Les participants au forum organisé à l’occasion du 25è anniversaire de l’Union, ont fait des propositions dans le sens du raffermissement de l’intégration ouest-africaine
Politiques, universitaires, experts, opérateurs économiques, journalistes, société civile, réunis depuis lundi à Ouagadougou autour du thème : «Uemoa, 25 ans, ensemble relevons le défi de la libre circulation des personnes et des biens dans un espace communautaire sécurisé», ont exhorté les états à prendre toutes les mesures nécessaires qui s’imposent pour mettre fin aux rackets et autres formes de corruption sévissant sur les différents corridors.
Ils ont proposé des solutions pour améliorer la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Uemoa.
L’une des propositions les plus pratiques est venue de notre compatriote, Daniel Amagoin Tessougué, président de la Cour de justice de l’Uemoa. Selon lui, ce que l’on appelle rackets ou tracasseries n’est rien d’autre que de la corruption pure et simple. « Ces fléaux sont décriés depuis des décennies, aucune sanction n’est prise. Sans volonté politique, on n’ira nulle part», a prévenu l’ancien procureur général près la Cour d’appel de Bamako.
UN POUSSIN à 300.000 FCFA- Pour attirer l’attention sur la gravité de ces pratiques, notre compatriote a conté une anecdote. Son chauffeur devrait transporter des poussins à Bamako. Vers 15 heures, il l’a appelé pour savoir sa position. Le conducteur était à la frontière, alors qu’il devrait être à Sikasso. Près de trois heures plus tard, le chauffeur était encore à la frontière. « On lui demandait de dédouaner un poussin à 300.000 Fcfa », a révélé le haut magistrat qui a ajouté avoir appelé le douanier pour savoir les textes qui l’autorisaient à dédouaner un poussin à ce prix-là. Il se trouve que le nom et la fonction de Daniel Tessougué étaient mentionnés sur une couveuse artisanale accompagnant les poussins. « Comme c’est vous tonton, nous allons laisser passer le véhicule », aurait rétorqué l’agent, après avoir découvert que l’ancien procureur était le propriétaire des poussins. « Je suis un citoyen comme tout le monde. Je paierai ce que je dois payer. J’insiste pour savoir le texte qui vous autorise à dédouaner un poussin à 300.000 Fcfa », a insisté le haut magistrat. à qui l’agent aurait répondu en bégayant, avant de raccrocher le téléphone.
Le juge Tessougué dit avoir aussi appelé la direction générale des douanes à Bamako pour avoir des documents, qu’il n’aurait toujours pas reçus. Il a proposé que les populations aient la possibilité de saisir la Cour de justice afin de dénoncer de tels manquements et obtenir réparation.
Seuls les états et la Commission de l’Uemoa peuvent saisir la Cour de justice, a déploré Daniel Amagoin Tessougué. Le paneliste Ablassé Ouédraogo, administrateur général de Zoodo international, a recommandé, pour sa part, la sensibilisation et le renforcement des capacités sur les textes communautaires. « La nécessité de sensibiliser les opérateurs économiques sur leurs droits et obligations est réelle. Ils doivent comprendre les ambitions et les objectifs de l’Union », a-t-il préconisé, estimant pertinente la multiplication de contrôles inopinés pour obliger les agents à aller dans le droit chemin.
DES CONTRÔLES INOPINÉS- Pour le Commissaire chargé du département de l’aménagement du territoire communautaire et des transports à la commission de l’Uemoa, Paul Koffi Koffi, les contrôles inopinés sont une stratégie qui a porté ses fruits en Côte d’Ivoire. «Je faisais des contrôles inopinés avec un véhicule banalisé. Je me mettais en position et j’observais. Quand je voyais un policier prendre de l’argent avec des usagers, je le coffrais », a témoigné l’ancien ministre ivoirien de la Défense qui a rapporté qu’il parcourait aussi le pays avec la circulaire sur les postes de contrôle.
Parlant de sécurité, Paul Koffi Koffi a indiqué qu’il est connu de tous que les terroristes sont dans les forêts. « On ne doit pas attendre des attaques pour ratisser. On les devance, en nettoyant les forêts », a-t-il suggéré.
Quant à la magistrate Claire Houngan Ayemonna, elle a invité les parlementaires à saisir les états concernant la non application ou le non respect des directives de l’Uemoa. Cela permettra, selon l’ancienne ministre de la Famille, de la Protection sociale et de la Solidarité du Bénin, d’obliger les acteurs et les décideurs à se conformer aux règles communautaires. Elle a aussi suggéré de « déterminer les conditions et procédures d’une certification fiable et non contestables des produits d’origine des états membres, et de s’accorder sur une modalité d’harmonisation des taxes au cordon douanier».
La mise en œuvre stricte et le suivi des mesures passeront par la création de structures relais au sein des administrations nationales, a préconisé le Pr Luc Marius Ibriga. Pour le Pr de l’Université de Ouagadougou, l’intégration doit être une intégration de solidarité. En ce sens que « les états doivent travailler à la réduction des inégalités ». Aussi, l’intégration doit être une intégration de réalisation d’infrastructures communes aux états, en tenant compte des avantages comparatifs, afin de réduire cette forte dépendance à l’exportation de matières premières et l’importation de produits finis.
Pour le Pr Luc Marius Ibriga, l’intégration doit également être de proximité, en la rapprochant des premiers bénéficiaires, afin que les 122 millions habitants de l’Union se sentent concerner par le respect des décisions prises par les dirigeants.
Envoyé spécial
Cheick M. TRAORÉ