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Les marchés céréaliers en 4ème Région (1): UNE RELANCE TRÈS TIMIDE

De Ségou à Dioro, l’impact de la crise reste palpable sur les différents marchés céréaliers. Qui peinent à recouvrer leur dynamisme de naguère 

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C’est une vérité du terrain que connaissent bien ceux qui s’attachent à connaître les vérités du terrain. Dans notre pays, l’univers des céréales est régi par l’activité des marchés dévolus à ces produits. C’est par ces marchés céréaliers que passe la commercialisation ou la distribution des céréales entre les zones de production et celles de consommation, entre les zones rurales et celles urbaines. Essentiels autant à l’économie locale qu’au commerce national, ces marchés céréaliers constituent indiscutablement un indicateur fondamental de la vigueur commerciale et économique de notre pays. Ces rassemblements en plein air regroupent le plus souvent en un seul jour de la semaine et dans une seule localité des milliers d’acteurs économiques et, lorsque tout va bien, font s’échanger des centaines de millions de francs Cfa.

Lundi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche sont d’un lieu à l’autre les jours de foire hebdomadaire dans les communes rurales de Ségou, Sokolo, Macina, Dogofri, Dioro et Niono. Ces foires sont des événements renommés autant chez nous que dans la sous-région par la quantité et la variété des produits qu’ils proposent, produits qui ajoutent aux céréales les fruits et légumes. Elles méritent leur bonne réputation, car elles attirent des milliers d’agriculteurs venus écouler leur production et de commerçants en quête de bonnes affaires. Les marchés remplissent donc non seulement l’escarcelle de leurs animateurs naturels, mais aussi les caisses des mairies, de services des impôts et des douanes.

Comment un marché céréalier devient-il incontournable ? Plusieurs facteurs interviennent dans son essor, mais deux s’avèrent déterminants : la position géographique et la capacité de production agricole. Les grands marchés céréalier de la 4ème Région obéissent tous à cette règle, eux qui voient affluer des producteurs et des commerçants venant de tous les coins du pays et de la sous-région. Il faut dire qu’en plus des céréales ils proposent du bétail, de la volaille, du poisson, des agrumes et des légumes. Bref, tout ce qui est susceptible de faire le bonheur des nombreux revendeurs.

Les jours de marché constituent des journées spéciales dans ces zones. Dès la veille, gros porteurs, minicars et charrettes déchargent leurs cargaisons. Acheteurs et vendeurs s’interpellent et discutent des prix. Les femmes, actrices principales dans l’animation de ces espaces, sont présentes dans tous les segments du marché. Elles sont vendeuses à la criée, commerçantes détaillantes ou grossistes, négociantes ambulantes ou établies. Elles sont des centaines à se précipiter aux portières des véhicules pour proposer des oranges déjà pelées, des sachets d’eau et de jus de gingembre. Les œufs durs sont servis avec la traditionnelle pincée de sel. L’offre de légumes ferait le bonheur d’un végétarien, alors que les miches de pain amoncelées sur les tables des tenancières de gargotes sont servies avec des brochettes, des pommes de terre frites ou du poisson.

UNE CINQUANTAINE DE GROS PORTEURS. Véritable pouls des activités agricoles locales, les marchés céréaliers servent à établir l’état de santé économique des foyers, des villages, des régions, voire parfois même de la nation. Car grâce à eux, une bonne partie du pays profond vit et se développe. Leur animation reflète à elle seule le dynamisme ou le déclin de larges pans du Mali réel. Aujourd’hui, le diagnostic que l’on peut poser sur leur situation est plutôt alarmant. Ces marchés jadis prospères ont été frappés de plein fouet par la crise sécuritaire et socio-économique qui sévissait dans notre pays depuis mars 2012. Depuis l’attaque de Diabaly par les terroristes, l’économie du cercle de Niono et des cercles voisins peine à sortir de la léthargie. La zone revient donc de très loin. Les foires de Niono, Dogofry, Diabaly, Siribala, Sokolo, Dioro et Macina étaient presque abandonnées. Tandis que la fermeture de la frontière mauritanienne a donné un coup d’arrêt aux échanges commerciaux interfrontaliers jadis prospères.

L’analyse que développe le premier adjoint du maire de Dioro, Ibrahim Modibo Dicko est édifiante à cet égard. Dioro et ses environs possèdent, selon l’édile, un potentiel économique et commercial énorme. « La commune de Dioro, explique Dicko, est tout à la fois une zone rizicole et une zone d’élevage très excédentaire. Le fleuve Niger qui arrose son territoire permet de développer d’importantes activités piscicoles. Tous ces atouts permettent à la zone d’alimenter l’un plus dynamiques marchés céréaliers de la région qui s’échelonnait sur trois jours : vendredi, samedi et dimanche. A l’époque, on dénombrait une cinquantaine de gros porteurs qui venaient ici pour embarquer les produits. Hélas, la crise sécuritaire et socioéconomique qui  a frappé le pays n’a épargné notre marché. Quand l’état d’urgence a été décrété, le marché céréalier de Dioro, comme les lieux similaires partout ailleurs dans la région, a été totalement déserté. Les rares acheteurs qui venaient de temps en temps manquaient de liquidité pour s’approvisionner en grande quantité. Les denrées périssables comme les tomates et d’autres légumes pourrissaient ici par dizaines de tonnes. Les producteurs qui avaient emprunté pour se procurer des intrants se sont retrouvés surendettés. En un mot, la pauvreté et la misère se sont installées à une vitesse extraordinaire ».

Et maintenant ? Notre interlocuteur ne peut retenir un long soupir. «  Avec le retour de la sécurité et les élections, reconnaît-il, on s’attendait à une reprise rapide des activités et une normalisation progressive de la situation économique. Malheureusement, la relance tant attendue tarde toujours. La production agricole a été passable. Le marché de Dioro enregistre la venue de très peu de commerçants. Et ceux qui arrivent n’ont pas assez de liquidités pour faire de gros achats. Les producteurs arrivent et retournent chargés, bref la relance est très timide » .

DES TONNES DE POISSONS. Comme celui de Dioro, les marchés céréaliers de Niono et de Macina vivent sous le signe de la morosité. L’affluence timide dans les foires hebdomadaires de ces localités reflète à elle seule le ralentissement de l’activité économique de la région. La ville de Macina (située à135 kilomètres de Ségou) est pourtant l’un des plus grands carrefours commerciaux de la 4ème région. Porte d’entrée du Delta du fleuve Niger, le cercle de Macina s’étale entre ceux de Ténenkou, de Djenné, de San, de Niono et de Ségou. Avec un relief plat constitué essentiellement de plaines fertiles, recélant de nombreuses mares, Macina affiche un potentiel économique riche et varié. Le fleuve Niger constitue un atout majeur pour cette zone. Non seulement il permet la navigation de Macina à Gao, ainsi que de Macina à Koulikoro, mais il assure aussi l’irrigation des plaines rizicoles et favorise le développement de la pêche.

Aujourd’hui, le marché de Macina, comme tous les marchés céréaliers de la région Ségou, reste fortement impacté par la crise. Ici, opérateurs économiques et producteurs s’accordent pour dire que les grandes pinasses en provenance des régions de Mopti, de Tombouctou et de Gao n’ont pas encore vraiment repris leurs activités. Le premier adjoint du maire de commune rurale de Macina, Bekaye Samaké, est catégorique. « C’est le calme plat, en tous les cas pour le moment, déplore-t-il. Avant la crise, le marché de Macina était très florissant. C’est à partir d’ici que les régions du Nord s’approvisionnaient en produits céréaliers. Les vendredi et samedi, la ville accueillait des milliers de pinasses et pirogues qui accostaient le long du fleuve. Les bateaux débarquaient des tonnes de poissons et de produits locaux des régions du Nord (nattes, tapis, dattes, beurre et condiments sèchés). Ils embarquaient des tonnes de céréales, du sucre, des légumes, des fruits, du matériel de cuisine et des produits pharmaceutiques. Aujourd’hui, la foire voit arriver à peine une centaine de pinasses ».

Seydou Kontao, un acheteur venu de Ségou, fréquente le « samedi » de Macina depuis plus de vingt ans. Ce colporteur a d’ailleurs hérité du surnom de « Macina Seydou » qui traduit bien sa notoriété sur le marché céréalier. Pour lui, la reprise des activités économiques dans la zone est liée à la reprise économique dans le Septentrion. « Ce marché céréalier vit au rythme du dynamisme économique dans les régions du Nord. Malheureusement, les choses là bas n’ont pas encore repris avec vigueur. Nous ne pouvons donc pas nous risquer à investir nos fonds dans des affaires aléatoires », lance ce connaisseur.

LITTÉRALEMENT ÉCROULÉS. Le même constat s’impose à Niono, « capitale » de l’Office du Niger. Ici, les grands magasins de stockage de céréales sont vides puisque les grands commerçants ne viennent plus aux rendez-vous des mercredi et des dimanche. Le responsable du groupement des commerçants, Salif Séribara, développe une analyse très simple, à la limite du lapidaire. « Il n’y a pas d’argent, il y a pas de ventes, donc il n’y a pas de foire. Vous savez avec la crise, nous ne faisions plus d’affaires, nous avons pioché dans nos fonds de commerce pour nourrir nos familles. Pour la relance, on espérait sur un accompagnement des institutions bancaires. Malheureusement, avoir un crédit au niveau des banques relève de l’impossible. Pire, le niveau de dotation des institutions bancaires en liquidités est trop faible pour couvrir les besoins des commerçants », a expliqué le négociant qui souhaite vivement l’implication de l’Etat à travers la mise en place de lignes de crédit assez souples pour permettre aux commerçants de reprendre les activités.

Il faut dire que le cas du cercle de Niono est assez spécifique. Nous allons d’ailleurs lui consacrer un autre article qui prendra en compte tous les aspects de la difficile situation économique dans la capitale du riz. En attendant, ainsi vont (mal) les marchés céréaliers de la 4ème région. Ils se sont littéralement écroulés sous l’effet de la crise et tardent à retrouver le dynamisme qui les caractérisait. Leurs acteurs attendent un accompagnement approprié et conséquent de l’Etat pour une relance effective. Ils ne demandent pas à être pris en charge, car ils sont habitués à être actifs et à vivre de leur travail. Leur requête consiste en un appui  temporaire qui permettrait à la pompe économique de se réamorcer. Le potentiel de production est toujours là et toujours aussi impressionnant. La demande existe toujours. Les acteurs n’ont rien perdu de leur savoir-faire. Le coup de pouce ferait repartir en la graissant une machine grippée par la crise, mais dont les rouages sont intacts. Une belle machine dont le bon fonctionnement rétablirait certains équilibres cruciaux pour notre pays.

Envoyée spéciale

D. DJIRÉ 

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