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L’Uemoa 25 ans après sa création : Concilier les impératifs sécuritaires et les besoins de la libre circulation

Les communautés membres de l’organisation commune et leurs biens peinent à circuler
librement entre les différents pays. La menace terroriste constitue un nouvel obstacle aux objectifs de l’intégration régionale

De la libre circulation des personnes et des biens dépendra la réussite et l’atteinte des objectifs fixés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Il se trouve que 25 ans après la création de l’Union en janvier 1994, les communautés membres de l’organisation commune et leurs biens peinent à circuler librement, malgré certaines avancées et l’existence de textes favorables à cet effet. Les échanges intracommunautaires semblent aussi être en deçà des attentes. Pour relever ces défis, la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine a initié un Forum scientifique de haut niveau pour questionner les outils existants et les pratiques en cours en matière de libre circulation des personnes et des biens.
à cet effet, politiques, universitaires, experts, acteurs, journalistes et société civile échangent, depuis hier à Ouagadougou (Burkina-Faso), sur le thème : « Uemoa, 25 ans, ensemble relevons le défi de la libre circulation des personnes et des biens dans un espace communautaire sécurisé ». La cérémonie d’ouverture de cette rencontre de deux jours a été présidée par le président de la Commission.

MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS- Abdallah Bouréima a rappelé les avancées enregistrées en matière de libre circulation des personnes et des biens. En la matière, le président de la Commission a cité la directive relative à la mobilité des étudiants dans l’espace. Ce texte permet, selon lui, aux ressortissants des pays membres de s’inscrire dans les Universités publiques d’un pays membres et payer les mêmes frais que les nationaux. S’y ajoute la directive sur la libre circulation des professions libérales : médecins, chirurgiens dentistes, pharmaciens, experts comptables et avocats. « L’institutionnalisation d’un visa unique avec l’adoption, en mars 2009, d’un acte additionnel instituant la politique commune de l’Union dans le domaine de la circulation et du séjour des personnes non ressortissant de l’Uemoa » est aussi un progrès à l’actif de l’Union.
En dépit de ces avancées, des défis réels existent, notamment les rackets sur les réseaux routiers transfrontaliers. Transporteur à Sikasso, Abdoulaye Ouattara se dit dépité par les tracasseries routières dont les usagers sont victimes le long des trajets Sikasso-Côte d’Ivoire et Sikasso-Burkina Faso.
Or, selon les textes de l’Union, il ne devrait pas y avoir plus de trois postes de contrôle d’un pays à un autre. On en est déjà à une vingtaine. à titre d’exemple, un camion empruntant le corridor Dakar-Bissau est contrôlé 38 fois ; 27 fois sur le couloir Ouaga-Lomé, et 26 fois sur celui de Bamako-Dakar via Diboli. Les perceptions illicites par camion et par voyage s’élevaient en 2017 en moyenne à 41.245 Fcfa constituant ainsi un surcoût qui entrave le développement des échanges communautaires. Elles ont atteint 101.000 Fcfa sur le tronçon Dakar-Bissau, 59.925 sur le corridor Bamako-Ouaga via Hérémakono et 49.630 Fcfa sur l’axe Abidjan-Bamako, selon un rapport sur l’état de l’intégration. Conséquences ? Les échanges intercommunautaires, même si elles ont doublé en volume en 10 ans (2006 et 2016), ne se situent qu’à 11,6% du total des échanges commerciaux de la zone, niveau nettement inférieur à l’objectif de 25% fixé par le Programme régional de développement des échanges commerciaux dans l’espace Uemoa, a déploré le Pr Alioune Sall, prospectiviste sénégalais. Selon le conférencier, cette faiblesse est due aux nombreux contrôles sur les passages, les prélèvements illicites et autres faux frais, et les longs délais pour le transport des marchandises. Les difficultés pour certaines entreprises à avoir accès aux marchés, notamment publics, de certains pays de l’Union, sont aussi à l’origine de cette baisse, a diagnostiqué le professeur en économie du développement.

VOLONTÉ POLITIQUE- En outre, le Pr Sall a attiré l’attention de l’assistance sur le fait que des pays membres de l’Uemoa sont victimes d’attaques terroristes ou souffrent des agissements de certains groupes extrémistes violents. Pour lui, les États doivent mobiliser aujourd’hui des ressources pour faire face au péril qui les guette. « Ces ressources sont mobilisées au détriment de l’investissement nécessaire à faire dans certains secteurs », a déploré le docteur en sociologie qui fera remarquer que l’économie ne peut pas prospérer lorsqu’un pays est confronté à certain conflit ou quand « la guerre est une menace permanente ».
Pour preuve, en raison de l’insécurité qui prévaut, nous assistons à une intervention accrue des forces de sécurité et de défense. Ce qui rend les contrôles davantage nombreux et lents. Le temps perdu lors de ces contrôles se traduit par des pertes. « On ne saurait, sous prétexte de libre échange, laisser le champ libre à des groupuscules et autres groupes terroristes, qui profiterait de la libre circulation pour faire circuler les armes », a relevé le Pr Sall qui recommande donc de concilier l’impératif sécuritaire avec les ambitions d’amélioration de la circulation des personnes. Libre circulation qui pourrait être facilitée en relevant les défis liés à la réalisation d’infrastructures adaptées. « Vu l’état des infrastructures routières dans nombre de pays, la faiblesse des infrastructures énergétiques et en matière informatique, il est certain que le développement s’en trouve retardé », a soutenu le Pr Sall. Comme impact, les coûts des produits mis sur le marché sont élevés. Les transports coûtent chers.
à son tour, l’ancien Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances du Burkina Faso, Tertius Zongo, a fait de la recherche de réformes et de politiques publiques initiées et pensées par « nous-mêmes et adaptées à nos réalités » une condition essentielle pour que les politiques puissent produire les effets escomptés. Des participants pensent que les États constituent les premiers ennemis de l’intégration. Ils sont, à en croire certains intervenants, les premiers à torpiller les décisions qu’ils ont eux-mêmes prises. Comme pour dire que sans une volonté politique réelle, tous les efforts seront vains.
Il est à rappeler que notre compatriote, l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances, Mme Fily Bouaré Sissoko a modéré un panel sur l’accélération des réformes communautaires portant sur la libre circulation des personnes et du droit d’établissement.

Envoyé spécial
Cheick M. TRAORÉ

Source: Journal l’Essor-Mali

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