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Liberté de presse: le gouvernement est-il défendable ?

Dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 mars 2022, plusieurs personne notamment des civils sont sommairement et collectivement exécutés, brûlés vifs dans le secteur de Diabaly, cercle de Niono. Le 2 mars dernier, un charnier a été découvert près de Dogofry, avec une trentaine de corps calcinés. Le jeudi 3 mars 2022, une vidéo et un vocal ont fait le tour des réseaux sociaux accusant les forces armées maliennes (FAMA) « d’une telle abjection ».

 

Le samedi 5 mars 2022, l’État-major général des armées, dans un communiqué, « se porte totalement en faux contre ces allégations qui sont de nature à jeter le discrédit sur les forces armées maliennes (FAMa) respectueuses des Droits de l’Homme et du Droit international humanitaire. Les Forces armées Maliennes ne sauraient être responsables d’une telle abjection et ces informations constituent de la désinformation ».

Pour la hiérarchie militaire « une des missions premières des Forces armées maliennes demeure la protection des personnes et des biens et que cet acte ne constitue en aucune manière, le mode opératoire de nos forces ».

Nonobstant ces allégations, l’État-major général des armées maliennes a ouvert une enquête pour situer les responsabilités et identifier le lieu du crime.

Dans un rapport préliminaire daté du 5 mars dont le gouvernement n’a pas eu copie, contrairement aux médias  français,  la Mission multidimensionnelle pour la stabilisation du Mali (Minusma), à travers sa division des droits de l’homme, accuse les forces armées nationales de concert avec la société militaire privée Wagner d’être responsables du massacre collectif perpétré à Dogofry dans la nuit du 1er au 2 mars.

Pour la Minusma l’armée est coupable d’avoir massacré au moins 30 personnes (dont des enfants), la plupart mains liées dans le dos et yeux couverts non loin d’un jerrycan sentant l’essence qui laisse penser aux enquêteurs de la Minusma que « les victimes ont été aspergées d’essence et brûlées vives ».

S’agissant du groupe de Mauritaniens disparus en territoire malien, le mercredi 9 mars 2022 le Gouvernement dans une prise de parole de son porte-parole rappelle « qu’à ce stade, aucune preuve ne met en cause les Forces armées Maliennes (FAMa) qui respectent les droits humains et agissent toujours avec professionnalisme dans leur lutte contre le terrorisme. En outre, les autorités maliennes ne ménageront aucun effort pour rechercher et retrouver les coupables de ces crimes odieux pour les traduire devant les juridictions compétentes »

Le Gouvernement du Mali rappelle à nouveau dans un communiqué daté du dimanche 13 mars «le professionnalisme des Forces armées Maliennes (FAMa) qui sont soucieuses du respect des droits humains, comme en attestent notamment l’interpellation, suivie de la libération saine et sauve de 29 ressortissants mauritaniens, depuis la fin de l’année dernière, à ce jour. En outre, sur la base de preuves matérielles technologiques, il s’avère qu’aucune patrouille militaire des FAMa n’était présente dans la zone aux dates indiquées et jusqu’à présent, aucune preuve matérielle ne permet d’incriminer nos vaillantes FAMa »

En dépit de ces démentis, RFI fait une large diffusion le mardi 15 mars des rapports, dits préliminaires de la Minusma et du rapport de Human Right Watch daté du 15 mars, qui accusent les FAMA de massacre systématique de Peuls dans le cadre de leurs opérations antiterroristes, dans les régions de Mopti, Ségou et Koulikoro.

Mercredi 16 mars 2022, en réaction à cette campagne médiatique hystérique contre le Mali et ses forces armées et de sécurité (FAMa) par les médias français dont RFI et France 24 qui diffusent de fausses informations, «considérant la synchronisation de ce matraquage médiatique » estime qu’il s’agit clairement d’une tentative de déstabilisation de la Transition, de démoralisation du Peuple malien et de discréditation  de l’armée malienne.

Pour le gouvernement, « certaines allégations diffusées par RFI, n’ont d’autres objectifs que de semer la haine en ethnicisant l’insécurité au Mali et dévoilent l’intention criminelle de journalistes dont certains n’ont pas séjourné au Mali, il y a plus d’un an ».

C’est pourquoi le gouvernement a pris la décision de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, la diffusion de RFI en Ondes courtes et FM et de la télévision France24 ainsi que toutes leurs plateformes digitales sur toute l’étendue du territoire national.

Par la même occasion, interdiction est faite à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu’aux sites d’information et journaux Maliens, de rediffuser, et/ou publier des émissions et articles de presse de RFI et de France24 dès l’entrée en vigueur de la mesure de suspension ».

Le gouvernement du Mali a-t-il eu la main lourde et injuste ? A-t-il usé du droit d’interdire là où il fallait privilégier le droit de rectification ?

Outre France médias Monde et Reporters sans Frontières, le président Emmanuel Macron, plusieurs hommes politiques français et maliens ont condamné cette restriction voire atteinte à la liberté de presse.

Contrairement à cette chapelle amnésique qui n’a pipé mot lorsque les Russes ont été suspendus dans les mêmes conditions, la Maison de presse du Mali a par contre prôné plus de responsabilités et un soutien plus accru aux FAMa.

La liberté de presse est reconnue et garantie par l’article 7 de la Constitution du 25 février 1991 qui ajoute qu’elle s’exerce dans les conditions fixées par la loi. Interrogé par le Magazine Marianne sur la légalité de la suspension des médias russes (RT et Sputnik), le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe DELOIRE, estime que les mesures prises par l’Union européenne ne sont pas illégitimes.

Pour lui, «la question est : comment favorise-t-on la fiabilité de l’information pour éviter la propagande ?

Ce principe est légitime, mais il doit reposer sur une base juridique. Cela permettrait aussi d’éviter que les décisions soient qualifiées d’arbitraires ou discrétionnaires…

Autrement, la liberté de presse s’exerce sous le contrôle du juge ou d’une autorité indépendante. C’est ce que prône le président de la Maison de presse du Mali, Bandiougou Danté, lorsqu’il a souhaité dans son communiqué daté du jeudi 17 mars 2022 que «cette décision inédite s’inscrit conformément aux lois et règlements en vigueur au Mali notamment la saisine de la Haute Autorité de la Communication (HAC)».

Outre la pertinence et la légitimité, la décision du gouvernement ne manque pas de fondement légal. En effet, dans son chapitre 6 consacré aux « crimes et délits pouvant être commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication », la Loi n° 00-046 du 07 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse énonce : « seront punis comme complices d’une action qualifiée de crime ou de délit ceux qui (…) auront incité le ou les auteurs à commettre ladite action, si l’incitation a été suivie d’effet. Cette disposition sera également applicable lorsque l’incitation n’aura été suivie que d’une tentative » (article 33). L’article 35 ajoute que « toute incitation par l’un des moyens énoncés à l’article 33 adressée aux Forces armées et de sécurité dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires et l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs dans tout ce qu’ils commandent pour l’exécution des lois et règlements sera punie d’un emprisonnement de un à trois ans et d’une amende de 50.000 à francs ».

Et l’article 39 de la même loi ajoute que « la diffamation commise par l’un des moyens énoncés à l’article 33 envers les cours, tribunaux, les forces armées et de sécurité, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d’une peine d’emprisonnement de onze jours à six mois et d’une amende de 50.000 à 150.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement ».

D’autre part, accuser l’armée au front d’avoir commis des exactions c’est porter atteinte au moral des troupes au plan pénal :

« Sera coupable de trahison et puni de mort (…) 3° tout Malien qui aura participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ayant pour objet de nuire à la défense nationale » (article 33 du Code pénal).

«Tout propos, tout acte de nature à établir ou à faire naître une discrimination raciale ou ethnique, tout propos, tout acte ayant pour but de provoquer ou d’entretenir une propagation régionaliste, toute propagation de nouvelles tendant à porter atteinte à l’unité de la nation ou au crédit de l’État, toute manifestation contraire à la liberté de conscience et à la liberté de culte susceptible de dresser les citoyens les uns contre les autres, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et facultativement de cinq à dix ans d’interdiction de séjour » (article 58 du Code pénal).

Face à un groupe médiatique dont l’objectif général n’est pas d’apporter de l’information fiable, il ne faut donc pas tomber dans l’irénisme et la naïveté, comme le dit l’autre. RFI et France 24 ne font que l’information expurgée de toute propagande et de toute partialité. Ce sont des médias d’État qui font la politique de l’État français, sans état d’âme. C’est pourquoi elles n’ont jamais condamné ni même déploré la suspension des Russes dans l’espace européen.

En effet, si les médias français veulent traiter objectivement les rapports de Hrw ou de la Minusma, elles étaient tenues d’indiquer la position de l’État malien pour ne pas tomber dans l’atteinte des 6 points du code de déontologie du journaliste malien : déséquilibre dans le traitement de l’information.

LA RÉDACTION

Source : Info-Matin

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