Le « US-Africa Business Summit », qui se tenait en fin de semaine dernière Botswana, a permis à Washington de montrer sa volonté de coopération avec le continent, également courtisé par la Chine et la Russie. Les discussions autour du renouvellement de l’accord commercial AGOA sont l’occasion de resserrer les liens.
« Comme le président Biden l’a dit, nous sommes à 100 % avec l’Afrique, et je suis ravi de vous annoncer que tenons parole quant à cette promesse. » Devant un parterre de représentants du monde des affaires américains et africains, rassemblés au sein du centre de conférence de Gaborone, Judd Devermont, conseiller Afrique à la Maison Blanche, a tenu à énumérer les avancées effectuées depuis le Sommet de Washington de décembre dernier, lorsque le Président américain s’était engagé à renouer avec l’Afrique .
« Il y a déjà eu neuf visites de haut niveau, de membres du Cabinet, mais aussi de la vice-présidente et de la Première dame » précise Judd Devermont en interview, pour appuyer ses propos. « Et les chiffres ont aussi augmenté en termes d’investissements : lors du sommet, nous avions annoncé qu’il y aurait 15,7 milliards de dollars d’engagement du secteur privé, et nous sommes maintenant à 16,2 milliards. Donc l’argent circule bien, et on entend continuer ainsi, pour démontrer notre volonté de faire avancer ce partenariat renouvelé avec le continent. »
Signe ultime de ce regain d’intérêt : le président Joe Biden devrait aussi prochainement se déplacer en Afrique, alors que la dernière visite présidentielle remonte à l’époque de Barack Obama.
Continent courtisé
Plusieurs leaders du continent avaient fait le déplacement à l’invitation du Botswana, à l’image de Filipe Nyusi du Mozambique, Mohamed Bazoum du Niger, ou encore Emmerson Mnangagwa du Zimbabwe – bien que son pays soit sous le coup de sanctions américaines.
L’opération séduction des Etats-Unis intervient juste avant le forum Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg à la fin du mois, ainsi que le sommet des BRICS prévu à Johannesburg en août et où ont été invités tous les leaders africains. Le continent se fait donc courtiser, et les Etats-Unis courent loin derrière la Chine du point de vue des relations commerciales, avec trois fois moins d’échanges en termes de valeur.
Toutes les agences américaines sont, de ce fait, mobilisées pour lancer de nouveaux partenariats, de Prosper Africa, qui accompagne les investisseurs, à l’Agence pour le commerce et le développement (USTDA), en passant par la Development Finance Corporation (DFC), qui propose des solutions financières. Cependant des freins existent encore au sein du secteur privé américain, notamment « la perception de l’Afrique, qui est toujours rattachée à la notion de risque » comme le regrette Joseph Boateng, directeur des investissements pour la fondation Casey Family Programs.
L’avenir de l’AGOA
Autre question restée en suspens : quel sera le futur de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) ? Cette loi, qui organise un accès préférentiel au marché américain pour certains produits africains, remonte à l’an 2000. Prorogée de dix ans en 2015, elle arrivera à expiration en 2025. Si le président du Botswana, Mokgweetsi Masisi, a plaidé pour une extension, d’autres espèrent sa transformation, puisqu’il a surtout profité à un petit nombre de pays, avec, en tête, l’Afrique du Sud, qui a exporté pour près de 3 milliards de dollars en 2021.
Les Etats-Unis n’hésitent pas à également utiliser cette loi comme arme politique, puisqu’en ont déjà été exclus certains pays, comme le Mali, la Guinée, l’Ethiopie, ou tout récemment le Burkina, en raison des violations des droits de l’homme et des changements constitutionnels. L’Afrique du Sud court, de même, le risque de devenir à son tour inéligible cette année, du fait de ses liens avec la Russie , et de son statut de pays à revenu intermédiaire.
« Le monde a changé, et nous avons aussi changé ces 20 dernières années » reconnaît Osvaldo Gómez Martínez, adjoint aux affaires africaines du Bureau du représentant américain au commerce (USTR), à propos de l’AGOA. « Il faut que l’on aille au-delà des lois commerciales traditionnelles et que l’on innove en termes de nouveaux partenariats économiques internationaux. »
Washington doit, de plus, s’adapter à la création d’une zone de libre-échange africaine, la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine), et répondre aux demandes de transferts de technologies pour des pays qui ne souhaitent plus être de simples exportateurs de matières premières. Que les partenariats se fassent à l’avenir avec les Etats-Unis ou la Chine, l’important, selon Ejike Egbuagu, à la tête de la société de financement Moneda située au Nigeria, c’est « qu’ils soient davantage collaboratifs, avec des capitaux injectés, mais aussi des technologies, et des compétences », afin de développer des produits à valeur ajoutée.
Claire Bargelès (Correspondante à Johannesburg, envoyée spéciale à Gaborone (Botswana))
Source: https://www.lesechos.fr/