Dans une lettre ouverte au Premier ministre dont nous avons reçu copie, le Secrétaire à l’Organisation du Haut Conseil islamique du Mali, le Dr Kimbiri Mohamed, attire l’attention sur un « conflit de compétence entre le département chargé des affaires religieuses et du culte et celui de l’administration territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire ». Selon lui le département en charge des affaires religieuses est devenu une « coquille vide », ses attributions étant exercées par le ministère de l’administration. Le Dr Kimbiri attire l’attention sur l’urgence d’une solution … avant qu’il ne soit trop tard.
Monsieur le Premier ministre,
Je vous saisis par cette voie, pour vous interpeller sur une situation de conflit de compétence entre le département chargé des affaires religieuses et du culte et celui de l’administration territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire et qui nécessite une mise au point du fait des conséquences des actes posés.
Je voudrais d’ores et déjà signaler que dans tous les contextes, les questions touchant à la foi des hommes quelles qu’elles soient, doivent être traitées avec la plus grande circonspection, eu égard à l’irréversibilité des dérives qu’elles peuvent entrainer.
Mon interpellation, Monsieur le Premier ministre, se voulait rectificative des actes de spoliation et d’accaparement dont est victime le département chargé des affaires religieuses et du culte, vidé de l’essentiel de ses prérogatives et spécifiquement le Hadj : 5ème pilier de l’islam. Mon objectif pour cette interpellation est loin d’envenimer la tension sociale au moment où la paix et la cohésion nationale sont tant souhaitées.
Monsieur le Premier ministre ; c’est le décret N° 721 en date du 24 décembre 2012, signé par vous-même, qui a fixé les attributions spécifiques des membres du gouvernement.
Le Ministère des Affaires Religieuses et du Culte a fondamentalement mission d’élaborer et de mettre en œuvre la politique nationale du Mali en matière religieuse.
A la création du Ministère des Affaires Religieuses et du Culte, sont nombreux les Maliens et pays musulmans qui ont accueilli avec joie et allégresse cette nouvelle. Car, aux yeux de l’opinion publique nationale et internationale, notre pays, le Mali, vient d’être doté d’un appareil lui permettant de faire face à la crise majeure qu’il est en train de vivre aujourd’hui : la crise au nord ou l’aspect djihadiste est prédominent.
Ce Département dans ses attributions est chargé d’élaborer et de mettre en œuvre la politique nationale en matière religieuse.
A ce titre, il exerce pleinement les attributions ci-après édictées: la promotion et le développement d’une culture de laïcité ancrée dans les valeurs de la société malienne ; l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de l’application de la législation relative à la religion et aux cultes ; la promotion du dialogue entre les religions ; l’élaboration et le contrôle de l’application des règles relatives aux prêches, aux édifices de culte et aux associations à caractère religieux ; l’élaboration et le contrôle des règles relatives à l’organisation des pèlerinages et des fêtes religieuses, la gestion de la Grande Mosquée et de la commission d’observation du croissant lunaire.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes au regret de vous informer sur un constat amer quant à la concrétisation du décret portant mission et attributions du Ministère chargé des Affaires Religieuses et du Culte.
Le dernier conseil d’administration de la Maison du Hadj en est une parfaite illustration, qui dans son déroulement a prouvé que ce Département n’est rien d’autre qu’une coquille vide, un Département sous tutelle, encore moins qu’un Ministère Délégué.
Ensuite, la confiscation du pèlerinage en est une autre entorse majeure quant à l’application concrète de ce décret. Si réellement le Ministère des Affaires Religieuses et du Culte a fondamentalement pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre la politique nationale du Mali en matière religieuse, l’organisation et la gestion du pèlerinage, 5ème pilier de l’Islam ne doit plus être la chasse gardée d’un autre Département.
Jusqu’à quand allons-nous assister impatiemment cette situation ? En tout cas, avec cette confiscation des attributions, le décret N° 721 du 24 décembre 2012 n’aura rien servi à cause de cet acte du Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire. A quoi sert alors un décret si son application fait défaut.
Monsieur le Premier ministre, l’Etat doit prendre toutes ses responsabilités face à cette situation avant qu’il ne soit trop tard. Car, dans tous les pays musulmans au monde, le pèlerinage est confié à un Ministère chargé des Affaires religieuses, s’il existe.
Les questions qui se posent aujourd’hui sont les suivantes : pour quelles fins le Département Ministère de l’Administration, Territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire et ses agents s’accrochent-ils à cette attribution religieuse qui relève désormais de la compétence d’un autre Ministre ? A quel résultat peut-on s’attendre d’un département dont les attributions sont exécutées ailleurs ? En plus de ces questionnements, le Ministère des Affaires religieuses et du Culte est le Département le plus sous équipé. Car ne possédant jusqu’à nos jours que d’un seul et unique véhicule (Mercédès noire) pour le Ministre. Pour ses déplacements à l’intérieur, le Ministre chargé des Affaires Religieuses et du Culte est obligé de compter sur le concours de ses homologues membres du gouvernement. Pour les membres du cabinet, chacun doit créer son propre moyen de déplacement. Comme s’ils ne sont pas à la mission de l’Etat. Est ce le scenario «Acta est fabula » : « la pièce est joué » afin de disqualifier le Département chargé des Affaires Religieuses et du Culte et pousser le Ministre à la démission ?
En définitive, on a l’impression que les hommes politiques, en créant ce département chargé des affaires religieuses et du culte, ont voulu s’acquitter d’une obligation le couteau sous la gorge. Avec cette idée à leur tête : « religieux, tenez votre département et débrouillez-vous à y donner les moyens et à y mettre le contenu ». Là, il y a un conflit d’intérêt qui ne dit pas son nom et le temps nous édifiera !
Je voudrais vous rappeler Monsieur le Premier ministre que vous détenez en dernier ressort la responsabilité de redonner à ce département chargé des affaires religieuses et du culte ses droits à travers l’organisation exclusive du Hadj et ses responsabilités entières. Je vous saurai infiniment gré, Monsieur le Premier ministre de toutes les dispositions qu’il vous plaira de faire prendre sur cette affaire afin que notre ministère sorte d’une tutelle déguisée de ministère délégué : en un mot, une coquille vide.
Mohamed KIMBIRI 1er Secrétaire à l’Organisation du Haut Conseil Islamique du Mali
Source: Lerepublicainmali