La généralisation du paiement de l’apport personnel et d’autres nouveaux critères d’attribution font grincer des dents
La course pour l’acquisition d’un des nouveaux 1552 logements sociaux de N’Tabacoro (Bamako) a débuté depuis le 11 mai. C’est à cette date que les postulants ont commencé à déposer leurs dossiers de candidature. La nouveauté cette fois-ci est que le demandeur doit verser à l’Office malien de l’habitat (OMH) un apport personnel qui varie en fonction du type de logement, en plus de trois mois de caution. Mais celle-ci ne concerne pas les salariés. Cette garantie n’est exigée que pour les Maliens de l’extérieur et les non salariés
Ainsi, les postulants non salariés pour les logements de type F3 A et F3 B doivent payer une caution de 132 660 Fcfa et un apport personnel qui s’élève à 234 000, soit une somme totale de 366 660 Fcfa. Pour les F4 dits « logements économiques », les candidats doivent s’acquitter de la somme de 282 000 Fcfa de caution et 2 millions 50 000 Fcfa d’apport personnel soit un total de 2 332 000 Fcfa.
Pour ceux qui convoitent les logements de type F5 en duplex, il faut disposer de 375 000 Fcfa de caution et 2 400 000 Fcfa au titre de l’apport personnel. Soit un total de 2 775 000 Fcfa (pour les non salariés). Le postulant doit aussi avoir sa carte Nina.
MULTIPLICATION DES LIEUX DE DEPOT DES DOSSIERS. Le paiement par tout le monde d’un apport personnel qui n’était exigé que pour les seuls logements dits économiques de type F4 lors des opérations précédentes, passe mal chez les demandeurs de logement. Certains jugent la somme exigée trop élevée. Nombre de Bamakois qui attendaient avec impatience l’ouverture du dépôt des dossiers ont donc renoncé à postuler. D’autres qui veulent malgré tout tenter leur chance, s’endettent auprès des banques dans l’espoir d’avoir un chez soi.
Petite description des logements. Ceux dits de type F3A ont un toit en dalle et comprennent deux chambres, un salon, deux terrasses couvertes et une toilette intérieure. Tandis que les logements de type F3B sont constitués de deux chambres, un salon, un magasin intérieur, une terrasse couverte et une toilette extérieure moderne. Les F4 dont le toit est en dalle offrent trois chambres, un salon, deux toilettes intérieures modernes, deux terrasses couvertes et un couloir.
Les logements de type F5 sont des duplex. Ils ont au rez-de-chaussée, trois chambres, un salon, une cuisine extérieure, deux toilettes intérieures modernes, deux terrasses couvertes, un magasin, un couloir et un escalier. À l’étage, se trouvent trois chambres, une toilette intérieure, deux terrasses couvertes et un couloir.
Pour l’attribution des logements, il a été décidé d’alléger le dispositif jusque là utilisé lors des opérations précédentes. Pour éviter les longues files d’attente lors du dépôt des dossiers, les lieux de dépôt de ces dossiers ont été multipliés. Ainsi, 5 points de dépôt ont été retenus : les mairies des Communes I, II et V, l’OMH (Office malien de l’habitat) et son annexe en Commune VI. Les postulants sont libres de déposer leurs dossiers dans le lieu de leur choix.
Il est aussi question de donner plus de chance aux postulants qui ont participé sans succès à plusieurs opérations antérieures. Et pour mieux sécuriser les cautions épargnées et les apports personnels, il est recommandé d’effectuer le paiement dans un compte ouvert au nom de l’OMH auprès des banques au titre de l’opération. Les banques, à leur tour, délivrent une attestation de la disponibilité de l’épargne-caution, ainsi que du relevé d’identité bancaire (RIB).
DEUX ECHEANCES PAR MOIS. Toujours à propos des banques, il faut signaler que la Banque de l’habitat (BHM) et la Banque malienne de la solidarité (BMS) ne sont plus les seules concernées. Les clients de la BDM, d’Ecobank, de la BIM, de la Bank Of Africa sont également éligibles. Selon Hassen Diané, chargé de communication à l’OMH, cette ouverture vise à permettre à plus de personnes de postuler.
Le coût total de l’opération se chiffre à 33,7 milliards Fcfa et le coût total de cession des logements à 30,3 milliards Fcfa. L’effort de l’Etat, sous forme de subventions aux bénéficiaires, est donc évalué à environ 3,4 milliards, soit environ 10,1% du coût global. Les logements sont cédés aux bénéficiaires sans intérêt sur une période de 25 ans.
Pourtant malgré ces efforts, nombreux sont nos compatriotes à estimer que l’opération n’a plus rien de « social ». Certains jugent même que l’Etat ne se différencie plus des promoteurs immobiliers privés.
Initialement conçue pour donner la chance aux ménages à faibles revenus d’avoir un toit à eux, la politique de logements sociaux prendrait-elle une nouvelle direction qui l’éloigne de sa vocation première dans une logique principalement économique ? C’est le sentiment qu’on beaucoup de Maliens comme Moussa Diarra, jeune fonctionnaire. « Déjà le coût des logements avait fortement augmenté lors des dernières opérations. Dans le présent programme de logements de N’Tabacoro, les coûts de cession sont encore plus élevés et les critères d’attribution plus sévères. Cela n’encourage guère les nécessiteux à postuler», estime Diarra. Et de faire remarquer qu’avec ces critères, beaucoup comme lui auront de sérieux problèmes s’ils doivent en même temps rembourser la banque et payer les 44. 220 Fcfa de mensualité pour un logement de type F3.
Malgré tout, faute d’autres alternatives, les postulants sont nombreux. Ils se ruent sur les banques concernées par l’opération afin d’obtenir un prêt pour payer l’apport personnel et la caution. Et là encore, c’est le parcours du combattant. Au regard de la faiblesse des salaires, il faut passer par un tribunal et signer un engagement volontaire pour que la banque consente à accorder le montant demandé. En effet, les institutions bancaires ne sont pas autorisées prélever plus du tiers du salaire du client. Ce qui est insuffisant pour la présente opération. « Il faudra payer la dette de la banque et la mensualité pour le logement. Ces prélèvements dépassent de loin le tiers du salaire moyen malien », constate Moussa Diarra qui postulera tout de même dans l’espoir d’en finir avec les affres de la location. Quitte à revoir à la baisse son ambition de postuler pour un logement de type F4.
SUR LA BASE D’ETUDES SERIEUSES. Mme Traoré Korotoumou Diallo est un agent de la santé. Elle confie avoir postulé pour un logement de type F4, car sa famille est assez nombreuse. Rencontrée lors du dépôt de son dossier à l’OMH, Mme Traoré assure qu’elle n’avait pas la somme exigée pour l’apport personnel. C’est un de ses frères vivant à l’étranger qui s’est chargé de régler les 2 millions 50 000 Fcfa qu’elle pourra rembourser à sa convenance.
Comme Moussa Diarra, Mme Traoré Korotoumou Diarra dénonce le virage « commercial » que prend le programme des logements sociaux. Elle demande aux autorités de revoir à la baisse les conditions d’attribution des logements sociaux pour que ceux qui méritent réellement les logements sociaux puissent avoir un toit. Notre interlocutrice souhaite aussi une prolongation du délai de dépôt des dossiers qui a été fixé à 3 semaines pour cette opération contre environ 2 mois pour les précédents programmes.
Du côté de l’OHM, l’on assure que les nouveaux critères ont été élaborés après des études sérieuses prenant en compte les charges des travaux et la qualité des maisons qui seront bâties. « L’Etat comme les promoteurs immobiliers ont consenti un sacrifice, sans précédent », assure Hassen Diané en s’appuyant sur le devis estimatif des logements qui sont livrés sans intérêt sur une échéance de 25 ans.
Concernant la situation du dépôt des dossiers, Diané indique que l’OMH avait reçu à la date du 23 mai (soit deux semaines après l’ouverture du dépôt des candidatures), plus de 1000 dossiers. Ce chiffre serait de loin inférieur à ceux recensés lors d’opérations précédentes où l’on pouvait comptabiliser environ 5000 candidatures sur la même période de deux semaines. Le responsable de la communication à l’OMH prévoit que le rythme des dépôts de dossiers va s’accélérer au cours de la dernière semaine.
Il est utile de rappeler que les opérations antérieures ont permis de loger 7 469 ménages dont 51% de salariés, 40% de non-salariés et 9 % des Maliens de l’extérieur. Le taux de femmes bénéficiaires est de 44%
M. A. TRAORE
source : L Essor