Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

L’escadron de la mort a enfin un visage

L’arrestation du lieutenant Seyba Diarra en fin de semaine dernière a  considérablement fait avancer les enquêtes en cours sur les disparitions forcées et présumées exécutions sommaires. Mais tout d’abord, comment un gars aussi futé que le lieutenant Seyba Diarra s’est-il fait piéger ?

seyba diarra adjudant chef porte disparu dakar

Comment le Lieutenant Seyba a été piégé et arrêté à Bla ?

Considéré à raison comme le suspect de premier degré dans les cas de disparitions forcées, le lieutenant Seyba Diarra, natif Tiorobougou (cercle de Kolokani) avait littéralement disparu après la mutinerie du 30 septembre à Kati. Blessé par balle lors des mêmes événements, il se fondit dans  la nature. Sa présence fut, tour à tour signalée au Sénégal, en Guinée et même en Sierra Léone. Mais selon toute évidence, il s’agissait d’un stratagème pour l’endormir. Question de lui faire admettre que les enquêteurs sont encore loin de  mettre la main sur lui. Mais dans les faits, ces derniers n’ignoraient nullement qu’il se trouvait quelque part à l’intérieur du pays. Fana ou Bla ? La stratégie marcha. Le suspect se rassura en effet et les enquêteurs poursuivirent sereinement leur opération.

 

Mais comment donc ceux-ci ont pu le localiser ? Eh bien, on le sait : l’on n’est trahi que par les siens. C’est un proche du suspect qui fila le renseignement. Une attitude très compréhensive quand on sait que pareils suspects deviennent très vite encombrants partout où ils se rendent. En somme, en ces temps incertains, nul ne souhaite avoir d’embrouille surtout pour les beaux yeux d’un présumé tueur en série. Cet état d’esprit n’est pas étranger à la dénonciation. Tous les autres suspects doivent s’attendre à un phénomène similaire.

 

 

C’est alors qu’il était serein et loin de se douter que l’étau avait fini de se resserrer au tour de lui, qu’il fut cueilli, vendredi dernier, dans le  village de Warassala, cercle de Bla, (région de Ségou). Une opération propre. Aucune résistance, aucune victime !

 

Présenté au juge Karembé dans les heures qui suivront le même jour (18h 30), il fut immédiatement inculpé pour assassinats et tentatives d’assassinats. On retiendra à ce niveau que les charges jusque là retenues contre Sanogo sont des cas d’enlèvement. Mais Seyba Diarra lui, fut directement inculpé pour assassinats et placé sous mandat de dépôt. Notons, en tout état de cause, que le juge d’instruction s’apprête à requalifier les charges contre le chef de l’ex-junte. La découverte du charnier de Diago et l’arrestation du lieutenant Seyba Diarra aideront en cela.

 

 

Seyba Diarra, le véritable cerveau du coup d’Etat de mars 2012

Le saviez-vous ?  Le lieutenant Seyba Diarra est un commando parachutiste, jadis élément du 33ème bataillon para de Djicoroni ; un «Béret-rouge» comme on le dit communément. Il a transféré à l’armée de terre (A.T) à la faveur du grand mouvement de refondation de l’armée entre 1995 et 1996. Il eut beaucoup d’autres transferts… Seyba Diarra est aussi membre actif de la confrérie des chasseurs communément appelé Dozos. Selon toute évidence, il constitue une valeur militaire sure.

 

C’est bien lui et le capitaine Konaré qui ont commandé les troupes à l’assaut du palais le 21 mars 2012. Amadou Haya Sanogo ne fut sollicité que plus tard certainement à cause de ses qualités d’orateur. Se noua alors une amitié à trois. Mais si Sanogo respectait Konaré, il craignait par contre Seyba. Ce dernier avait de solides réputations : sans peur, sans pitié et presque invincible à cause de ses supposés pouvoirs mystiques. Il devint le bras-droit et l’homme de confiance de Sanogo.

 

 

Survint plus tard la mutinerie du 30 septembre 2013. L’amitié de circonstance entre les 3 hommes s’effilocha très vite et le capitaine Konaré, justement par crainte des représailles du lieutenant Seyba Diarra, se constitua prisonnier. Il avait vu juste. Il assista alors de loin à une série de disparitions voire d’exécution de ses camarades, parmi lesquels, le Colonel Youssouf Traoré, l’Adjudant-chef Dramane Sissoko, les surnommés «Ganda-Koy», «Rougeaud», etc. En somme, le capitaine Konaré ne doit la vie sauve qu’à son flair et à sa connaissance du mode opératoire de ses adversaires du jour. Et deux noms revenaient constamment pour désigner les présumés tueurs: le capitaine Christophe Dembélé et le lieutenant Seyba Diarra. Le premier (Christophe Dembélé et non moins garde de corps du Général Haya) fut arrêté à la suite de l’opération «Saniya» puis libéré dans des conditions encore non élucidées ; pendant que le second se fondait dans la nature. Aux deux hommes, on attribue, à tort ou à raison, les cas de disparitions forcées et exécutions sommaires consécutives à la mutinerie du 30 septembre 2013.

 

 

Mais pas que les affres du 30 septembre dont les enquêtes ne sont pas encore officiellement ouvertes. Le nom de Seyba Diarra revient et toujours de manière constante dans les cas d’enlèvements et de disparitions de «bérets-rouges», ses anciens camarades. Sont également cités, les Colonels Blokoro Samaké, et Diawara, le capitaine Issa Tangara lequel est aujourd’hui détenu aux côtés de Sanogo à Faladjè. En clair, ils sont considérés comme les suspects numéros 1 dans l’affaire des «bérets-rouges» qu’il ne faut pas confondre avec celle consécutive à la mutinerie du 30 septembre 2013.  En tout état de cause, l’arrestation du Lieutenant Seyba Diarra permettra certainement de faire le lien entre les deux événements.

 

 

Cas des policiers

L’ombre de la junte et de Sanogo plane aujourd’hui sur l’école Nationale de la Police (E.N.P) et sur le groupement Mobile de Sécurité (GMS). Et pour cause.

 

Pendant les folles journées d’avril 2012 («guerre des bérets»), ce sont des éléments de la police nationale et plus précisément du clan Siméon Keïta qui assenèrent le coup fatal aux «bérets-rouges» partis à l’assaut de Kati.

 

Et auparavant, à la suite du coup de force de mars 2012, c’est toujours le clan Siméon Keïta qui procéda à l’arrestation des personnalités à l’image de l’ancien premier ministre Modibo Sidibé, Jeammil Bitar, Soumaïla Cissé, M. Sidibé, ex-directeur de l’AMO, le maire du District  Adama Sangaré, etc.

 

 

En clair, la police de Siméon Keïta enlevait et dépouillait littéralement les personnalités ciblées et les remettait ensuite à la disposition du lieutenant Seyba Diarra à Kati.

 

 

En récompense, le seigneur du jour, (le capitaine Haya Sanogo) récompensa ses sauveurs en leur octroyant une promotion à titre exceptionnel et à Siméon Keïta en particulier, le plein pouvoir sur la police. Une prérogative  qui se manifesta par des abus (radiation d’éléments opposés à sa tendance syndicale, séquestration et tortures…).

 

 

Il importe de préciser que la Section Syndicale de la police nationale connait un bicéphalisme. Il existe, en clair, deux tendances syndicales : celle Du commissaire Tidjane Coulibaly aujourd’hui opposée à Siméon Keïta lequel est  secondé par le sergent-chef Siriman Fané. La première (tendance Tidjane Coulibaly) accuse l’ancien directeur de la police nationale (Niamé Keïta aujourd’hui candidat aux législatives à Nara) d’avoir crée de toutes pièces  et entretenu le camp Siméon Keïta. Une version vraisemblable quant on sait à l’heure actuelle, que c’est le bureau de Tidjane Coulibaly secondé par l’adjudant Tiékouta Kanté qui reste officiellement reconnu aussi bien par la Centrale Syndicale (UNTM), l’Etat malien, que par les organisations syndicales internationales.  Cet autre paradoxe milite favorablement pour cette lecture des faits : le camp Siméon Keïta se réclame de l’UNTM lequel s’abstient de le reconnaitre ; et milite au sein de la CSTM d’Amion Guindo au siège social  duquel il tient très souvent ses assises souvent aux côtés des groupes de partis politiques à l’image du MP22, COPAM ayant soutenu le coup d’Etat de mars 2012 et réclamant aujourd’hui la libération du prévenu Amadou Haya Sanogo…

 

Bref, en sa qualité de membre du puissant CNRDRE, l’adjudant Siméon Keïta ne fit pas dans la dentelle. Ses victimes sont très nombreuses aussi bien au sein de la police que parmi les civils.

 

 

Il parvint à tordre la main du ministre de tutelle au moment des faits (le Général Tiefing Konaté), voire du président de la transition, dans l’affaire des promotions à titre exceptionnel et la radiation de tous ses contradicteurs dont le commissaire Tidjane Coulibaly, contraint  à l’exil.

 

 

Et parmi les personnes aujourd’hui ciblées pour être proches compagnons de l’adjudant Siméon Keïta et du sergent Siriman Fané, donc probables complices d’exactions, on cite l’adjudant Drissa Samaké dit Roger, Sergent Yaya Niambélé, Adjudant Moussa Bathily, Sergent Ibrahim Tounkara, des élèves-commissaires et/ou inspecteurs  Moussa K. Dembélé, Mousse Mbaye, Moussa Dogoré et Mamouta Sanogo (le frère cadet du Général Sanogo).

 

 

De nombreuses interpellations en perspective cette semaine

L’arrestation du lieutenant Seyba Diarra, et auparavant, de  l’adjudant de police Siméon Keïta et du sergent-chef Siriman Fané a donné un coup d’accélérateur aux enquêtes en cours. Tenez par exemple : de nombreux responsables  politiques, militaires ou civils doivent aujourd’hui leur promotion au lieutenant Seyba Diarra moyennant, bien entendu, un retour d’ascenseur, ou tout simplement de «petits renseignements» ou «arrangements» aux fâcheuses conséquences.

 

 

Aussi, les prévenus, selon des sources généralement bien informées et proches de l’enquête, ne se sont pas fait prier pour livrer des noms et des précisions au  magistrat instructeur, M. Yaya Karembé. Des aveux qui justifient d’ailleurs l’interdiction de voyage à tous les officiers supérieurs membres du défunt CNRDRE.

A suivre…

 

B.S. Diarra

SOURCE: Maliba Info

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance