaunes toutes fraiches.
Kadiatou Mouyi Doumbia
Mali Tribune