Guidée par un homme de réseaux en Afrique, familier des coups politiques, la leader d’extrême droite a pu rencontrer, en janvier, Macky Sall, qui a demandé la discrétion. Et visité deux géants agricoles, détenus par… des Français.
C’était un coup à moitié réussi, mais un coup quand même. Le 18 janvier, Marine Le Pen rencontrait Macky Sall, le président du Sénégal, dans son palais présidentiel de Dakar, point d’orgue d’une visite de trois jours. La séquence est passée complètement inaperçue : un seul média, Le Point, était informé et la France préparait la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Le service après-vente était aussi délicat : Macky Sall a refusé qu’une photo de l’audience soit diffusée ou de commenter l’entretien.
Mais pour la présidente du groupe du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale, toujours en quête d’une stature internationale en vue d’une quatrième candidature à l’élection présidentielle, le simple fait de pouvoir revendiquer un échange en tête à tête avec le chef d’Etat d’un pays ami valait reconnaissance de son statut de première opposante. Mme Le Pen a aussi rendu visite à des entreprises, à un hôpital et aux forces françaises, et tenu son discours de rupture avec la « Françafrique », un programme proche de celui de son voyage au Tchad, en 2017. Retour sur les coulisses de ce séjour au pays de la Teranga, qui collent mal avec son soutien revendiqué au « souverainisme africain » et la fin de l’ingérence française.
L’entremetteur : Philippe Bohn, « l’agent d’influence », sort de l’ombre
Philippe Bohn tient à ce qu’on connaisse le chiffre : vingt-deux. C’est le nombre de chefs d’Etat en exercice dans son répertoire téléphonique, en grande partie africains. Si Marine Le Pen l’emportait en 2027, cela ferait vingt-trois, et lui se verrait bien entrer à l’Elysée en tant que « M. Afrique ». Pour l’accompagner dans l’élaboration de sa politique africaine, Marine Le Pen s’est entourée d’un fin connaisseur du continent, qui rejoint là sa véritable famille politique. Philippe Bohn, qui se définit comme « un patriote libertaire », a d’abord accompagné la destinée du Parti républicain (PR), le mouvement libéral d’Alain Madelin et Gérard Longuet ; deux amis qui ne souhaitent pas s’exprimer sur son passage à l’extrême droite, eux qui firent le chemin inverse cinquante ans plus tôt.