Dans la précédente chronique (L’œil de Le Matin N°403 du mercredi 30 janvier 2019), nous avons mis l’accent sur la nécessité de capitaliser l’éducation pour pallier la peine de mort. Et cela d’autant plus que nous sommes convaincu, comme beaucoup d’entre vous, que «la meilleure chose pour éviter la désacralisation progressive de la vie humaine, c’est d’offrir une bonne éducation à nos enfants dans les familles, à l’école tout en exigeant de l’Etat qu’il joue son rôle régalien» de protection des citoyens et de leurs biens.
En effet, «tant qu’on n’enseignera pas aux citoyens que la vie humaine est très sacrée, c’est peine perdue. Les lois ne dissuadent plus. Surtout que ceux qui nous gouvernent tuent leurs adversaires ou ceux qui dénoncent leur mal-gouvernance, sans crainte».
L’éducation est fondamentale dans la vie en société où elle est la base ou est à la base de tout, si minime soit-elle. Ce qui doit nous obliger à éduquer par l’exemple pour montrer la voie de la sagesse, de la raison et de la dignité à nos enfants. Dans la société traditionnelle, l’enfant était d’abord éduqué en famille, puis dans la rue et dans les organisations juvéniles ou les sociétés secrètes.
De la naissance jusqu’à 7 ans, les parents se chargeaient d’inculquer à l’enfant des valeurs, les bonnes manières… Ils lui apprenaient à faire la différence entre le bien et le mal. Une fois dehors, la société prenait le relais. N’importe qui pouvait gronder voire corriger l’enfant lorsque la faute commise l’imposait. L’enfant était alors perçu comme appartenant à toute une communauté.
Les groupes d’âges ou «Filankuluw» avaient aussi un rôle essentiel dans la poursuite de l’éducation à l’adolescence puis à la jeunesse. Généralement circoncis ou excisées ensemble, ces groupes développaient un esprit de camaraderie comme socle des valeurs durant toute la vie des membres. Cet état d’esprit était la meilleure couverture…
Un bouclier à l’abri à la limite du moralement ou du socialement acceptable. En effet, ces groupes fonctionnaient sur des valeurs et des principes que nul ne se devait de transgresser. Et les fautifs étaient rappelés à l’ordre, grondés et, s’ils persistaient, l’exclusion temporaire puis définitive.
Cet esprit de groupe pouvait aussi déterminer les rapports hiérarchiques basés sur le caractère et non sur le matériel. C’est pourquoi, il y avait moins de tension par rapport à l’occupation des postes de responsabilités (chefferie…) parce que tout le monde savait qui était digne de confiance, qui était capable de quoi dans tel ou tel domaine ou face à telle ou telle situation…
Les groupes d’âge étaient donc très importants dans l’organisation sociale de la communauté. Facteur d’unité et de cohésion, ils avaient un impact positif sur la vie en société. Et cela d’autant plus qu’ils représentaient une forme d’organisation sociale pour l’équilibre de la communauté et pour inculquer des valeurs à ses membres. Celle-la (organisation) était aussi une école d’apprentissage parce que «l’autorité morale devrait imprégner les conduites à tous les niveaux. Et la règle d’or admise et partagée par tous était : la mort plutôt que la honte» !
Ces organisations ont disparu. Même dans les villages, les garçons sont circoncis généralement juste après le baptême et dans des centres de santé ôtant ainsi à ces cons de forgerons un rôle essentiel dans notre société.
Nos ados et jeunes ne se retrouvent aujourd’hui qu’autour du vice, c’est-à-dire le sexe, l’alcool, la drogue, le tabac et de nos jours le chicha.
Les parents ont longtemps démissionné de l’éducation de nos enfants. Nous avons poussé le mimétisme jusqu’à priver l’école aussi de son rôle d’éduction morale. Abandonnés à eux-mêmes dans les familles, les enfants agissent à leur guise également à l’école parce que les maîtres et professeurs n’ont plus le droit de les gronder à plus forte raison les chicoter quand cela s’impose.
En les désarmant, nous avons ôté à l’école aussi une mission essentielle dans l’éducation des enfants déjà intouchables dans la rue. Rares sont ceux qui ont l’audace de corriger les enfants d’autrui dehors aujourd’hui quelle que soit la gravité de la faute. Et cela au risque d’en découdre avec ses parents ou de se retrouver au commissariat avec une convocation.
Alors, objectivement, où est-ce que nos enfants vont acquérir l’éducation indispensable pour faire d’eux des adultes responsables de demain ? Pas en tout cas en les laissant accrochés (le plus souvent aux dépens mêmes des études) à leurs Smartphones ou noyés par les réseaux sociaux. Surtout que, malheureusement, nos ados et les jeunes ne sont attirés que par le côté ludique ou vicieux des TICS.
Et si nous revenons en arrière ? Et si on revenait à nos valeurs sociétales ? A défaut des groupes d’âges, on peut au moins restituer à la société et à l’école leur mission essentielle : aider les familles à veiller sur les enfants et à parachever leur éduction tout en s’instruisant !
A notre avis, c’est un retour vital pour nous rattraper par rapport à l’éducation de nos enfants, donc une solution à tous ces maux qui sont non seulement des menaces pour la stabilité de notre société, mais aussi des hypothèques pour l’émergence socioculturelle, économique et politique de ce pays !
Moussa Bolly
Source: Le Matin