Le chef de l’État français attendu aujourd’hui à Toulon dans le cadre de la revue nationale stratégique va évoquer, selon plusieurs médias français, la fin de l’opération Barkhane initialement mise en place en 2014 pour lutter contre le terrorisme au Mali.
Mais les brouilles entre les dirigeants des deux pays qui ont détérioré la situation ont conduit au retrait définitif de Barkhane du Mali en août dernier avant d’entamer notamment sa mutation au Niger et au Burkina Faso.
« Le chef de l’État, en visite à Toulon, doit prononcer un discours qui sera notamment «l’occasion de marquer officiellement la fin de l’opération Barkhane et d’annoncer une adaptation significative de nos bases en Afrique», a indiqué BFM TV en citant l’Élysée.
Selon l’Élysée, le principe est «de réduire l’exposition et la visibilité de nos forces militaires en Afrique, de se concentrer sur la coopération et l’appui (…), principalement en termes d’équipement, de formation, de renseignement et de partenariat opérationnel lorsque les pays le souhaitent».
« Nos soldats restent couverts, protégés, soutenus, administrés dans des conditions qui sont satisfaisantes », mais l’annonce officielle est « nécessaire localement », a ajouté l’Élysée.
L’idée désormais est de continuer à agir, mais en discrétion. Aucun nouveau nom n’a été, semble-t-il, donné aux troupes désormais déployées. «Dans le champ des perceptions, Barkhane continue d’occuper une présence très importante sur les réseaux sociaux. Il faut y mettre clairement un terme pour pouvoir basculer sur une autre logique», a conclu l’Élysée.
Après 9 ans de présence au Mali avec un bilan controversé, la survie de l’opération Barkhane, en dehors des frontières maliennes, n’a été que de courte durée. Redéployée au Niger, au Burkina Faso notamment, l’opération Barkhane qui témoigne de l’engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme ne fêtera pas ses 5 mois de présence au Sahel. Aussitôt engagée, aussitôt retirée.
À l’image du Mali, au Niger comme au Burkina Faso, il y a une forte montée de la population contre la présence militaire française contre le terrorisme. Dans ces pays en proie à l’insécurité marquée par les attaques des groupes terroristes, la France a montré ses limites contre ceux-ci, accusent plusieurs citoyens de ces États. L’alternative, selon eux, est de suivre l’exemple du Mali en faisant l’option de la Russie.
Les 9 ans de présence au Mali ne plaident pas forcément en faveur de l’opération Barkhane intervenue pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux et aider l’État malien à se reconstituer. Pour y parvenir, la France a mis en place l’opération Serval qu’il recyclera en Barkhane en juin 2014. Malgré le déploiement de plus de 5000 hommes au Sahel dont la majorité au Mali les djihadistes ne sont pas vaincus, le terrorisme explose hors des frontières du Mali et s’étend à toute la région. En clair, la situation se dégradait et la population impatiente montait au créneau contre la France.
Or, selon la hiérarchie militaire française des Armées, « le volet militaire n’est qu’une partie de la réponse qui doit d’abord s’appuyer sur des progrès politiques, sociaux, culturels et économiques ». Malgré des victoires tactiques et l’élimination de chefs djihadistes, le terrain n’a jamais été véritablement repris par l’État malien et ses forces armées.
En outre, le rejet des politiques de la France par les populations sahéliennes et des dirigeants a été alimenté par une approche française ressentie par beaucoup comme paternaliste et arrogante. Les autorités françaises n’ont pas toujours bien pris la mesure des sensibilités historiques qui existent avec les pays du Sahel. Elles ont souvent péché par un manque profond d’humilité et d’écoute. Un événement en particulier est resté dans les mémoires quand en janvier 2019 le président français “convoque” ses homologues sahéliens lors d’un sommet à Pau pour demander des explications suite à la mort de soldats français lors d’un accident au Mali, dans un contexte de manifestations contre la présence militaire française. Pour beaucoup d’observateurs, ce sommet a été vu comme une réaction arrogante et profondément paternaliste de la France exigeant des présidents sahéliens une sorte d’allégeance à son endroit, quitte à les mettre dans une posture difficile avec leurs propres citoyens.
PAR SIKOU BAH