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L’honorable ME Kassoum Tapo, candidat aux législatives à Mopti : « Nous ne sommes pas au second tour par la félonie d’un préfet »

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Dans une interview exclusive qu’il nous a accordée, le 4ème vice-président de l’Assemblée nationale, député élu à Mopti et candidat à sa propre succession dans la Venise malienne, Me Kassoum Tapo, s’explique sur les » tripatouillages, les chiffres triturés par le préfet, la centralisation faite dans l’opacité en l’absence de ses représentants… « . Il analyse également l’affaire Sanogo pour laquelle il a été sollicité pour défendre le Général quatre étoiles et le décès de Nelson Mandela. Pour Me Kassoum Tapo, si le préfet de Mopti a falsifié les chiffres pour l’éliminer, la Cour constitutionnelle s’est refusé à voir la réalité en face. En procédant ainsi, souligne-t-il, la juridiction constitutionnelle ne rend pas service à la jeune démocratie malienne. «Sa décision s’impose erga omnes mais la critique est permise», s’exclame l’honorable bâtonnier. Lisez plutôt.

L‘Indépendant : Comment s’est déroulée la campagne pour les législatives 2013 à Mopti auxquelles vous étiez candidat ?

Me Kassoum Tapo : A Mopti, nous avons eu une campagne exceptionnelle, digne d’une élection présidentielle. Vous savez, j’ai été député en 2002 puis en 2007. La mobilisation à laquelle nous avons assisté, de mémoire de Mopticiens, n’a d’égale que celle que nous avons connue lors de la présidentielle 2002. Vraiment, tout s’est très bien passé et j’ai eu le sentiment net que les populations ont compris les enjeux du scrutin,  c’est pourquoi elles sont sorties massivement pour y participer tant à Mopti que dans les communes rurales. Je saisis l’occasion pour les remercier très sincèrement et exprimer toute ma gratitude aux Mopticiennes et Mopticiens et aux populations des 14 Communes rurales du Cercle de Mopti.

La campagne n’a pas porté fruit ? Puisque vous n’êtes pas au second tour

On n’est pas présent au second tour par la félonie  d’un préfet qui ne nous a pas pardonnés de lui avoir reproché le détournement des indemnités versées lors du scrutin présidentiel à nos élus locaux et aux chefs de villages.

Tout d’abord dès le dimanche soir, il a fait fermer par des gendarmes la radio Saghan, qui publiait en direct les résultats des bureaux de vote disponibles de la commune urbaine de Mopti où partout nous étions en tête avec des écarts extraordinaires. Lorsque nous avions  70 ou 90 voix, le RPM avait 4 ou  5 et l’Adema  3 ou 4.

Ensuite, toute la journée du lundi, il a fait la centralisation comme il l’a voulue en excluant nos éléments.  Moi-même en tant que candidat, en tant que député, j’ai été interdit d’accès à la salle de centralisation  par des hommes armés placés là par le préfet ; je l’ai souligné dans ma requête et je n’ai pas entendu la Cour y faire référence dans son arrêt.

Ce sont donc les tripatouillages du préfet qui nous ont éliminés. Nous étions en tête du scrutin après le dépouillement de la commune urbaine de Mopti et dans les communes environnantes. Mais les résultats des communes rurales ont été tripatouillés par le préfet tout seul entouré de qui il voulait.

Vous avez introduit un recours mais, apparemment la Cour constitutionnelle ne vous a pas entendus.

La Cour ne nous a pas entendus et j’ai été surpris. La décision de la Cour s’impose à tout le monde, comme on le dit elle a force de chose jugée erga omnes; mais nous avons le droit de critique sans remettre en cause l’autorité de la chose jugée.

Cette décision est assez étonnante. Vous aurez remarqué que la Cour a mis autant de génie servile que l’administration a mis de zèle  à favoriser ou à disqualifier certaines listes. Un de vos collègues a parlé de vassalité à propos de la Cour Constitutionnelle et, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour notre démocratie.

La Cour a, d’un revers de manche, rejeté tous les recours sauf là où certaines listes étaient favorisées pour revenir au second tour (un responsable politique a parlé de 3ème et 4éme tour de scrutin du fait de la Cour Constitutionnelle).

En ce qui nous concerne spécialement, j’ai été scandalisé d’entendre à la lecture de l’arrêt de la Cour que le tableau récapitulatif des résultats a été signé par 7 personnes sans que la Cour cherche à savoir quelle était la qualité de ces personnes alors que vous avions produit la décision de nomination des membres de la Commission de Centralisation qui compte 15 membres.

C’est de l’infantilisme juridique que d’affirmer que le tableau récapitulatif est signé de 7 personnes pour en déduire sa validité. Sur les quinze membres de la Commission, 7 membres ont signé dont (4) représentent l’administration (dont l’un, l’homme à tout faire du Préfet, Ousmane Mohamadine, n’est même pas membre de la Commission) ; nous avons ensuite, le représentant de la CENI, qui n’est pas non plus membre de la Commission, et deux représentants de la liste de l’Alliance URD. Aucun autre parti n’était représenté à la centralisation.

La Cour nous dit qu’il lui appartient de recenser les votes, une banalité évidente, mais sur quelle base ? Sur la base des PV. Or les PV ont été ouverts en notre absence et ont été falsifiés. La sommation arithmétique simplement des voix obtenues, selon le premier tableau récapitulatif publié par le Préfet, nous place devant l’URD avec 15858 voix contre 15023 pour celle-ci.

Ce tableau a été falsifié par l’administration qui a ajouté 1000 voix aux suffrages de l’URD dans la Commune de Soye. C’est certainement ce tableau falsifié (en plaçant le chiffre 1 devant le chiffre 128) qui a servi de base au recensement des votes par la Cour. Je vous remets tous ces documents en copie.

Vous aurez constaté que contrairement à toutes les autres Cours constitutionnelles depuis le début de notre processus démocratique qui ont toujours mis en exergue les difficultés constatées lors des scrutins, les fraudes, les achats de consciences etc…, cette fois-ci, on a donné l’impression que tout s’est bien déroulé, qu’on a assisté aux élections les plus parfaites au monde. « Circulez, il n’y a rien à voir », je ne sais pas si c’est rendre service à la démocratie. Ce n’est pas ça le rôle d’une Cour constitutionnelle.

C’est pourquoi j’avais souhaité lors de l’adoption de la feuille de route du gouvernement de transition  qu’il y ait une certification internationale des élections. Mais je pense que tout cela pour l’avenir ce sont des leçons à tirer pour faire avancer notre processus démocratique que nul parti, qu’aucun préfet, qu’aucune juridiction ne peut prendre en otage.

Quel commentaire l’affaire Sanogo suscite chez vous, Me Kassoum Tapo?

J’ai hésité à défendre Sanogo. Finalement, j’ai estimé que c’est une affaire assez délicate sur le plan politique. L’homme politique a pris le dessus sur l’Avocat.

Si je me réjouis en tant que membre fondateur et premier porte-parole du FDR (front anti-putsch) de voir nos bourreaux persécuteurs et agresseurs répondre de leurs actes, je dis que Sanogo ne doit pas être le seul à rendre compte. Tous ses complices, passifs et actifs, à tous les niveaux doivent répondre puisque nul n’est au dessus de la loi selon la bonne formule désormais consacrée.

Que vous inspire le décès de l’icône mondiale Nelson Mandela ?

Mandela est certainement le plus grand homme de notre temps. Je me souviens, à son arrivée ici au Mali en 1996, j’étais bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali. C’est la seule fois où je me suis déplacé pour accueillir un chef d’Etat à l’aéroport. En tant que président du barreau et comme vice-président de l’Assemblée nationale, je ne l’ai jamais fait. Mais ce jour là j’étais allé uniquement pour avoir le bonheur pour lui serrer la main.

J’ai ensuite regretté de ne pas avoir été invité au palais de Koulouba lors de la soirée organisée en son honneur en tant que Bâtonnier parce que Mandela était un avocat d’abord. Et j’avais écrit au Président Konaré pour me plaindre et, je m’en souviens, il m’avait répondu quelques jours après en m’invitant à Tombouctou à la cérémonie de la flamme de la paix comme invité spécial du président de la République. A cette occasion, il s’était excusé de cette faute protocolaire.

En 2004, j’ai éprouvé peut-être l’une des plus grandes émotions de ma vie lorsque j’ai visité sur l’île de Robben island en Afrique du Sud la cellule où Mandela a été détenu pendant 27 ans. C’était en compagnie du Président IBK, alors Président de l’Assemblée Nationale. C’était plein d’émotions. Avec Nelson Mandela, c’est un très grand homme qui disparaît, c’est une source d’inspiration pas pour l’Afrique seulement, mais pour l’humanité. Je salue sa mémoire et je présente mes condoléances les plus attristées à sa famille, à tous les combattants de la liberté.

Votre mot de la fin?

J’ai accompli deux mandats parlementaires en 2002 et 2007 et j’ai le sentiment d’avoir pleinement accompli ma mission tant au plan national qu’international.

Au plan international, lors de mon premier mandat 2002-2007 j’ai contribué aux côtés du Président IBK, alors Président de l’Union Parlementaire Africaine (UPA) à l’élaboration du règlement intérieur et la mise en place du Parlement Panafricain. Lors de mon deuxième mandat 2007-2012, j’ai été membre et Président du Comité des Droits de l’homme de l’Union Interparlementaire (UIP) le Parlement Mondial où je représentais l’Afrique et le Moyen Orient.

Je termine mon mandat à la tête de cet organe le 13 Janvier prochain.

Au plan national, ma plus grande satisfaction aura été ma participation à la      défense de notre Constitution, de la République et de notre Démocratie, avec d’autres honorables collègues au péril de notre vie. Je garde à jamais gravé en ma mémoire ce jour du printemps 2012 où, avec le président de mon Groupe parlementaire, l’honorable Témoré Tioulenta, le 2ème Questeur de l’Assemblée, Moussa Cissé, l’honorable présidente du groupe ACM, Mme Touré Safiatou Traoré et d’autres encore, nous avons enjambé le mur de clôture du cimetière chrétien de Bamako Coura et de la Bourse du Travail où l’Assemblée Nationale s’était « réfugiée » pour la création du FDR (Front pour la sauvegarde de la Démocratie et de la République).

Ce jour-là, aucune autre institution de la République n’était débout.

Réalisée par Bruno D SEGBEDJI

 

Source: L’Indépendant

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