Takuba définitivement parti, Barkhane en voie de la suivre, les réformes politiques et institutionnelles amorcées, le sentier électoral balisé, les discussions politiques relancées, embargo injuste de la CEDEAO levé… les autorités de la transition sont en bonne voie et font preuve de bonne volonté pour un come-back à une vie constitutionnelle normale. Toutefois, dans son empressement à monter patte blanche, le régime de la transition semble faire peu cas du front social qui dans un élan patriotique avait fait un moratoire sur ses doléances et avait fait bloc derrière les autorités lorsque la CEDEAO avait pris des sanctions illégales et inhumaines contre notre pays. Le gouvernement a-t-il anticipé sur la levée des sanctions en prenant en compte cet effort citoyen consenti ? Quelle réponse a-t-il dans ses tiroirs, au-delà de la tenue de la conférence pour parvenir à un pacte de stabilité et de croissance ? Comment faire patienter les impatiences de la classe politique ? Et comment rassurer la communauté internationale ?
Enfin, la fumée blanche tant attendue par les Maliens est là. La bonne nouvelle est venue d’Accra, la capitale ghanéenne qui a abrité ce dimanche 3 juillet 2022 le 61e sommet des chefs d’État de la CEDEAO : la levée des sanctions économiques et financières qui pesaient sur notre pays depuis le 9 janvier dernier.
Après 6 mois de souffrances dues à la fermeture des frontières et à des restrictions financières sans aucune base légale, le peuple malien espère maintenant à un changement qualitatif de ses conditions de vie et surtout à la satisfaction des attentes et aspirations légitimes.
Aussi, les autorités de la transition doivent-elles honorer leurs engagements en s’attelant à la mise en œuvre intégrale et dans les délais convenus notamment du PAG et du chronogramme des réformes institutionnelles et des élections de fin de transition.
Lors de leur sommet du 3 juillet, les chefs d’État de la CEDEAO ont levé les sanctions économiques et financières imposées à notre pays. Par contre, les sanctions individuelles contre les autorités de la transition et la suspension du Mali dans les organes de la CEDEAO sont maintenues jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel, ont-ils décrété.
Après 6 mois d’embargo illégal et inhumain subi dignement, le Mali entame une nouvelle phase de la transition.
Cette la reprise des relations économiques et financières avec les États membres de la CEDEAO doit être mise à profit pour tirer les leçons du passé et fixer un nouveau cap afin que la situation ne se répète plus.
Le Peuple malien dans son ensemble est à féliciter pour son courage, sa détermination, sa résilience et son soutien aux autorités de la transition pendant cette période difficile. Mais, naturellement, avec la levée des sanctions plusieurs fronts s’ouvriront en même temps et l’équation ne sera pas facile à résoudre pour les autorités.
Satisfaire vite le front social
L’embargo avait permis de mettre en veilleuse plusieurs revendications sur le front social, où les drapeaux ont été tus en bernes par patriotisme. Comme on le dit souvent, à quelque chose malheur est bon. Et dans le cas du Mali, on peut dire que l’embargo n’a pas fait que du tort. Car, en évidence, le front social qui était en pleine ébullition avant les sanctions s’est apaisé. Ce qui explique d’ailleurs le fait que l’année scolaire 2021-2022 est en passe de se terminer en beauté sans grèves des syndicats d’enseignants.
L’on se rappelle, tout juste après la prise des sanctions contre notre pays, les syndicats d’enseignants signataires du 15 octobre 2016 ont manifesté leur soutien et accompagnement aux autorités en levant leur mot d’ordre de grève qui était déjà en vigueur.
Le gouvernement à commencer par le Premier ministre n’a pas tari d’éloge sur le patriotisme du monde syndical pour accompagner la refondation du pays et faire face à l’embargo. Mais «à chaque chose son temps», aime-t-on dire.
Comme s’il anticipait la levée des sanctions, lors du dernier conseil des ministres, le gouvernement a pris note d’une communication du ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social relative au processus d’organisation de la conférence sociale dans le domaine du travail.
L’organisation d’une conférence sociale dans le domaine du travail était, on se rappelle, une recommandation forte des Assises nationales de la Refondation.
Elle a été aussi, retenue par le Gouvernement comme une des activités prioritaires de l’adoption d’un pacte de stabilité sociale, sécuritaire et de croissance instruite par le président de la Transition dans son discours d’investiture.
Selon le gouvernement l’objectif général visé par la conférence sociale est d’identifier les moyens et les mécanismes permettant d’aboutir à une stabilité sociale durable à travers trois thèmes :
–la politique salariale de l’État ;
–la liberté syndicale et de l’exercice du droit de grève ;
– le dialogue social.
Il s’agit pour le gouvernement Choguel K Maïga de faire un diagnostic clair des causes réelles de la détérioration constante du climat social ; d’identifier les inégalités salariales et leurs causes pour plus d’équité et de justice sociale ; d’identifier les besoins de renforcement des capacités des acteurs tripartites ; et de favoriser l’élaboration et la signature d’un pacte de stabilité sociale, sécuritaire et de croissance.
La parade convaincra-t-elle les syndicats ?
Résoudre l’équation de l’Article 39
Après l’embargo, il urge de régler cette épineuse question des enseignants. Les enseignants ont fait preuve de patriotisme et d’engagement en tout arrêtant pour cause d’embargo. Les épreuves du DEF, par cet engagement collectif, ont été un succès reconnu par tous. Mais la fin actée de l’embargo présage un embrasement du front social tandis que le Bac reste encore à organiser.
Allons-nous retourner au point zéro avec l’impasse quant à une solution négociée à l’épineux problème de l’article 39 ?
Si le Collectif des Enseignants du Mali «CEM» saluent et applaudit des deux mains la levée des sanctions économiques et financières (Embargo) contre notre pays, il s’inquiète en même temps de la situation de l’école malienne avec toujours l’absence de solution au problème de l’ARTICLE 39 de la loi N°2018-007 Du 16 JAN 2018. Dans un message diffusé ce lundi sur les réseaux sociaux, le Collectif des Enseignants du Mali «CEM» estime que « le gouvernement du Mali doit éviter la pratique de la politique dissuasive ».
Pour le Collectif, ce lundi 04 Juillet 2022, les examens de fin d’année (Brevets de Techniciens BT1 et BT2) se poursuivent normalement sur toute l’étendue du territoire National dans les centres retenus conformément aux calendriers des examens de fin d’année qui ont été établis par le ministère de l’Éducation nationale. Mais, le gouvernement ne doit pas se faire d’illusion : les enseignants du Mali restent fidèles à leur revendication à savoir le respect de la constitution et la loi, les accords et traités internationaux ratifiés par la République du Mali.
Pour le Collectif, « l’application arc-en-ciel des lois ne fera pas reculer les enseignants du Mali…pour rétablir un partenariat sincère dynamique avec les syndicats de l’éducation, au bonheur du Peuple malien en général et singulièrement celui des élèves et étudiants du Mali, l’État malien doit élaborer sans délai la nouvelle grille salariale du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale.
Avec un partenariat sincère dynamique, une nouvelle école malienne est possible ».
Après avoir mis les bouchées doubles pour assurer l’approvisionnement correct, tant bien que mal, les Maliens pendant la période de l’embargo, les autorités seront obligées de fournir plus d’efforts pour le reste de la période transitoire.
Apaiser le front
politique
En plus de la course contre la montre pour honorer le délai de 24 mois décrétés pour la transition, nos autorités doivent aussi œuvrera à apaiser les impatiences politiques légitimes. Ce qui demandera de la part du gouvernement plus de pédagogie et de moyens financiers pour éviter les mouvements de contestation susceptibles mettre en cause les acquis.
La reprise du cadre de concertation national est à cet égard de bon augure. En effet, cela fait une semaine que le gouvernement a partagé son chronogramme avec l’ensemble de la classe politique et de la société civile. Jusqu’ici, à part la CNAS-Faso Hère, aucun acteur majeur de la classe politique n’a encore rejeté le délai décrété de 24 mois ainsi que le chronogramme des élections à venir. Signe de ralliement ?
En tout cas, manifestement un pas important dans le sens de la revendication des acteurs politiques pour plus d’inclusivité pour la conduite du processus politique de la transition, notamment l’organisation des élections. Ce qui semble en bonne voie.
Par ailleurs, ces quelques mois d’embargo auront permis de connaître le poids de notre pays sur le plan commercial dans la sous-région.
Autant les Maliens ont souffert, autant les populations de certains pays de la sous-région ont aussi souffert de la fermeture des frontières.
En plus d’avoir frappé de plein fouet le secteur économique de certains pays de la sous-région comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, la fermeture des frontières a influé sur la cherté de la vie dans ces pays.
Face à la montée des prix de certains produits de grande consommation qui sont importés via notre pays, les populations de ces pays ont maintes fois interpellé leurs dirigeants à lever les sanctions.
Rassurer la communauté internationale
Aussi, cet embargo a été l’occasion pour le Mali de diversifier ses partenaires économiques. Les ports de la Guinée Conakry et de la Mauritanie sont désormais de nouvelles destinations pour les opérateurs économiques maliens. Comme on le dit chez nous, l’on reconnaît ses vrais amis que pendant les périodes difficiles.
La Guinée Conakry, la Mauritanie et le Burkina Faso ont été aux côtés du Mali et du Peuple malien pendant ces moments difficiles. Après avoir soutenu le Mali pendant cette période difficile, en ouvrant leurs frontières et/ou leurs ports, les autorités maliennes ne devront jamais tourner le dos à ces pays amis.
Outre ces pays limitrophes, d’autres pays à travers le monde comme la Russie et la Chine ont beaucoup soutenu le Mali pendant ces périodes de crise.
Ces deux pays se sont dressés en bouclier au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies pour faire échouer les projets machiavéliques de certaines puissances mondiales qui avaient décidé d’enfoncer davantage le Mali.
Au-delà des leçons à tirer et les reconnaissances aux soutiens du Mali, il faut reconnaître qu’une autre priorité des autorités sera la mise en œuvre du chronogramme des réformes institutionnelles et des élections de fin de transition en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel.
Cela permettra au Mali de gagner la confiance des partenaires et d’être à l’abri d’un éventuel bras de fer avec la communauté internationale.
Comme le dit un adage, à cœur vaillant rien d’impossible. Il suffit que la volonté politique, l’accompagnement de tous les Maliens et des partenaires internationaux soient au rendez-vous pour relever ce défi.
PAR MODIBO KONE
Source : Info-Matin