Suivre les méandres de la politique afghane des Etats-Unis est une gageure. Après un départ chaotique du pays, fin août 2021, laissant revenir des talibans qu’ils avaient chassés du pouvoir vingt ans plus tôt, ils avaient promis une ligne dure face au régime des mollahs. Ils ont, ainsi, gelé, le 11 février, 7 milliards de dollars (même montant en euros) d’avoirs de la banque centrale afghane, qui se trouvaient sur leur sol. Leurs drones armés ont tué, le 31 juillet, Ayman Al-Zawahiri, chef d’Al-Qaida, au cœur de Kaboul. Washington estimait, enfin, que tout soutien, autre que l’humanitaire d’urgence, serait une amorce de reconnaissance politique en faveur d’un gouvernement islamiste mis au ban des nations.

Mercredi 14 septembre, l’administration américaine, par la voix du département d’Etat et de celui du Trésor, a décidé d’adoucir sa politique à l’égard des nouveaux maîtres du pays. Elle a annoncé la création du Fonds afghan, basé à Genève, en Suisse, destiné à recevoir la moitié des actifs de la banque centrale d’Afghanistan bloqués aux Etats-Unis, soit 3,5 milliards de dollars.

Cette structure assumera les fonctions de banque centrale bis. Son conseil d’administration sera composé de deux économistes afghans nommés par Washington, Anwar Ahady, ancien ministre du commerce et de l’industrie et ancien directeur de la banque centrale afghane, et Shah Mehrabi, professeur d’économie au Montgomery College (Maryland) et ancien membre du conseil d’administration de la banque centrale. Ils seront entourés d’un représentant du gouvernement américain et d’un homologue suisse.

Le Fonds afghan disposera d’un compte auprès de la Banque des règlements internationaux (BRI) et financera l’accès des banques afghanes au système de paiement international Swift. Le gouvernement taliban n’aura pas accès à ce fonds. La BRI a, dès mercredi, déclaré que son rôle se « limit[ait] à la fourniture de services bancaires et à l’exécution des instructions du conseil d’administration du fonds sans implication dans la gouvernance ou la prise de décision [de celui-ci] ».

La prudence de la BRI fait écho à une décision très politique. Pour la secrétaire d’Etat adjointe, Wendy Sherman, « [avec ce fonds,] les Etats-Unis et leurs partenaires font un pas en avant important et concret en veillant à ce que des ressources supplémentaires puissent être mobilisées pour réduire les souffrances et améliorer la stabilité économique du peuple afghan, tout en continuant à demander des comptes aux talibans ».

La France maintient une ligne dure

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