Les prix sont en général en baisse par rapport à la moyenne des cinq dernières années et les stocks disponibles sont abondants
Amadou Sékou Diallo, 41 ans, est un ingénieur agronome. Silhouette élancée, le jeune cadre habite un petit quartier dans la périphérie de Bamako. Depuis bientôt trois mois, il économise une partie de son salaire afin de préparer le mois de carême. Notre agronome confie, avec une pointe de fierté, avoir réuni la quantité suffisante de denrées alimentaires de première nécessité pour passer le mois béni.
Comme lui, ils sont nombreux les chefs de famille qui entreprennent de constituer des stocks familiaux afin d’éviter les spéculations, souvent injustifiées, sur les prix des produits de première nécessité. Des spéculations presque inévitables à la veille et durant tout le mois de carême.
La nécessité de contrer ce phénomène récurrent a incité le ministre du Commerce et de l’Industrie, Abdoul Karim Konaté, à convoquer lundi une réunion du Conseil national des prix. C’était en présence du directeur national du commerce et de la concurrence, Modibo Keïta, des membres du conseil et des représentants des organisations de la société civile.
La rencontre se proposait de discuter avec tous les acteurs concernés de l’état d’approvisionnement du pays en produits de première nécessité. Le ministre Konaté entendait évaluer le stock de produits disponibles sur le marché et apprécier la conformité des prix pratiqués, en fonction notamment de l’offre des denrées et de la demande des consommateurs.
Sur la base des informations collectées auprès des grossistes durant une période d’observation allant du 25 avril au 1er mai, le directeur national du commerce et de la concurrence a présenté un tableau rassurant de l’état d’approvisionnement du pays en denrées de première nécessité. Modibo Keïta assure ainsi que « les prix sont en général en baisse pour la moyenne des cinq dernière années et les stocks disponibles sont satisfaisants ».
Le kilogramme du riz brisé importé de grande consommation, note Modibo Keïta, est vendu au détail entre 320 et 375 Fcfa/kg. Quant au riz local, son prix varie entre 350 et 450 Fcfa/kg. Les stocks grossistes dans les capitales régionales et dans le district de Bamako sont de 51 976 tonnes. « Il existe 120 tonnes de riz sous douane. Les stocks, au niveau des ports de transit, sont évalués à 17 659 tonnes », a-t-il souligné. Modibo Keïta comptabilise un total de 59 676 tonnes de riz disponibles sur le territoire national. Ce stock, supérieur au seuil d’alerte évalué à 43 676 tonnes, couvre 25 jours de consommation.
Le kilogramme de sucre, l’une des denrées les plus prisées pendant le carême, est cédé entre 375 et 500 Fcfa. Selon le directeur national du commerce et de la concurrence, les stocks grossistes, dans les capitales régionales et le District de Bamako, sont estimés à 34 739 tonnes. Les réserves aux ports s’élèvent à 20 138 tonnes. Les stocks de sucre disponibles sur le territoire national se chiffrent à 117 600 tonnes, dont 82 861 tonnes produites par les unités industrielles (34 204 tonnes de Sukala-SA, 45 052 tonnes de N-Sukala-SA et 3 605 tonnes des Moulins modernes du Mali), et couvrent 254 jours de consommation nationale. Les stocks sont largement supérieurs au seuil d’alerte fixé à 20 642 tonnes par mois.
Autre produit sensible : lait en poudre. Il coûte, en ce moment, de 2 200 à 3 000 Fcfa le kilogramme. Les grossistes, dans les capitales régionales et le District de Bamako, en détiennent 582 tonnes. Les stocks sous douane sont évalués à 1 269 tonnes. Le stock recensé sur le territoire totalise 1 851 tonnes et couvre 24 jours de consommation. Dans ce cas aussi, on est loin du seuil d’alerte évalué à 744 tonnes par mois.
La situation physique est encore meilleure pour l’huile alimentaire dont le litre au détail coûte entre 600 et 800 Fcfa. Les grossistes en ont 1 222 tonnes en stock et les unités industrielles 948. Ces tonnages s’ajoutent aux 17 854 tonnes du stock sous douane, a détaillé Modibo Keïta. Le total de 20 024 tonnes correspond à 74 jours de consommation nationale et se situe loin du seuil d’alerte de 2 532 tonnes par mois.
Idem pour la farine de blé (250 à 450 Fcfa/kg) dont les stocks grossistes (commerçants des chefs lieux des régions et stocks au niveau des cercles) sont estimés à 606 tonnes. Il y a 7 356 tonnes de farine de blé sur le territoire, dont 6 75 tonnes au niveau des unités industrielles. Ce stock couvre 63 jours de consommation nationale et s’avère supérieur au seuil d’alerte de 699 tonnes par mois, a relevé le directeur national du commerce et de la concurrence.
La tendance est moins favorable sur la viande avec os vendue entre 1 800 et 2 500 Fcfa/kg. C’est l’un des rares produits en hausse (15%) par rapport à la moyenne (1748 Fcfa/kg) des cinq dernières années. Modibo Keïta a cependant salué les efforts consentis par les acteurs de la filière bétail-viande et l’accompagnement du ministre du Commerce et de l’Industrie. Ces soutiens ont, à son avis, maintenu le prix du kilogramme de viande de bœuf avec os et sans os respectivement à 2 000 et 2 300 Fcfa sur le plupart des marchés de Bamako.
S’appuyant sur cette présentation rassurante pour les ménages, le ministre Konaté a jugé que « rien ne peut et saurait justifier la hausse des prix de ces produits dont l’offre est pour la plupart supérieure à la demande ». Il a cité l’exemple du sucre très consommé pendant le mois de carême. Les compagnies sucrières Sukala-Sa (Dougabougou) et N-Sukala (Bèwani), a noté Abdoul Karim Konaté, disposent de stocks de 70 000 tonnes qu’elles cèdent aux grossistes à 400 000 Fcfa/tonne, soit 400 Fcfa/kg. Ces grossistes doivent ajuster leurs prix pour permettre aux détaillants de vendre ce sucre à 450 Fcfa le kg au client ordinaire.
Le ministre du Commerce et de l’Industrie a demandé à la direction nationale du commerce et de la concurrence de surveiller les prix et les stocks disponibles pour empêcher toute rétention débouchant sur une spéculation injustifiée.
Le directeur national du commerce a annoncé qu’un comité de veille est déjà installé et à pied d’œuvre pour contrôler le marché. Cette commission, a, précisé Modibo Keïta, se réunit une fois par mois pour jauger l’état d’approvisionnement du marché, vérifier qu’il n’y a ni spéculation sur les prix, ni rétention des stocks. Si le marché s’emballe, le comité de suivi en analysera les causes pour dégager des solutions. Il peut aussi alerter le gouvernement afin qu’il régule les prix et corrige les déséquilibres.
C. M. TRAORE
Source : L’ Essor