Les violences basées sur le genre se manifestent sous plusieurs formes. Elles vont de la violence physique, morale, psychologique, voire de la cyber violence. Parmi toutes ces formes, nous trouvons que la violence faite aux jeunes filles en matière d’éducation se révèle d’une importance capitale si nous savons que tout développement part de l’éducation. Il faudrait scolariser les jeunes filles si réellement les Droits de l’Homme nous sont chers. Ne pas scolariser les jeunes filles, c’est violer les Droits de l’Homme. L’éducation est un droit pour tous.
Si seulement ce vieil adage qui apprend qu’« Éduquer une fille, c’est éduquer une nation » était suivi à la lettre, on ne serait là où nous en sommes aujourd’hui, notamment à réclamer une scolarisation accentuée des jeunes filles. Cela n’est pas surprenant si nous savons qu’en République du Mali, pratiquement aucun droit n’est respecté. La constitution de 1992 ne nous n’apprenait-elle pas que l’éducation publique est obligatoire, gratuite et laïque ? De nos jours, ce principe devient un mot creux puisque semble ne plus être d’actualité, dans la mesure où une franche de la société malienne reste toujours victime de pensées sexistes la considérant comme un « sexe faible », une « moins-que-rien », une « sans-voix », un « n’ayant-pas-droit ». En effet, les jeunes filles continuent d’être victimes des violences basées sur le genre au Mali dans le cadre de l’éducation. Les statistiques de l’Unesco nous indiquent qu’en 2015, seuls 70% de jeunes filles fréquentaient l’enseignement primaire au Mali contre 80% de garçons. Cette même statistique nous indiquait également que le taux d’alphabétisation au sein de la population âgée de 15 ans et plus en 2015 était seulement de 20% pour les filles et plus de 40% pour les garçons. Ces statistiques font froid au dos parce qu’elles montrent le lourd effort qui attendent toujours notre nation en termes de scolarisation des jeunes filles, voire de lutte contre les violences basées sur le genre.
La cause fondamentale de ce faible taux de scolarisation des jeunes filles reste le mariage précoce. Dans la plupart des contrées du Mali et pire, dans les zones rurales, depuis à l’âge de 15 voire 13 ans, des jeunes filles sont soustraites des murs de l’école pour les donner en mariage. Le foyer conjugal étant dans la plupart des cas une grande famille ne donne point l’occasion de poursuivre les études parce que les tâches dans la plupart de ces types de famille se font de façon tournante et nul ne peut s’y soustraire pour une quelconque cause ou plutôt pour l’éducation.
En pleine année scolaire, l’année dernière, c’est-à-dire en 2017, dans la région de Kayes et plus précisément à Yélimané, les enseignants se sont battus corps et âme contre le mariage d’une jeune fille qui ne faisait que l’enseignement fondamental. La mère de la jeune fille en question en était contre et a beau cacher sa fille pour lui éviter ce mariage qui ne la plaisait pas non seulement, mais aussi parce que la fille était assez intelligente et avait l’ambition de continuer ses études. Mais tous les efforts ont été vains puisque la jeune fille a fini par être retrouvée et donnée en mariage contre sa volonté. Alpha, qui est enseignant à Yélimané et qui nous a raconté ce drame, a profité de l’occasion pour nous indiquer que ces pratiques sont monnaie courante dans cette zone où il arrive de valider des mariages de jeunes filles de 12 ans.
Aux mariages précoces, il convient d’ajouter également les grossesses non désirées. L’avènement de cette situation conduit dans beaucoup de cas à l’abandon scolaire, surtout quand l’acquisition de la grossesse n’est pas digérée par la famille de la jeune fille. N’ayant personne pour s’occuper du bébé qui dans la plupart des cas n’a pas un géniteur connu, ces « mamans précoces » se voient dans l’obligation de déguerpir des bancs de l’école.
Ce genre de pratiques constitue une violation grave contre non seulement les Droits de l’Homme, mais particulièrement les Droits de la jeune fille. Pour la meilleure réussite des combats pour l’égalité genre, il est indispensable d’assurer une égalité sur le plan éducatif sans cela, tous les efforts risquent d’être vains. Car c’est à partir de l’éducation que l’Homme parvient à une meilleure compréhension de certains phénomènes. Outre cela, l’égalité des sexes sera compromise, puisque sans éducation, les femmes seront condamnées à leur statut de « prisonnières » ne pouvant exercer d’autres fonctions en dehors des tâches ménagères.
Cette violation contre les jeunes filles doit et peut être vaincue à travers de fortes sensibilisations sur toute l’étendue nationale. Il ne faudrait plus que les femmes rurales soient marginalisées des combats émancipateurs de leurs camarades citadines. La réussite de ce combat passe nécessairement par l’implication de toutes les femmes et dans toutes les zones afin que chacune puisse comprendre réellement la nécessité de la lutte engagée. La révision de programmes éducatifs, avec l’insertion de modules basés sur les questions du genre ou faisant le panégyrique de grandes figures de l’histoire féminine, entre également en ligne de compte.
Enfin, en ce qui concerne les grossesses non désirées, il est grand temps que les parents évoluent dans leur mentalité en évitant dorénavant de faire des questions basées sur le sexe un tabou. Il va dans l’intérêt et surtout de l’honneur de toute la famille, d’expliquer aux jeunes filles les problèmes de la sexualité et les méthodes de la planification familiale. Si les Droits de l’Homme nous sont assez chers, alors commençons par envoyer nos filles à l’école.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays