Ce 4 septembre Ibrahim Boubacar Keita fêtera l’anniversaire de son investiture en tant que troisième président démocratiquement élu de notre pays depuis la date-rupture du 26 mars 1991. Deux semaines plus tard, il pouvait s’enorgueillir de recevoir au Stade du même nom une bonne dizaine de leaders dont le Roi du Maroc, les présidents de France, du Tchad et de Tunisie, pour parler des « non-régionaux ». Un événement historique à la dimension du score -77%- qui a porté le candidat Ibk à la tête du pays, et cerise sur le gâteau, après la visite de son rival malheureux Soumaila Cissé, venu féliciter le vainqueur jusqu’à la résidence de celui-ci. Un an plus tard, ce serait un mensonge criminel si les rapports qui lui sont faits, le donnaient encore pour le chouchou du pays, du moins de la capitale.
LES LIGNES ONT BOUGE hélas dans le sens qu’aucun patriote sincère ne saurait souhaiter. Parce que le pays tentait de se relever : il n’était pas encore debout ; parce que même si le 4 septembre 2013 envoyait le signal d’un pays sur le retour, le Mali restait convalescent ; parce que même si le jargon des résolutions insistait sur la souveraineté et l’intégrité nationales, la solidarité sans précédent qui a sauvé le Mali impliquait une forme de résidence surveillée. Et heureusement ! Car, en même temps que d’un contrôle citoyen velléitaire, nos malheurs en 2012 résultaient d’une gouvernance à l’égard de laquelle nos partenaires, à force de vouloir une « success story » les consolant des désastres vécus ailleurs, se seront montrés condescendants. Sans doute, le président Keita qui a normalement les plus larges oreilles du pays, ne se fait plus aucune illusion lui-même. L’état de grâce est bien fini et fini depuis plusieurs mois déjà. Il n’y a pas à s’en réjouir pour la bonne et sérieuse raison que le pays est en train de reconstruire son processus démocratique et que les réussites du président sont celles de tout le pays. Mais la réalité est implacable : nos partenaires fulminent ; le trésor public est sous extrême tension ; les travailleurs grognent ; les opérateurs économiques s’indignent ; malgré les pourparlers en cours, le Nord où, ironiquement, l’Etat a encore plus reculé depuis le 21 mai dernier, n’est pas encore réglé. D’ailleurs, un fait résume toute la détresse : que ce soit le chef de l’Etat lui-même qui va au charbon sur le dossier de l’Untm, et ce, après la grève d’avertissement bien suivie de ce syndicat.
QU’ARRIVE T-IL DONC AU PRESIDENT ? Rien d’autre que l’obsession des « hassidi » et autres prophètes de malheurs à noircir un bilan honorable ? Dans un pays où personne n’aime l’autre, il ne faut pas se faire d’illusions : certains souhaitent au président d’échouer sur toute la ligne. Mais les clameurs qui s’entendent et auxquelles il sied de prêter attention, viennent, en grande partie, du peuple qui l’a plébiscité, voici un an. Et elles naissent des décalages entre la demande et l’offre, le discours et la réalité, les chantiers et les compétences, la gouvernance et le changement. Deux exemples : le président a dit le 22 septembre qu’il est hors de question qu’on vienne lui parler de fraude ou de fuite aux examens. Jamais on a n’en a autant parlé qu’en 2014. Dans sa lettre de cadrage à son second Premier ministre, il a instruit la conception et la présentation, dans les plus brefs délais, du Plan du Mali émergent. On ne l’a toujours pas, or rien ne mobilise autant un peuple que les grands projets. L’an 2 de l’investiture frappe à la porte. Ibrahim Boubacar Keita doit avoir appris des erreurs de l’an 1. Avec l’humilité qu’il convient et de la manière qu’il a présenté ses excuses émues à ses collaborateurs à l’occasion de l’Aid el Fitr, il a l’opportunité d’un échange franc et remobilisant avec son peuple et nos partenaires. Et de s’assurer que c’est bien fini le temps des faux gourous, des conseillers toxiques, des compétences douteuses. En somme, le temps du sursaut et ce pays en est bien capable.
Adam Thiam