Le mardi, 16 mars 2021, le blocus sur Farabougou et environs a été temporairement levé suite à une médiation du Haut Conseil Islamique du Mali (HCI). Un accord a été trouvé entre les chasseurs et des groupes armés dans la localité. Le pacte scellé dimanche dernier dans la forêt de Dédougouba a permis que les premiers prisonniers ont recouvré la liberté. Toutefois, les jihadistes demandent à l’armée, d’ici un mois, de quitter le village de Farabougou. Sans quoi, le cessez-le-feu prendra fin. Cette exigence des jihadistes pourra-t-il être satisfaite ? L’État va-t-il abandonner Farabougou et cela pendant combien de temps ?
Farabougou, village situé dans le cercle de Niono, dans la région de Ségou, au centre du Mali, a été envahi et encerclé par les terroristes depuis le mois d’octobre 2020.
Les premiers contacts ont été établis grâce à des intermédiaires locaux. Une cellule de médiation a été mise en place pour faciliter l’accès au village. Cette mission de bons offices était notamment composée de maires des communes environnantes, des chefs de villages ainsi que de leaders communautaires et religieux.
Il a donc fallu une longue médiation du Haut Conseil Islamique du Mali (HCI) pour débloquer la situation. Selon le premier adjoint au maire de Dogofry, Zoumana Coulibaly, un accord a été conclu entre les deux parties le dimanche, 14 mars 2021, dans la forêt de Dédougouba. Cet accord a permis la levée du blocus sur le village de Farabougou et de ses environnants et la libération des premiers otages.
Que prévoit l’accord ?
L’accord prévoit la libre circulation des habitants du cercle. Ceux-ci peuvent désormais circuler librement, aller aux champs ou vendre leur bétail. La libération de prisonniers dozos et l’autorisation pour les jihadistes d’aller prêcher dans les villages sont également prévus par l’accord.
Pour le moment, ce cessez-le-feu n’est valable que pour un mois, le temps pour les autorités d’étudier l’ensemble des demandes des deux parties.
Interrogé par les confrères de Rfi, Boubacar Ba, chercheur et directeur du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, dit suivre de près la situation sécuritaire et les initiatives de médiation dans le Centre. Ce début d’accord lui semble viable : « On peut y croire parce que, dans le centre du Mali, aussi bien Mopti que Ségou, il y a déjà eu des accords, avec des intermédiaires. Ce qui est intéressant cette fois, c’est que les représentants des dozos sont venus avec ceux du Haut Conseil Islamique et des personnes aux ressources avérées qui ont discuté avec les jihadistes de la Katiba Macina, les vrais moudjahidines, et qui se sont entendus sur les modalités de gestion du conflit. Chaque acteur est venu avec ses conditions, ils se sont entendus. Je pense qu’il y a eu un modus operandi global sur lequel ils peuvent s’entendre sur une durée d’un mois. »
Exigences jihadistes
Les jihadistes de la Katiba Macina ont cependant une exigence principale : ils demandent à l’armée malienne, d’ici un mois, de quitter le village de Farabougou. Sans quoi, le cessez-le-feu prendra fin. Une exigence a priori très difficile à satisfaire pour les autorités nationales… « C’est une demande qui est apparemment difficile du point de vue de l’État malien. Demander à ce que l’État quitte un espace qui ressort du territoire est difficile. Mais, maintenant, quand on voit d’où l’on est après plusieurs mois d’embargo, d’enlèvements, de menaces, de morts… moi je crois qu’un État stratège doit prendre en compte l’environnement et surtout regarder les conditions dans lesquelles les populations souffrent. Il doit être en mesure de comprendre et de s’adapter à une situation qui peut changer dans les mois et les années à venir. »
Est-ce que cela ne serait pas perçu comme un renoncement de l’État malien à exercer son autorité sur tout le territoire ? « Cela peut apparaître comme un renoncement, mais analysons les rapports de force : aujourd’hui, dans cette zone, de Farabougou à la frontière mauritanienne, ce sont les moudjahidines qui contrôlent, ce sont eux qui définissent les règles de gestion, qui dictent leurs lois. Donc, c’est difficile, je le reconnais, mais il y a toujours des possibilités d’adaptabilité et de création des conditions pour que l’État puisse revenir, mais avec la confiance. »
Rassemblées par Zié Coulibaly
Source : La Plume libre