Bamako, 12 Mai 2016.
«Vox Populi, Vox Dei »
«La voie du peuple est la voix de Dieu »
Son Excellence Monsieur le Président de la République,
C’est avec beaucoup d’émotions que nous vous écrivons.
Nous, Personnes vivant avec le VIH et Associations de Bénéficiaires au Mali subissons depuis 2 ans maintenant, une injustice sociale à cause du mépris affiché de vos structures techniques pour notre santé.
Vous ne le savez peut-être pas, mais cela fait maintenant 2 années, depuis la fin d’année 2014 à aujourd’hui, que les personnes séropositives n’ont plus accès au bilan biologique au Mali. Le bilan biologique, doit être effectué au minimum deux fois par an. Il reste le seul moyen par lequel les personnes séropositives contrôlent efficacement leur état de santé afin de se voir administrer le traitement adéquat-Sans ce suivi biologique, ce sont des milliers de patients qui assistent, impuissants, à la dégradation de leur état de santé, des milliers de personnes qui se dirigent vers une mort, pourtant évitable. Monsieur le Président, nous pensons que la situation est suffisamment grave.
Concernant le problème de suivi biologique, permettez nous, Monsieur le Président de vous éclaircir l’esprit: Le Fonds Mondial de lutte contre le sida a acheté les appareils pour le suivi biologique. Cependant, il voudrait que leur maintenance soit prise en charge par la partie gouvernementale. Ainsi, ces appareils existent au Mali, mais ne sont pas fonctionnels par seul manque d’entretien. Le problème Monsieur le Président, est que « Personne »n’a tout simplement pris le soin d’intégrer l’entretien des appareils pour le suivi biologique dans le budget national consacré à la lutte contre le Sida.
Ainsi, à l’instant T, Monsieur le Président, à l’INRSP de Bamako, le CD4 n’est pas disponible et deux appareils de charge virale (TaqMan AmpliPrep) sont enfouis dans les magasins, non fonctionnels : l’un est en panne depuis fin 2015 et l’autre n’est pas installé à cause d’un problème d’onduleur.
A l’instant T, Monsieur le Président, le CD4 n’est pas disponible à l’hôpital du Gabriel Touré pour rupture de réactifs. À l’instant T, à l’hôpital de Kayes, l’appareil connaît des pannes fréquentes.
A l’instant T, Monsieur le Président dans la région de Sikasso, à Yanfolila, cela fait 2 ans que l’appareil de suivi biologique est parti en réparation et n’est jamais revenu, à Yorosso, l’appareil pour le suivi biologique n’est pas fonctionnel pour rupture de réactifs et à Bougouni, l’appareil est en panne pour manque d’entretien.
Monsieur le Président, cela est inadmissible. Pendant que le Fonds Mondial de Lutte contre le Sida se bat contre vents et marées pour fournir des appareils extrêmement couteux aux patients de notre pays, vos structures techniques peinent à financer uniquement la maintenance de ces appareils. Est-ce votre réponse à la solidarité internationale ? Est-ce nous dire que les coûts de maintenance des appareils valent bien plus que la vie d’autant de personnes vivant avec le VIH au Mali ?
Monsieur le Président, sous votre gouverne, la lutte contre la Sida a connu un important changement. Loin de penser que vous avez délibérément occasionné l’affaissement de la lutte – évidemment nous savons que vous n’êtes pas animé par un tel instinct– cependant, la gouverne actuelle de la lutte contre le Sida multiplie les obstacles et demeure le centre des problèmes. La gouverne actuelle, disions-nous, ne représente plus qu’un semblant de combat pour nous associations de bénéficiaires. Oui Monsieur le Président, car les masques sont tombés et nous, bénéficiaires, payons le prix du bal d’hypocrites qui a lieu tous les ans- uniquement durant le mois de décembre- .
En effet Monsieur le Président, car pendant que le monde vise la maitrise de l’épidémie du VIH pour 2030 à travers les objectifs 90 9090, le bilan sanitaire est effrayant au Mali : à peine 3 adultes séropositifs sur 10sont sous ARV, le chemin vers le bilan biologique est pavé de 1000 difficultés et pendant que 50% des femmes enceintes sont en besoin de PTME et n’y ont pas accès, 8enfants sur 10 sont en besoin de traitement et n’y ont également pas accès. Cela n’est pas acceptable Monsieur le Président.
Aujourd’hui les personnes séropositives au Mali vivent dans une désillusion totale. Avez-vous Monsieur le Président entendu l’histoire de Aminata? Aminata était cette jeune femme séropositive. Aminata vivait à Yanfolila et se rendait régulièrement jusqu’à Bamako pour effectuer son bilan biologique. Dans les structures sanitaires, on faisait toujours tourner Aminata en rond : tantôt les appareils étaient en panne, tantôt il y avait des ruptures d’intrants. Des fois c’était l’onduleur qui ne fonctionnait pas, d’autres fois c’était un problème de rallonge. Ainsi de suite, Aminata n’arrivait jamais à effectuer son bilan biologique. Par défaut, son médecin lui donnait un traitement de manière aléatoire. L’état de Aminata s’est dégradé. Puis, Aminata est morte.
Voici, Monsieur le Président, le genre de tragédie qui se déroule sous nos yeux. Bien évidemment, nous n’avons pas perdu espoir. Mais comment renouer confiance avec une gouvernance qui nous a autant délaissés?
Toutefois, nous pensons qu’il n’est jamais trop tard pour rattraper le temps perdu. Cependant, pour marquer un tournant, la lutte contre le Sida au Mali doit renaitre sous une nouvelle aire-mutatis, mutandis–.C’est dans cette voie que nous souhaiterions vous accompagner.
Il vous appartient ainsi Monsieur le Président, à vous, par votre pouvoir de décision de précipiter un nouveau départ dans la lutte contre le Sida au Mali, en commençant d’abord par rendre le bilan biologique accessible aux personnes sous traitements.
Le président Alpha Oumar Konaré a été l’acteur initial dans la prévention du VIH/SIDA au Mali en montrant le préservatif aux Maliens. Le président Amadou Toumani Touré, lui, a joué le rôle principal dans la facilitation de l’accès au traitement. Autrement dit, les acquis obtenus dans la lutte contre le Sida aujourd’hui, sont ceux de vos prédécesseurs.
Alors, Monsieur le Président, quel héritage allez-vous laisser dans la lutte contre le Sida au Mali ?
Réseau Malien des Personnes Vivants avec le VIH (RMAP+)
La rédaction