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L’incendie du marché rose : Ibrahim Sacko, opérateur économique : « C’était prévisible depuis 14 ans »

Le centre névralgique du grand marché de Bamako, « le marché rose », a pris feu dans la nuit du 20 mars 2014. L’incendie a ravagé tout. Les dégâts non encore chiffrés officiellement, s’élèveraient à plusieurs milliards de FCFA. Si les causes de l’incendie ne sont pas connues, un doigt accusateur est pointé sur la mairie centrale, qui a accepté l’installation des boutiques de fortune, devant les grands magasins, obstruant toutes les grandes voies d’accès du « marché rose».

 

Ibrahim Sacko opérateur économique

A l’époque, Ibrahima Sacko, opérateur économique de son état, avait attiré l’attention des autorités sur les conséquences d’une telle initiative. En guise de réponse, il eu à faire face à des tentatives de corruption, des intimidations et même à des menaces de mort. Malheureusement,  14 ans après, le temps lui donne raison.

 

Dans ces derniers mois, le pays a été confronté à une série d’incendies de marché. Le feu a ravagé les marchés des régions de Gao, de Kayes et du district de Bamako : Sébénincoro, Médina Coura, Artisanat, marché de la cola, marché rose, etc.) A Bamako, les marchés sont inaccessibles aux véhicules des sapeurs pompiers, en butte aux branchements anarchiques au réseau de l’EDM. Ces deux situations aggravent les risques en cas d’incendie. Pour ce qui concerne l’inaccessibilité des véhicules de la protection civile au cœur des marchés, les responsabilités de l’Etat et de la mairie de Bamako sont fortement engagées.

 

Face à l’argent et à l’absence de vision futuriste, les marchés de Bamako sont des foyers potentiels d’incendie. Les autorités sont sourdes aux appels et aux alarmes émis pour attirer leur attention. Car l’incendie du Marché Rose aurait pu être évité.

 

Il y a près de 14 ans, l’Association pour la défense des intérêts des opérateurs économiques, portée sur les fonts baptismaux, a attiré l’attention des autorités de la mairie centrale de Bamako sur les inconvénients de l’installation de boutiques de fortune aux alentours du marché rose. L’association avait informé la mairie centrale qu’une telle décision allait obstruer avec le temps toutes les voies d’accès de ce marché. Une telle décision, à son sens, ne pouvait qu’être préjudiciable aux occupants eux-mêmes. Malheureusement, le temps a confirmé ces craintes, le 20 mars 2014, quand le marché rose à pris feu. Le drame c’est que les pompiers ont eu du mal à pénétrer à l’intérieur du marché.

 

Après l’incendie, nous avons joint au téléphone Ibrahim Sacko, présentement à Dakar pour une formation. Rappelons qu’il est également le président actif de la fédération malienne de lutte amateur. Il s’est rappelé comme si cela datait d’hier.

 

« Avant, les usagers garaient, entraient, faisaient leurs achats au marché rose et reprenaient tranquillement leurs engins. Le coin était très propre, les rares commerçants ambulants qui s’y trouvaient, gardaient leurs marchandises dans les magasins de stock. L’accès était facile», nous a rappelé Ibrahim Sacko. Et d’ajouter : «Après le premier incendie du marché, les autorités ont décidé de recaser certains commerçants dans les alentours du marché rose. Nous leur avons dit de ne pas faire cela, pour ne pas asphyxier le marché. Rien n’y fit». Croyant à ce combat noble et juste, lui et ses amis ont créé l’Association pour la défense des intérêts des opérateurs économiques.

Selon lui, ils ont passé trois mois à répondre aux tracasseries du maire du district de l’époque, Iba N’Diaye. Ils avaient avertit : « Si les autorités municipales du district autorisent d’installer les gens autour du marché, le jour où le marché va prendre feu, aucune marchandise ne pourra être sauvée à cause du manque de voies d’accès. Mais on a été taxé de tout. Pire, les opérateurs économiques qui soutenaient l’installation de ces boutiques ont engagé des gros bras pour nous agresser ».

 

Sacko révèle : « Personnellement, j’ai été menacé de mort. Avant on m’avait proposé des boutiques, je n’ai pas cédé».

 

Pourtant, leur objectif, à lui et ses compagnons, était juste d’éviter des désastres comme celui du 20 mars dernier. Il pense qu’il n’avait pas été compris. Il se rappelle de ses témoins de l’époque, Sylla, Sacko, Babou Yara, Baba Diawara, qui l’on beaucoup soutenu dans son combat, ainsi que ainsi que Feue Ami Traoré, présidente des femmes du marché de légumes et ses camarades N’Valvie Tangara,  la dame Niambélé.

 

L’association avait envoyé des correspondances aux autorités du pays, notamment le président de la république, les ministres de l’intérieur et  du commerce, la protection civile, la chambre de commerce et d’industrie du Mali, le conseil économique, social et culturel, afin de surseoir à cet projet d’occuper les alentours du marché rose.

 

En réponse, des techniciens sont venus, pour tenter de les convaincre qu’il n’y aura pas de problème d’accès des pompiers en cas de problème.

« Tous les papiers doivent être au niveau de la mairie du district, donc  ces techniciens doivent être entendus par rapport à cet incendie, avec d’autres responsables de la Mairie centrale », a souhaité Ibrahim Sacko.

 

Car, malgré tout, les protestations et une marche, les boutiques de fortune ont poussé comme des champignons jusqu’au seuil des grands magasins.

Il se rappelle que le journal Le Zénith Balé lui avait ouvert ses colonnes, il y a près de 15 ans, pour attirer l’attention des autorités sur la situation du Marché rose.

 

Face à la situation actuelle des sinistrés, il se dit terriblement touché. L’économie malienne va en sentir le coût. Il propose que les victimes aient toutes les assistantes nécessaires de la part de l’Etat. Comme d’autres commerçants, il a réitère tout son accompagnement au ministre de tutelle dans la lutte contre les occupations anarchiques des voies publiques.

 

Aux commerçants, il leur demande de s’organiser pour mener un combat commun. Concernant les bâtiments administratifs de l’Etat se trouvant au marché, M. Sacko propose qu’ils soient mis à la disposition du ministère du commerce pour en faire des centres de commerce, des boutiques, avec normes de sécurité et de sureté, pouvant loger les commerçants occupant les trottoirs. Il souhaite à ce que la gestion du marché soit confiée à la chambre du commerce ou au ministère de tutelle et non à la mairie du district.

 

Ibrahim Sacko a promis, une fois au bercail, de réactiver l’Association pour la défense des intérêts des opérateurs économiques. Elle va se battre pour doter les opérateurs économiques d’infrastructures (boutiques) ; les former sur leurs droits et devoirs afin qu’ils ne soient pas abusivement taxés et lutter contre le monopole des marchés.

 

Ahmadou Maïga

Source: Le Guido

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