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Lutte contre le djihadisme: les pays d’Afrique de l’Ouest peuvent-ils prendre le relais ?

États d’Afrique de l’Ouest doivent intensifier leurs efforts, déclare Emmanuel Odilon Koukoubou, politologue béninois et spécialiste des politiques de sécurité.

« Les États de la sous-région ouest-africaine n’ont pas le choix que de prendre en charge leur sécurité en luttant contre les groupes terroristes », dit il.

« D’abord parce que même si jusqu’à présent, la France et d’autres partenaires internationaux ont joué un rôle primordial dans la lutte contre les groupes terroristes dans la région, les États concernés ne sont pas restés les bras croisés, quoique limités par leurs moyens. Ensuite parce que même les acteurs étrangers comme la France qui ont jusqu’ici semblé dominer la lutte antiterroriste dans la région ne sont pas exempts de critiques et n’affichent pas des résultats extraordinaires. Enfin parce qu’il ne s’agit pas de pouvoir mais de devoir. Les Etats d’Afrique de l’ouest doivent assurer leur propre sécurité. »

Où en sommes-nous ?

La France et ses alliés au sein d’une force européenne ont annoncé à l’issue d’une réunion des dirigeants européens et africains au palais de l’Élysée, le 17 février le retrait de leurs troupes du Mali après presque une décennie. «Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », a déclaré le Président Macron.

Les forces seront redéployées ailleurs dans la région sahélienne de l’Afrique. Mais la France avait également annoncé auparavant une réduction globale dans la région et la fermeture de bases.

Le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a prévenu que le retrait des forces créait “un vide” qui alourdirait la charge des gouvernements régionaux.

Dans une allocution prononcée lors du conseil politique de son parti le RHDP le 28 février, le président Ouattara a annoncé une augmentation des forces de défense et de sécurité: «C’est ainsi que j’ai donné instruction au ministre de la défense et au chef d’état-major général des armées d’augmenter de 10000 unités les effectifs de l’armée et de 5000 unités les effectifs de la gendarmerie, et j’ai également donné instruction au ministre de la sécurité d’augmenter les effectifs de la police d’au moins 5000 personnes en 2022-2023.»

Un seul pays peut-il relever le défi là où des forces conjointes n’ont pas réussi à endiguer les attaques des djihadistes ?

L’analyste malien Soumaila Lah ne semble pas convaincu : « Aujourd’hui, nous avons vu que les terroristes ont étendu leurs tentacules aux états côtiers. Pas plus tard qu’il y a un mois le Bénin a été attaqué, la Côte d’Ivoire a été attaquée il y a de cela quelques années, etc. Vous avez un pays comme le Nigeria par exemple qui est quand même considéré comme la première puissance en Afrique, qui a une armée des plus fortes en Afrique mais qui n’arrive pas jusque-là à bouter hors de son territoire les menaces djihadistes. »

Des mécanismes sous régionaux inefficaces ?

La mutualisation des forces militaires des Etats de la sous-région est l’option la mieux partagée par les experts pour lutter contre les djihadistes car un seul pays ne peut relever le défi là où des forces conjointes n’ont pas réussi à endiguer les attaques des djihadistes.

Le G5 Sahel, qui regroupe le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger est l’un des dispositifs les plus connus de coopération entre états du Sahel pour faire face aux djihadistes dans la région. Survivra -t-il au retrait de Barkhane et de Takuba ? Oumarou Paul Koalaga, spécialiste des relations internationales et sécuritaires, parle de fragilisation : « Les efforts qui avaient été bien structurés et qui permettaient aux états du G55 Sahel dans une certaine coordination, de pouvoir mener la lutte ou de minimiser la capacité de nuisance des groupes terroristes, aujourd’hui on voit que cette situation va connaître, sans forcément dire qu’on va vers un arrêt complet de ces opérations, on sent qu’aujourd’hui le G5 est fragilisé notamment avec le départ de Barkhane. Il va falloir une autre dynamique avec les états de l’Afrique de l’Ouest qui doivent plus ou moins mutualiser les efforts pour pouvoir venir à bout de ces terroristes. »

Selon toujours Koalaga, la situation actuelle présente une occasion pour les armées de la sous-région de s’affirmer davantage : « C’est vrai qu’on peut compter sur le soutien de partenaires mais plus que jamais, une fois de plus, c’est la bonne opportunité pour ces forces ouest africaines de montrer qu’elles ont quand-même quelque répondant et que malgré qu’il y ait des effets d’annonce, bien sûr suivis de décisions majeures quant au départ de Barkhane, qu’elles sont capables parce qu’elles ont quand même pendant un bout de temps eu l’occasion d’apprendre, de s’adapter à la menace et devraient aussi pouvoir apporter un certain nombre de réponses. C’est sur ces questions qu’on attend ces états de l’Afrique de l’ouest qui, à un moment donné, au-delà des discours doivent aujourd’hui passer aux actes. »

Cependant, le problème du cadre d’actions se pose, ainsi que celui des moyens, notamment financiers.

Emmanuel Koukoubou soutient que « la CEDEAO a montré des limites. »

Pour étayer ses propos, il donne deux exemples : « Le premier, c’est que la Force en attente de la CEDEAO n’est toujours pas sérieusement montée en puissance ; et il paraît utopique de penser qu’elle pourrait être déployée pour lutter contre les groupes djihadistes. Le deuxième, c’est que la CEDEAO n’est pas capable, à ce jour, de financer sa propre politique de lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’un plan d’action quinquennal adopté lors de la conférence de Ouagadougou organisée sur la lutte contre le terrorisme en septembre 2019. Un plan d’un budget estimé à 2,3 milliards dont les pays de la CEDEAO devaient mobiliser directement au moins 1 milliard. À ce jour, les fonds promis par les Etats membres n’ont pas été entièrement libérés. C’est vous dire qu’entre la volonté affichée, le discours proféré et les actes concrets qui suivent, il y a un grand fossé à combler. »

L’intérêt des djihadistes pour les pays côtiers pourrait aussi servir de prétexte pour redynamiser l’Initiative d’Accra, qui réunit le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Koukoubou pense qu’elle « pourrait devenir un cadre plus intense de coopération antiterroriste » à condition de trouver une solution pour son financement.

Source : BBC Afrique

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