La mise sous mandat de dépôt de Bakary Togola, président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et président de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), accusé d’avoir détourné plus de 9 milliards de FCFA au préjudice de la dernière structure mentionnée et les révélations sur d’autres affaires concernant certaines représentations diplomatiques de notre pays ( Burkina Faso, Espagne ) par le bureau du vérificateur général ont apporté la preuve de l’ampleur de la corruption et de la délinquance financière dans notre pays. Mais d’autres dossiers sulfureux (achat de l’avion présidentiel, équipements militaires, avions de l’armée de l’air) attendent d’être traités par les juridictions compétentes. Des dossiers qui touchent de hauts responsables politiques et administratifs. Mais la justice aura-t-elle les mains libres ?
En début d’année, le président du Conseil national du patronat, lors d’une rencontre avec le Premier ministre, chef du gouvernement, n’avait pas hésité à dénoncer la corruption presque endémique qui règne au sein de l’administration publique.
Cette dénonciation du président du Conseil national du patronat du Mali corrobore le rapport (2013 et 2014) sur la corruption au Mali. Ce rapport a décelé un manque à gagner de 150 milliards de francs CFA pour le trésor public, à cause des pratiques de détournement et la mauvaise gestion. Quant au rapport 2015, il a relevé des manquements notoires dans les opérations de gestion des fonds publics et du patrimoine de l’État. Ces manquements ont entrainé des déperditions financières qui se chiffrent à 70,13 milliards de F CFA.
En outre, le patronat déplore le fait qu’au Mali, un système solidement établi de pot de vin sape les initiatives des opérateurs économiques, tirant par conséquent tous les jours vers le bas le développement économique de notre pays.
Le même constat accablant émane des différents rapports du BVG (2013 et 2014, 2015, 2016 2017) du Bvg remis au président de la République ; tous ont mis à nu une gestion catastrophique, ainsi qu’une corruption à ciel ouvert.
Ces rapports révèlent un trou de 153 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat malien engendré par une mauvaise gouvernance. Ce préjudice énorme à l’Etat se décompose comme suit : 80,21 milliards de F CFA dont 12,28 de fraude et 67,93 milliards de mauvaise gestion, au titre du rapport annuel 2013 et 72,97 milliards de F CFA dont 33,95 de fraude et 39,02 milliards de FCFA de mauvaise gestion, au titre du rapport annuel 2014.
Le Vérificateur général d’alors , Amadou Ousmane Touré, imputai ce chaos financier à des pratiques illégales qui ont pour noms la non-application à dessein des textes législatifs et réglementaires, la mauvaise gestion des dépenses effectuées au niveau des régies, la multiplication injustifiée des contrats simplifiés pour éviter les appels d’offres, la non-justification et la non-éligibilité de dépenses, la réception de biens non conformes aux commandes, l’octroi d’avantages injustifiés, la fabrication et l’usage de faux documents pour justifier des dépenses fictives, des manipulations des offres par les commissions de dépouillement et d’évaluation dans les opérations de passation des marchés publics, le non-reversement au Trésor Public de ressources collectées, et enfin de la réalité et de l’effectivité de certaines missions administratives.
Ambassades ou nids de voleurs ?
Ainsi dans son dernier rapport 2018, le bureau du vérificateur général fait état de plus de 1,3 milliard de F CFA détournés à l’ambassade du Mali au Burkina Faso. C’est ce qui ressort des enquêtes de vérification menées par le Bureau du vérificateur général. Ces faits sont survenus entre 2015 et 2018. Le premier concerné par cette affaire est l’actuel ambassadeur lui-même, précise le rapport individuel du Bureau du Vérificateur général. . Le responsable de la comptabilité de l’ambassade est aussi impliqué dans ce dossier de détournement de deniers et de biens publics.
D’après les éléments de vérification, il y a de très grosses irrégularités financières s’élevant à plus de 1,3 milliard de F CFA, dont plus de 800 millions au titre de la fraude. Le rapport indique que l’ambassade a payé plus d’un milliard de F CFA (1 264 050 299 F CFA) au profit de l’entrepreneur EGCOB/TD. Les paiements sont effectués, sans décomptes établis par l’entrepreneur ni d’acomptes par le maitre d’œuvre, mais sur la base de factures qui ne sont pas liquidées par l’ambassadeur. Elle a aussi constaté les remboursements par l’ambassade des emprunts contractés par EGCOB auprès de la Banque de l’Union du Burkina Faso (BDU-BF) pour un montant total de 412 256 519 F CFA au lieu d’un montant de 243 019 691 F CFA indiqué dans la lettre de EGCOB du 6 juillet 2017 et confirmé par la lettre de BDU-BF n°080/BDU/DG/DE/DA du 10 juillet 2017.
Selon le rapport, les transmissions et dénonciations de faits par le Vérificateur général au Procureur de République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et financier et au président de la Section des comptes de la Cour suprême sont relatives: à l’utilisation non justifiée du carburant acheté pour 23 452 160 F CFA, à les dépenses non autorisées sur les recettes de chancellerie pour un montant de 124 324 738 Fcfa, aux paiements irréguliers de 1 369 201 299 F CFA pour la construction de la chancellerie, aux chèques non justifiés émis et payés en faveur de certains membres du personnel de l’Ambassade d’un montant de 225 344 521 F CFA à les paiements non justifiés de frais scolaires d’un montant total de 64 530 000 Fcfa, aux paiements indus des indemnités de premier équipement d’un montant total de 7 500 000 F CFA, à des frais de mission non justifiés pour un montant de 9 373 120 Fcfa, aux paiements indus de loyers pour un montant total de 11 340 000 Fcfa, au paiement non justifié de 1 000 000 Fcfa représentant le prix de cession du véhicule reformé Toyota Fortuner.
Même soupçon d’irrégularités financières constatées dans la gestion de l’Ambassade du Mali en Espagne. Selon le rapport, les montants totaux des recettes et des dépenses sur la période sous revue s’élèvent respectivement à 2 300 285 160 F CFA et à 1 814 431 021 F CFA. Ainsi, les recettes se décomposent en transferts de fonds du Trésor Public pour 1 794 627 161 F CFA et en recettes de chancellerie et celles issues de la vente des timbres fiscaux pour 505 657 999 F CFA. De sa création à nos jours, l’Ambassade n’a fait l’objet d’aucune vérification par le Bureau du vérificateur général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié la présente mission.
La mission de vérification a indiqué que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne. Ainsi, il a été constaté que des postes ne sont pas pourvus. En effet, sur une prévision d’effectifs de 21 personnes, l’Ambassade du Mali n’en compte que 15. A titre illustratif, le poste de traducteur n’est pas pourvu. Par ailleurs, le premier Conseiller et l’Agent consulaire n’avaient pas encore pris service au moment de la vérification, bien que ceux-là aient été nommés suivant l’Arrêté n°2018-2513/ MAECI-SG du 16 juillet 2018.
Quant aux irrégularités financières, le rapport a souligné que le montant de celles-ci s’élève à 51 047 885 F CFA et elles se présentent comme suit : la modification irrégulière des rémunérations du personnel local, les modifications de salaire sans tenir compte des procédures budgétaires, le paiement des dépenses non éligibles, le paiement des dépenses indues de frais de restauration et d’hébergement tant pour le personnel de l’Ambassade que pour le personnel extérieur au service.
Sur les dénonciations et la transmission de faits par le Vérificateur général au Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et le président de la Section des comptes de la Cour Suprême, le rapport souligne que celles-ci sont relatives, notamment, à la prise en charge des frais de restauration indus du personnel de l’Ambassade pour un montant de 4 063 089 Fcfa ; à la prise en charge indue des frais de restauration et d’hébergement de la délégation du Ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile pour un montant de 1 927 320 F CFA ; au dépassement du coût d’acquisition d’un véhicule pour un montant de 5 298 225 Fcfa ; au paiement en l’absence de facture définitive et d’attestation de service pour un montant de 1 866 086 F CFA ; au double paiement de frais d’entretien pour un montant de 1 821 461 F CFA ; au paiement d’indemnités de déplacement indues pour un montant de 10 804 769 F CFA ; aux modifications irrégulières de rémunération du personnel local pour un montant de 25 266 935 Fcfa.
Des Boucs émissaires ?
Que fait-on de ces différents rapports ?, Ils ne semblent pas produire de grands effets, dans la mesure, où aucun responsable présumé de ces malversations n’a répondu de sa gestion devant une instance judiciaire, malgré les beaux discours des plus hautes autorités.
Plus d’un Malien est aujourd’hui écœuré de constater que la corruption à ciel ouvert bat son plein sous le régime actuel. À son arrivée au pouvoir, le chef de l’État actuel avait officiellement déclaré que ‘’nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat’’. Mieux encore, il a dédié l’année 2014 comme celle de la lutte contre la corruption au Mali. Du vent !
Malheureusement, cette pratique reste encore une gangrène, si l’on en croit aux nombreuses dénonciations.
Donc au-delà du signal fort donné avec l‘interpellation et la mise sous mandat de dépôt de Bakary Togola, de nombreuses autres affaires (l’achat de l’avion présidentiel, l’équipements de l’armée et achat d’avions militaires), mises sur la place publique mais rangées sous le boisseau par un régime indexé à l’intérieur et à l’extérieur par des observateurs
Il ne saurait en être autrement car la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est devenu désormais un enjeu vital pour le Mali. Du vent !
Les partenaires au développement exigent en plus des sanctions judiciaires contre les personnes reconnues coupables de malversations La justice malienne elle-même, mise à l’index par l’opinion nationale et de plus en plus à l’étranger, devra faire preuve ‘’d‘indépendance’’ et ‘’d’impartialité ‘’ pour retrouver sa crédibilité. Alors jusqu’où ira la justice dans le traitement des autres casseroles ? De gros poissons seront-ils pris ? Cherche-t-on à amuser la galerie avec l’arrestation de… boucs émissaire ? L’opinion s’interroge.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube