En plus des ministres (une dizaine) et premier-ministres(02) déposés, s’ajoutent l’insécurité généralisée, et la complication du processus d’Alger marquée par la prolifération des groupes armés, la multiplication des rounds et l’incertitude d’aller une paix définitive.
A ses débuts aux affaires, IBK, le boulanger de Bamako roule dans la farine la galaxie qui l’a soutenu aux élections.Il refuse de partager le gâteau et porte Oumar Tatam Ly à la tête de son premier Gouvernement. Ce banquier, jusqu’à sa démission, en dehors de sa timidité n’est connu que par des mérites et compétences amplement vantés par son employeur.
Certes, Oumar Tatam Ly n’avait pas en son temps, pu déclarer la politique générale de son gouvernement, mais la raison serait que le désordre régnant au sein de son attelage ne lui laissait aucune garantie pour pouvoir mener à bien une politique cohérente dans l’urgence. Autrement, certains ministres de son gouvernement étaient capables de conclure, sans l’informer d’avance, des contrats de gré à gré au nom de l’Etat à coût de milliards. « Il tenait à mettre fin à de telles pratiques, témoigne un connaisseur du dossier. Et d’ajouter, Ly a été surtout déçu de constater que le Président IBK était de mèche avec les ministres concernés. Ce qui lui a paru insupportable pour partir dans l’immédiat.» Justement, ‘’quand on ne veut pas être touché par les queues des signes on s’éloigne de leurs bandes’’, disait Ahmadou Kourouma. Sinon, courageux et engagé, Ly semblait l’être. Puisqu’en novembre 2013, soit un mois après son installation, en visite dans le nord, il tente d’accomplir les instructions de son chef. De Gao, il doit vaille que vaille mettre pieds à Kidal. C’était un pari pour IBK qui voulait réaffirmer l’appartenance de Kidal au giron malien. Or sur place, les échos font état des manifestations contre sa visite. Faut-il persister ? Etant à Gao, le Premier-ministre Ly consulte la force Serval pour l’aider à accomplir son initiative.
Première déception. Oumar Tatam Ly ne s’illustrera pas en tête brûlée pour la simple raison que les militaires français qui contrôlent les lieux ne lui donnent aucune garantie de sa sécurité et de celle de sa délégation. De Paris, on est réticent : tant que Bamako ne n’ira pas dialoguer avec les groupes armés, Kidal lui restera fantomatique. La visite prévue de Kidal est reportée et la délégation gouvernementale rebrousse chemin. Direction ? Bamako. Ici, malgré la pertinence des explications du chef du Gouvernement, son Président ne l’entendra pas de cette oreille.
Temps de la brouille. IBK ne voulait pas se séparer d’Oumar Tatam Ly pour n’avoir juste pas pu aller à Kidal. Et comme il est économiste au pays des pauvres, il fallait compter sur lui pour juguler la crise. Mais à sa grande surprise, un mercredi soir, au terme d’un conseil des ministres à Koulouba, IBK l’appelle en aparté pour des fins d’achat d’un avion présidentiel au grand dam de celui hérité du régime d’ATT, avant de servir à suffisance la transition. Ce fut la première fois qu’Oumar Tatam Ly réponde à son chef par la négative. Après tout, c’est IBK qui est chef, et entreprend discrètement le processus d’emprunts auprès de d’une banque de la place avec certains ministres, à l’insu de Ly qui finira par être déçu de l’apprendre.
Sept mois après sa nomination, le Premier ministre Ly ne parviendra pas à jouir de la plénitude des fonctions à lui assignées. Il tente d’éliminer les dysfonctionnements et les insuffisances dans la marche du Gouvernement. C’est ainsi, face à la réticence du Président IBK, notoirement complaisant vis-à-vis de certains de ses ministres, qu’il sera obligé de claquer la porte. Il s’agissait là d’une première alerte pour les observateurs avisés de la scène politique. « Nomme-t-on un premier-ministre juste pour une période de sept mois ? », s’interrogeait-on à l’époque dans les rues de Bamako.
Dans l’immédiat, surgit la nomination de Moussa Mara. De tous bords, cet autre jeune premier-ministre connait des superlatifs faisant de lui l’homme intègre venu épauler un IBK abandonné au décollage de son régime. Erreur. Moussa Mara arrive puis déclare à pied levé une politique générale du Gouvernement pendant qu’il n’a d’autorité sur aucun ministre du Gouvernement qu’il est censé diriger. Et puisqu’IBK voulait d’un premier-ministre chaud, Moussa Mara semblait à la bonne place au bon moment. Très vite, il devient à la fois l’avocat des causes perdues et le ‘’Commando ‘s’en fout de la mort des autres’’. Notamment, il justifie les raisons d’un contrat d’achat de l’avion présidentiel, effectué avant son arrivée, et décide d’aller à Kidal. Et pourtant, IBK qui avait demandé cette faveur aux Français n’avait point acquis la carte blanche de ces derniers qui le mettaient en garde. Pour les Français et alliés, « aller à Kidal ne va pas arranger les choses tant que le dialogue à Ouagadougou n’aura pas donné de fruits. » Moussa Mara s’en tape et s’illustre en superman. Un acte orgueilleux qui a valu la vie à une centaine de Maliens, la fuite du détachement de soldats maliens installés grâce aux dispositions de l’accord préliminaire de Ouaga. A cela s’ajoute la confiscation par les bandits armés d’une importante quantité d’armes, d’engins de guerre et de vivres appartenant à l’armée malienne.
Ce n’est pas tout. Moussa Mara qui a su s’illustrer plutôt en ingénieur aéronautique qu’en comptable, a fini par décevoir la belle foule de Maliens qui comptaient sur lui pour la relève. Faut-il dire que l’image de Mara a été avec calcul écorchée pour avoir juste composé avec IBK qui ne lui accordera même pas le temps de démissionner pour le défenestrer ?
« Je l’avais pourtant averti depuis, à ne pas même pas entrer dans le premier Gouvernement, mais il ne m’a pas écouté, a témoigné un militant de sa jeune formation politique. Qui pense, ce sont les mesures de réduction du train de vie de l’Etat envisagée par Moussa qui ont semé la colère chez IBK et ses proches.»
Du revers de la main, un député de la majorité balaie cette dernière version, « Il a été limogé parce qu’il s’intéressait plus à se faire des militants plutôt qu’à aider IBK. Voilà pourquoi il fallait l’arrêter dans son petit jeu.»
Moussa Mara, après avoir livré Kidal aux bandits, a laissé la place à un vieillard dont les méthodes tardent jusque là à convaincre. Il reste toujours un temps de grâce pour Modibo Keïta qui doit sans doute agir par la rupture pour convaincre opposants, observateurs et rebelles.
On l’aura noté : l’arrivée de Moussa Mara à la tête du Gouvernement a plutôt profité aux bandits armés qu’à la République. C’est un sujet à discuter.
Dix-sept mois de régression ont passé, le Président Keïta change chefs de gouvernement et ministres comme des chemises.
Au sein de la mouvance présidentielle, on estime que ce sont les hommes et femmes (dont Mara) auxquels le Président a confié des responsabilités qui sont à l’origine des revers et du blocage. Ici, on se croirait entre les lignes de Jean de La Fontaine. Quitte au roi Lion de manger force moutons et berger, il reste le roi et innocent. La faute, c’est toujours les autres, les faibles courtisans.
En face, à l’opposition, tout avait été déjà prédit et ce qui se passe ne surprend pas le petit groupe de députés jamais écouté ou consulté par le pouvoir.
Du côté social, de la confiance aux suspicions, le désespoir ne cesse de grandir. Cependant, dans les milieux religieux aussi, on s’agite et estime que le verre est loin d’être même à moitié plein. Sinon, quel malin peut jurer que Mahmoud Dicko a dit son dernier mot ? A suivre…
A l’extérieur, c’est toute l’image du Mali qui est entachée. Voilà qu’il existe encore une République dite démocratique et en lequel on peut frauder et surfacturer à coûts de milliards sans être inquiété. Le FMI a-t-il donc perdu du temps à faire fouiner dans les contrats sulfureux ? Et tout cas l’ex ministre de la Défense, Soumeylou Boubeye n’a pas porté de gans pour préciser qu’IBK a été informé de tout le processus ayant abouti à ce qui a le plus fait couler d’encre et de salive depuis un an au bord du Niger. Encore, ce pays dont l’armée, après avoir été rééquipée à coûts d’une centaine de milliards, connait des revers cinglants, et dont le Président s’est déconnecté de l’organisation sous-régionale (CEDEAO), premier secours.
En vérité, depuis qu’IBK lors du sommet d’Accra (mi 2014), a réclamé la délocalisation du processus des négociations de Ouagadougou pour ailleurs, il a perdu toute sincère sympathie de la part des Ouest-africains qui, désormais font face à Boko Haram et l’ont abandonné aux mains de Français et Algériens. A qui la faute ?
Par ailleurs, concernant le choix de médiateur, Paris n’avait pas apprécié la reprise en main du processus des négociations par les Algériens pour des raisons les opposant. Mais, la réponse tardive des Maliens a eu comme soutien, la crise au Burkina. Ce qui a fini par rendre Alger incontournable dans le dossier, contre le gré des Marocains qui eux, pensent toujours que la solution aux problèmes des Maliens ne réside pas à Alger. L’argumentaire des Marocains est simple : « C’est Alger qui déverse les terroristes sur le sol malien, et si encore il y a des rounds qui s’y multiplient, c’est parce que Paris le veut en fin de compte, persifle un diplomate chérifien.»
Eloigné de la Cedeao. Il faut noter que pour éviter la médiation d’Alger, les Marocains avaient proposé le Niger comme chef de file de la médiation. Mais, vu l’attitude d’IBK qui semble éloigné de la Cedeao, le Niger s’est déclaré non intéressé à un tel dossier à polémiques. Pour la petite histoire, les Nigériens, eux se rappellent, d’IBK autrefois candidat aux élections, mais opposé à l’intervention militaire, quand la diplomatie du Niger était en première ligne sur tous les fronts pour convaincre la diplomatie internationale de la nécessité d’une intervention militaire au Nord du Mali.
IBK a tardé. A la question de savoir que veulent les Français à Kidal, une source diplomatique confie que « depuis le déclanchement de la crise, beaucoup d’efforts ont été consentis afin de venir à bout de la crise malienne à temps. Déjà avec le pouvoir de la transition, tout était presque planifié. Mais le hic est que le régime IBK a tardé pour afficher sa volonté de poursuivre les efforts consentis. De 2013 à nos jours le régime à laissé la situation pourrir pour enfin s’inscrire à régler pacifiquement la crise après avoir dissuadé les rebelles par des menaces au lieu de les rassurer par des discours républicains conciliants.»
Communauté internationale. « L’unique chose que les Français attendent, ajoute la même source, est que le pouvoir central après s’être inscrit dans la logique de règlement pacifiquement à la suite du cessez-le-feu de mai, présente un cohérent et acceptable plan du développement du nord et de la réinsertion des combattants, le reste n’est pas difficile pour la communauté internationale qui est décidée à aller au bout du terrorisme qui mine la bande sahélo-saharienne.»
Il y a eu trop de bourdes et le Président que personne n’ose directement indexer reste l’unique maître du jeu. Et jusqu’à quand finira-t-on de vouloir faire croire au monde entier que ce sont les premier-ministres, les ministres et la communautés internationale qui sont à la base du blocage ?
Leçon malienne : Quand tu dors et que tu rêves que tu dors, il te faut te réveiller deux fois pour te lever. Autrement, le peuple malien, face à une horde de bandits surarmés venant de la Libye et motivés par des ennemis occidentaux, a longtemps été endormi. Dans son sommeil, il lui a été l’objet d’un autre sommeil tendant à lui offrir de meilleurs dirigeants. Ce fut un yabé. A qui la faute enfin ?
Haby Sankoré
Source: La Révélation