Depuis quelque temps, le débat entretenu par des intellectuels ces dernières années sur le franc Cfa tend à devenir un véritable tollé, au point que des organisations de la société civile, ont décidé, à Paris dans plusieurs capitales africaines, de lancer à partir du 07 janvier prochain un front commun contre le franc Cfa, créé en 1945 et toujours en cours dans 15 Etats : Comores, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
Tout est parti d’un appel lancé le 26 décembre 2016 par le militant panafricaniste, écrivain et chroniqueur Kemi Seba qui se bat depuis plusieurs années pour l’abandon du Franc Cfa et il a été aussitôt relayé par l’ONG Urgences Panafricanistes (Urpanaf). Depuis lors, des organisations de la société civile et des universitaires se mobilisent pour faire de ce mouvement une occasion “de mobilisation sur le thème du franc CFA et la nécessité de se défaire de cette monnaie postcoloniale”.
Le ton est donc déjà donné : il s’agit pour les initiateurs, situés entre Abidjan, Ouidah, Paris, Londres et Bruxelles, de “dénoncent les effets pervers de cette monnaie postcoloniale et réclamer la fin de la servitude monétaire ” car pour eux, comme le rappelait leur note citée par Dakar-actu la semaine dernière : ” Le temps est venu de mettre en œuvre des solutions alternatives pour un développement économique qui corresponde réellement aux besoins des populations. Au-delà, la société civile pose la question d’une autre architecture financière, qui déboucherait sur la monnaie unique africaine”.
Si dans certains milieux politiques on pense que cela aura l’effet d’un feu de paille, comme tous les mouvements anti-Fcfa qui se sont essoufflés au bout d’un laps de temps, le problème reste quand même une préoccupation sérieuse au niveau des instances financières mondiales qui constatent un regain d’intérêt pour ce sujet depuis quelques semaines, notamment avec l’envahissement des médias par des djihadistes de type nouveau qui se chargent de lapider ce satané Fcfa.
Mais il ne s’agira pas seulement de contester cette monnaie diabolisée à souhait. Bien au contraire, il faudrait mener un débat sérieux pour scruter l’avenir de nos Etats avec ou sans le franc Cfa qui présente quand même des aspects positifs, notamment au niveau de sa gestion et dans un espace comme l’Uemoa, on a travaillé à la création et la stabilisation d’un espace intégré en terme monétaire, alors que les autres aspects de la politique d’intégration restent balbutiants.
La question de la monnaie est une affaire sérieuse, trop sérieuse, pour ne pas dépendre de mouvements d’humeur ou d’un goût d’aventure. Il y a des Etats qui peuvent se glorifier d’avoir osé émettre leur propre monnaie car cela leur réussit, tout comme des monnaies de singe il y en a à foison. Il y a donc à réfléchir, surtout que la Cédéao ne cesse d’évoquer la nécessité d’aller vers une monnaie unique ouest africaine. Ce mouvement initié par des courants panafricanistes est donc à mettre à profit pour discuter de la problématique, en ayant le corps chaud mais avec une tête froide pour trouver les meilleures pistes d’actions en mesure d’inspirer nos gouvernants.
Il s’agira d’étudier sérieusement l’impact sur la productivité de nos entreprises, surtout à l’export, la pesanteur du compte d’opérations au Trésor français sur notre expansion économique, les conséquences véritables de notre rattachement à une monnaie aussi puissante que l’Euro et sur laquelle nous n’avons aucune possibilité d’action pour faire face aux réalités de l’économie mondiale et aussi de savoir entre l’abandon du Franc Cfa au profit d’une nouvelle monnaie quelle voie choisir pour améliorer nos économies, entre autres questions importantes et qui appellent des réponses précises. Nous reviendrons amplement sur ce sujet.
ABN
Source : Aujourd’hui-Mali