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Macky Sall et la crise au Sahel : «Trois questions au célèbre politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye »

«Macky Sall affiche un intérêt visiblement croissant pour la double dimension géopolitique et prospective de la crise au Sahel»

 

IGFM – Comment analysez-vous l’offensive diplomatique du Président Macky Sall dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ?

S’agit-il d’une offensive diplomatique vraiment classique ? Moi, j’observe et je note des initiatives hardies et des discours vigoureux contre le terrorisme. C’est ainsi que, sur le plan domestique, le Président Macky Sall amplifie les efforts de sécurisation du sanctuaire national. Autrement dit, il fortifie les dispositifs de défense, notamment dans les fuseaux Est et Sud qui prennent préventivement en charge les évolutions et les conjonctures peu rassurantes dans les trois pays que sont le Mali et les deux Guinées. Le Garsi de la Gendarmerie, inauguré récemment à Kidira par le ministre des Forces Armées, Sidiki Kaba, en est une illustration. La Falémé qui baigne la bourgade frontalière de Kidira étant une sorte de Ligne Maginot en eaux que les terroristes hyperactifs au Mali ne doivent en aucun cas approcher. A l’échelle de la sous-région, Macky Sall affiche un intérêt visiblement croissant pour la double dimension géopolitique et prospective de la crise au Sahel. Le Forum international pour la paix et la sécurité en Afrique canalise son énergie et donne un écho aux discours vigoureux qu’il prononce, singulièrement sur les approches onusiennes de maintien de la paix, peu pertinentes et peu productives à ses yeux. D’où cette impression d’offensive diplomatique contre le terrorisme. Bref, les observateurs n’ont pas vu un agenda spécifiquement et lourdement anti-terroriste décliné par Macky Sall. Le schéma politico-militaire qui éradique le terrorisme au Sahel n’est pas encore élaboré à Dakar.

Cette nouvelle posture du chef de l’Etat ne constitue-t-elle pas une revanche du Sénégal sur les pays du G5 Sahel ?  

Ecoutez, les choses sont plus compliquées. D’abord, le Sénégal est un pays physiquement dans le Sahel et géographiquement en bordure du Sahara. Par ailleurs, le Sénégal est membre fondateur du bien nommé Cilss (Comité inter-États de lutte contre la sècheresse au Sahel). On est tellement dans le Sahel que le Général De Saint-Quentin qui a commandé l’opération Serval était cumulativement commandant des Éléments français au Sénégal. Donc le Pc de Serval était à Dakar. Je ne parle pas de Barkhane dont le Pc est établi à Ndjamena. Vous voyez qu’on n’a pas besoin de frapper à la porte ou de quémander un visa d’entrée dans le G5 Sahel. Mais quand la politique parasite la géographie, les incongruités fleurissent. Je vais être clair. C’est l’ex-Président Mohamed Ould Abdelaziz qui ne voulait pas du Sénégal dans le G5 Sahel, pour des raisons que je ne signale pas ici. Maintenant, les choses ont changé, car le Président Ghazouani est dans des dispositions nouvelles et meilleures. Donc ne réveillons pas les vieux démons, en parlant de «revanche» !

Ensuite, le poids des réalités dicte et impose les décisions. Tous les spécialistes admettent à l’unisson que le Tchad à l’Est et le Sénégal à l’Ouest sont les maillons les plus solides de la chaîne militaire au Sahel. Tous les autres sont des maillons mous, à l’exception de la robuste Mauritanie, dont les services de renseignement maîtrisent fort bien la galaxie djihadiste au Sahel. Donc le Sénégal a une carte à jouer au Sahel pour lui-même et pour l’Afrique de l’Ouest. Tenez, si le Mali s’affaisse, toute la région de Kayes se déversera dans la région de Tambacounda. Avec deux ou trois millions de personnes subitement réfugiées sur son sol, le Sénégal dira adieu aux rêves d’émergence et sombrera dans les cauchemars…du naufrage économique. Sans parler du possible dynamitage du barrage de Manantali par des islamistes allergiques aux fleurons d’une certaine technologie occidentale.

Toutefois, Dakar ne saurait intégrer le G5 Sahel, sans précautions à l’égard de quelques agendas camouflés. Le Sénégal qui traîne le boulet ou l’abcès casamançais, peut-il cautionner l’amputation de Kidal, c’est-à-dire le démantèlement du Mali ? Voilà des questions de taille qui conditionnent le destin des Etats sahéliens.

Est-ce que le Président Macky Sall a les épaules suffisamment larges pour porter le combat anti-terroriste dans la sous-région ?

Ce n’est pas une question de charpente physique ou de carcasse digne d’un malabar, mais de vivacité d’esprit et de vision stratégique. Donc de leadership. Cependant, les atouts et l’expertise du Sénégal doivent être proposés en douceur et dans une optique de solidarité non flamboyante, afin de ne pas heurter le souverainisme et la dignité à fleur de peau de pays et peuples qui sont plus sur la ligne de front que nous, Sénégalais. En tout état de cause, les pertes lourdes de l’Armée nigérienne le long de la frontière du Mali administrent la preuve que les deux dents tchadienne et sénégalaise de la tenaille militaire sont précieuses et salvatrices pour le Sahel.

BADIANE

SourceMalijet

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