Depuis hier, les regards de la justice internationale sont braqués sur le Mali, l’ONU ayant rendu publics deux rapports sur les évènements de Kidal de mai 2014 et de Tin Hama. Les deux rapports de l’ONU, rendus publics le 22 décembre 2015, depuis Genève, indiquent « l’urgence de mettre fin à l’impunité pour les violations des droits de l’homme ». Le rapport sur Kidal se base sur plus de 65 missions effectuées dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou et dans la capitale Bamako, afin d’interroger plus de 230 personnes, parmi lesquelles des victimes, des témoins et des protagonistes des événements de Kidal, et afin de mesurer leur impact sur les communautés. Le document accable aussi bien le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) que les Forces armées maliennes (FAMa). En question, « des exécutions sommaires, le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités, des arrestations et détentions illégales, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, des vols et destructions de biens, ainsi que l’utilisation des armes lourdes de façon indiscriminée dans la ville de Kidal en direction de zones habitées par des civils. Accablant ! Les coupables de « crimes de guerre » sont dans la ligne de mire des juridictions internationales comme la Cour pénale internationale (CPI). Le rapport invite tous les mouvements signataires et les autorités maliennes à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et droit international humanitaire sur la nécessité de protéger les civils. L’Etat malien va-t-il réagir en usant des arguments solides, ou va-t-il garder le silence, et demeurer muet comme une carpe devant de telles accusations ? Le Républicain a parlé au ministère de la Défense et des Anciens combattants, vainement. Contactée, la DIRPA a timidement réagi.
Les deux rapports des Nations Unies, indiquant des violations survenues en mai 2014 dans la ville de Kidal et en mai 2015 dans le village de Tin Hama, publiés mardi montrent « la nécessité de mener des enquêtes crédibles et réclament la fin de l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises dans le pays ». Le premier rapport documente des violations et abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire commis entre le 16 et le 21 mai 2014 à Kidal par divers groupes armés et par les forces de défense et de sécurité maliennes. Publié conjointement par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le rapport sur Kidal se base sur « plus de 65 missions effectuées dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou et dans la capitale Bamako, afin d’interroger plus de 230 personnes, parmi lesquelles des victimes, des témoins et des protagonistes des événements de Kidal, et afin de mesurer leur impact sur les communautés », indiquent les experts des Nations-Unies.
Parmi les violations et abus commis par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) figurent la mort de huit personnes, dont six membres de l’administration malienne, parmi lesquelles certaines auraient été exécutées sommairement, le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités, des arrestations et détentions illégales, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des vols et destructions de biens. Les Forces armées maliennes (FAMa) ont, quant à elles, utilisé des armes lourdes de façon indiscriminée dans la ville de Kidal en direction de zones habitées par des civils. « S’ils sont qualifiés devant un tribunal compétent, ces actes pourraient constituer des crimes de guerre», précise le rapport. Le rapport de l’ONU souligne aussi que « quasiment aucune mesure n’a été prise ou rendue publique par les autorités maliennes et les groupes armés pour identifier les auteurs des violations et abus et les tenir responsables de leurs actes. Seule une commission d’enquête a été établie par le parlement malien dont le rapport n’a pas encore été rendu public. »
Graves violations et abus
Le deuxième rapport documente « de graves violations et abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrés les 20 et 21 mai 2015 dans le village de Tin Hama, dans la région de Gao, suite à une confrontation entre des éléments armés du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) et de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ». Le rapport indique qu’au cours de cette attaque, « des éléments du GATIA auraient sommairement exécuté six hommes, en raison de leur appartenance communautaire et de leur allégeance supposée à la CMA. Ils seraient également responsables du déplacement forcé de 230 personnes sur une base ethnique. Des éléments de la CMA seraient, quant à eux, responsables de détenir trois éléments du GATIA et de pillages », indique-t-on. Le rapport souligne l’inaction des membres des Forces armées maliennes (FAMa) à protéger la population, ce qui pourrait engager la responsabilité de l’État malien pour manquement à ses obligations internationales. « Les autorités judiciaires n’ont ouvert aucune enquête au sujet des évènements de Tin Hama », s’alarme le rapport, qui invite tous les mouvements signataires et les autorités maliennes à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et droit international humanitaire sur la nécessité de protéger les civils.
« C’est dans leur façon de répondre aux événements de Kidal et Tin Hama, en garantissant la justice pour les victimes et en mettant fin à l’impunité, que les autorités maliennes et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger feront véritablement la preuve de leur engagement en matière de droits de l’homme. Cette étape est indispensable pour régler les causes profondes à l’origine de la crise malienne et pour remettre le pays sur le chemin de la paix et de la réconciliation », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.
Pour la Direction de l’Information et des Relations publiques de l’Armée (DIRPA) contactée, « ces rapports sont éminemment politiques, le rapport sur Kidal est vraiment politique. Par rapport à Tin Hama, il y a eu la réaction des autorités à l’époque ». Selon notre interlocuteur, concernant des réponses aux organisations internationales, à l’ONU ou à l’Union européenne, les hautes autorités sont seules habilitées à le faire. A la DIRPA, on n’a pas le numéro du portable du ministre, apparemment le seul habilité à réagir. Nos efforts ont été vains pour joindre un cadre du ministère de la Défense et des Anciens combattants.
Tin Hama
Dans un communiqué du 22 mai 2015, le gouvernement malien indiquait « Dans la matinée du mercredi 20 mai 2015, des éléments de la CMA ont attaqué le village de Tin-Hamma, cercle d’Ansongo, faisant trois (3) morts, tous des civils et pillant les biens de paisibles populations. Les Forces armées du Mali sont aussitôt intervenues sur les lieux, repoussant les assaillants et saisissant d’importants matériels de guerre. Cette attaque été suivie le lendemain de règlements de compte sanglants entre des éléments de groupes armés appartenant à ladite localité ». Le Gouvernement de la République du Mali avait condamné sans réserve ces actes malheureux perpétrés contre les populations innocentes et les forces républicaines de défense et de sécurité nationales, selon le communiqué. Cette attaque de Tin Hamma intervenait après celles de Bambaramaoudé et Bintagoungou, dans la logique d’une série d’actes de violence récurrents entrepris par la CMA. « Aussi, le Gouvernement de la République du Mali s’étonne-t-il des allégations d’exactions attribuées aux forces armées nationales contre des populations suite aux évènements de Tin Hamma. Le Gouvernement s’insurge contre de telles accusations et invite les différentes sources à éviter l’amalgame et la surenchère », ajoute le communiqué. Le Gouvernement invite la médiation internationale et la communauté internationale à agir pour faire respecter l’Accord pour la Paix et la réconciliation du 15 mai 2015 dont elles sont garantes, concluait le communiqué.
Source: Lerepublicainmali