Les unités de l’Office central des stupéfiants (l’Ocs) ont procédé à deux importantes saisies de drogue le vendredi 5 novembre 2021 et celle concernant la cocaïne (33,92kg) est considérée par l’Onudc comme la plus importante saisie réalisée par une cellule aéroportuaire. Des saisies, il y en a presque tout le temps au Mali et entre l’Ocs, les douanes, la police et la gendarmerie, c’est à qui mieux-mieux. Des quantités de plus importantes sont toujours brandies comme des trophées de guerre suite à des opérations de saisies, mais silence radio sur les condamnations, la destination effective des drogues saisies et surtout, le manque de vigilance que relèvent des partenaires comme les douaniers français parce que des quantités importantes partent aussi de l’aéroport de Bamako vers l’Europe.
La première saisie opérée par les unités de l’Office central des stupéfiants (Ocs), le vendredi 5 novembre 2021, concerne une quantité importante de cocaïne (33,92kg) qu’un passager de double nationalité (malienne et guinéenne) tentait de faire passer en France. A l’aéroport Président Modibo Keïta de Bamako-Sénou, il cherchait à embarquer dans un avion à destination de Paris avec la drogue dissimulée dans deux sacs à main, lorsqu’il a été appréhendé par la Cellule aéroportuaire anti trafic de l’Ocs qui le surveillait et a attendu qu’il termine ses formalités d’enregistrement pour le pendre en flagrant délit. C’est un beau coup de filet, un record de saisie de cocaïne par une cellule aéroportuaire que le Mali vient de battre selon l’Onudc. La valeur de la cocaïne ainsi saisie est estimée à plus d’un milliard de nos francs.
La deuxième opération de saisie s’est effectuée le même jour à Yirimadio. Il s’agit de 400kg de résine de cannabis conditionnée en briquettes emballées dans des sachets plastiques. Sa valeur est estimée à plus de 160 millions de Fcfa. Pour les deux opérations, quatre personnes ont été interpellées. Bravo donc à l’Ocs.
Plus de 20 kg de cocaïne passent par l’aéroport de Bamako pour arriver en France
Cependant, rien que les propos du directeur de l’Ocs lors de la présentation de ces saisies à la presse poussent à réfléchir, lorsqu’il révèle que quelques jours auparavant, plus de 20 kg de cocaïne passés par l’aéroport de Bamako ont été interceptés par les douanes françaises qui ont ensuite alerté l’Ocs. Et c’est ce qui a accru la vigilance pour faciliter l’interpellation de celui qui transportait les 33,9 kg. Alors, comment avec le dispositif impressionnant mis en place audit aéroport de Bamako, un voyageur a-t-il pu passer facilement avec autant de cocaïne pour transporter cette drogue jusqu’en France où les douaniers ont fait preuve de plus de vigilance pour intercepter ces substances prohibées ? Une enquête sérieuse doit être ouverte pour situer les responsabilités parce que des complicités ne sont pas à exclure pour pouvoir franchir tous les niveaux de contrôle des passagers et de leurs bagages. Par ailleurs, des semaines auparavant, les mêmes douanes françaises avaient intercepté de la drogue transportée par fret à partir de Bamako. Encore de la cocaïne ! Et les renseignements fournis à la partie malienne par les Français avaient permis d’alpaguer un ressortissant nigérian qui tentait d’envoyer, par une entreprise de fret, de la drogue soigneusement dissimulée dans des deux pièces de moteur. Encore de la drogue passée entre les mailles du filet à Bamako pour atterrir en France.
Combien de fois des passagers ont-ils donc pu passer sans être inquiétés ? Quelle quantité a-t-elle bien pu être envoyée depuis Bamako où on ne voit que lorsque la France le signale ?
Manque de transparence dans le traitement des drogues saisies
L’on me dira que c’est normal que les douaniers français alertent les services maliens dans le cadre de la collaboration transfrontalière entre services de lutte contre la drogue. Mais après, avec ces quantités qui leur parviennent, que peuvent bien penser les douaniers français, du Mali et de son dispositif de lutte contre la drogue ?
Par ailleurs, des saisies sont très souvent fièrement brandies, mais il y a de quoi être plus transparent dans la traçabilité de la drogue saisie pour permettre aux populations d’en savoir davantage pour enlever dans la tête de la plupart des Maliens, l’idée selon laquelle une bonne partie de la drogue saisie serait recyclée. A ce sujet, l’Ocs fait exception puisqu’il organise régulièrement des séances d’incinération auxquelles les journalistes, témoins privilégiés sont conviés pour constater que les procédures sont respectées et le directeur de l’Ocs, appuyé par son service de communication, prend le soin de faire le point avec les journalistes, sur place, en présence des autorités administratives t judiciaires habilitées à superviser l’opération.
L’on se rappelle la saisie à l’aéroport de Bamako, de 10 kg d’héroïne que transportait une Botswanaise, il y a de cela trois ans. A ce jour, les Maliens attendent toujours qu’on leur dise la suite réservée à cette saisie, surtout après tout le boucan entretenu autour de cette opération, en son temps. En un mot comme en mille, faire des saisies et les médiatiser à outrance est une chose, mais faire preuve de transparence dans le traitement des drogues saisies en est une autre et c’est là où gît une énorme zone d’ombre.
En outre, qu’advient-il des acteurs du trafic de drogue ? Nous avons l’habitude d’encaisser que l’on dise à la presse qu’ils sont activement recherchés ou que pour les besoins d’enquêtes on ne peut en dire plus. Finalement on a l’impression que soit on ne les retrouve jamais soit les enquêtes déclarées ne se terminent jamais pour que l’on puisse connaître la suite.
La répression judiciaire en question
Supposons même qu’ils soient arrêtés et remis à la justice. Quel sort leur a-t-il été réservé ? Condamnés, acquittés ou se seraient-ils évadés ? Mystère et boule de gomme ! C’est le point le plus faible de la chaîne d’information sur la lutte contre le trafic de drogue parce que l’omerta entretenue autour des cas de trafiquants remis à la justice divorce d’avec le concert de tambours et trompettes organisé lors de leur interpellation. Alors que leur infliger de lourdes peines bien connues par tout le monde serait une mesure dissuasive bien efficace.
Voilà donc un ensemble de questions dont la recherche des réponses devrait donc guider les autorités pour rendre plus performante la lutte contre la drogue, surtout pour gagner davantage la confiance des populations afin qu’elles y participent activement, en tant que maillon important de la chaine du dispositif, pour gagner ce combat contre le trafic international de stupéfiants.
Mais en attendant, avec les quantités importantes annoncées saisies à Bamako ou passées par l’aéroport de Bamako, le Mali ne pourrait vraiment s’en flatter puisque c’est la preuve que le Mali tend à devenir une plaque tournante du trafic international de drogue. S’il ne l’est pas déjà devenu !
Amadou Bamba NIANG
Source: Aujourd’hui-Mali