Handicapé depuis ma naissance, je n’ai jamais connu cette joie qu’on pourrait ressentir en étant debout. J’ai toujours été dans un fauteuil roulant. Je n’ai jamais pu jouer au football, bien que ce soit mon sport préféré. Mon idole, c’est Didier Drogba. Je sais tout de lui, dans les moindres détails. Les murs de ma chambre sont couverts de ses posters.
À vingt-cinq ans, je vis encore chez mes parents. Ma famille m’a toujours donné de l’amour. Je n’ai jamais été rejeté, malgré mon état. Très vite, ma famille m’a permis de me prendre en charge. Après la classe de Seconde, je me suis lancé dans la vente de téléphones portables. J’avais un petit magasin situé devant une grande école, qui m’apportait satisfaction. Je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur mon sort. J’ai toujours accepté mon handicap. Tous les matins, avant d’aller au magasin, je prends soin de moi. Je porte des vêtements propres, et à la mode. La plupart des personnes qui me rencontrent pour la première fois, ont la même réaction : «Cet handicapé dans son fauteuil roulant est beau, oh !». Cette phrase, je l’entendais tout le temps.
La situation géographique de mon magasin m’a permis d’avoir des amis étudiants. La plupart d’entre eux achetaient des portables chez moi. Un jour, je suis tombé sous le charme d’une étudiante. Elle s’appelait Pascaline. Elle était, selon moi, la plus belle des filles de l’établissement. Je passais des heures à la regarder, sans avoir le courage de l’aborder. Je me disais qu’elle n’acceptera pas de sortir avec quelqu’un, comme moi, qui ne pourra jamais se tenir debout sur une piste de danse.
Pascaline et ses amies venaient quelques fois dans mon magasin pour bavarder avec moi et admirer mes appareils. Elles parlaient souvent de leurs petits amis, en ma présence. Cela me fendait le cœur. C’est lorsque je suis tombé amoureux de Pascaline que j’ai commencé à ressentir mon handicap. J’en voulais à tous, même à ma mère pour m’avoir accouché handicapé…
Mais, Pascaline m’aimait, malgré mon handicap et pour réussir notre projet de mariage, pendant six mois, elle vécut cachée loin de ses parents. De mon coté, je restais très prudent afin que l’on ne découvre pas sa cachette, car je savais que j’étais régulièrement épié. C’est lorsque sa grossesse a atteint huit mois que Pascaline est retournée en famille. Malgré la colère de ses parents, il n’y avait plus rien à faire. La grossesse était presque à son terme. La mère de Pascaline ne lui adressait plus la parole. Son père, lui, fut plus diplomate : il suggéra qu’elle me rende l’enfant après l’accouchement, et qu’elle parte pour le Canada afin d’y achever ses études. Pour calmer les esprits, Pascaline a accepté. Elle a accouché d’un garçon que nous avons appelé Marc.
Sa famille n’a jamais accepté que je rende visite à Pascaline, chez elle. Ils la tenaient enfermée. Lorsque l’enfant a eu six mois, un matin, j’ai reçu la visite de sa mère qui m’a demandé de m’occuper de lui, car Pascaline devait partir au Canada pour toujours. J’ai récupéré l’enfant, en pleurs. Je l’ai confié à ma mère. J’avais peur que ce soit vraiment la fin de la belle histoire. Mais, le lendemain, Pascaline m’a rendu visite, la nuit. Nous avons fait l’amour intensément, puis nous avons décidé de nous marier et d’aller vivre loin. Avec notre enfant, nous nous sommes installés dans une autre Commune pendant un an. Seule, ma mère savait où nous étions. Elle nous assistait de temps à autre. Nous avions commencé une nouvelle vie et nous étions heureux. Nous allions régulièrement à l’église pour confier notre vie à Dieu. Notre fils grandissait, lorsque nous avons décidé de nous unir devant Dieu et devant les hommes. Pascaline et moi avons voulu que ce soit quelque chose de simple. Nous nous sommes mis d’accord pour n’informer ses parents que la veille, car nous craignions qu’ils nous empêchent, une fois de plus, de réaliser nos projets.
Contre toute attente, la veille du mariage, Pascaline n’arrivait pas à sortir du lit. Elle se plaignait de violents maux de tête. Je l’ai transportée à l’hôpital, mais les médecins n’ont rien pu contre cette étrange douleur. Pascaline rendit l’âme en me tenant fermement la main. Avant de mourir, elle m’a dit : «Ma mère m’avait toujours dit qu’elle me préférait morte plutôt que de me voir unie à un handicapé. Et je crois qu’elle a agi. Je ne survivrai pas à ce mal de tête. Occupes-toi bien de notre fils». Puis, une fine larme s’est mise à couler le long de sa joue. Quelques minutes après, elle a poussé son dernier souffle. Je venais de perdre la plus belle chose de ma vie et de vivre ma plus belle preuve d’amour. Lorsque sa famille fut informée de la tragédie, elle porta plainte contre moi, m’accusant de meurtre, séquestration et que sais-je encore ? Et j’ai été arrêté. Selon elle, je devais mourir en prison, car, par ma faute, elle et son mari avaient perdu leur fille. Ils s’acharnèrent plus sur moi, qu’ils ne pleurèrent la mort de leur fille. Finalement, j’ai été relâché, faute de preuve, mais interdit d’assister aux obsèques de ma dulcinée.
Cela fait trois années que Pascaline m’a quitté. Le plus beau cadeau que j’ai d’elle, est Marc, notre fils unique. Jamais, aucun membre de sa famille ne l’a réclamé. Aujourd’hui, plus qu’hier, je suis persuadé que Pascaline n’est pas morte d’une maladie naturelle. Sa famille y est sans doute pour quelque chose, elle qui n’a jamais accepté notre union…
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