Mokhtar Belmokhtar est bien vivant. C’est en substance le message qu’a voulu faire passer le groupe Al-Mourabitoun — qui a fait allégeance à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) — en diffusant jeudi 19 mai une série de textes attribués à l’émir algérien, dans lesquels il appelle les Marocains et les Algériens à se soulever contre leurs régimes, les Mauritaniens à rejoindre les djihadistes qui combattent dans l’Azawad (le nord du Mali) et les Egyptiens à embrasser le djihad Al-Mourabitoun, exprimant là pour la première fois un intérêt pour l’Egypte.
Tous ces messages sont signés par le « commandant Khaled Abou Al-Abbas » (le nom de guerre de Belmokhtar), avec la mention « qu’Allah le protège » : le groupe voulant signifier par là que son chef est encore vivant.
En juin 2015, près d’Ajdabiya, en Libye, Mokhtar Belmokhtar avait été visé par des F15 américains, mais sa mort, démentie par les groupes djihadistes locaux puis par Al-Mourabitoun, n’a jamais été confirmée par le Pentagone.
Une vidéo sur les réseaux sociaux
Au début du mois de mai, il serait d’ailleurs apparu brièvement en compagnie de djihadistes libyens dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Mais la séquence ne donne aucune indication de la date à laquelle le chef djihadiste aurait été filmé. La série de messages de cette semaine attribués à l’Algérien ne permet pas non plus de lever le voile sur le sort réel de Belmokhtar.
En novembre 2015, janvier et mars 2016, le groupe Al-Mourabitoun, seul ou associé à d’autres réseaux d’AQMI, a été à l’origine de trois attaques qui ont visé l’hôtel Radisson Blu de Bamako, au Mali (22 morts), Ouagadougou, au Burkina Faso (30 morts), et la plage de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire (22 morts).
Regain d’activités
Cette « réapparition » de Mokhtar Belmokhtar survient alors que la Mali connaît un regain d’activités djihadistes. Le 18 mai, cinq casques bleus tchadiens ont été tués et trois autres grièvement blessés dans d’une embuscade tendue par Ansar Dine, l’autre groupe djihadiste d’importance de la région, dans le nord-est du Mali, où le déploiement des Nations unies est le plus coûteux en vies humaines depuis vingt ans.
Le 12 février, c’est une attaque contre sa base de Kidal, dans la même région, qui avait coûté la vie à sept casques bleus guinéens. Action revendiquée par le même groupe, dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly.
Ansar Dine a officialisé, le 18 mai, sa présence dans le centre et le sud du Mali à travers sa « katiba du Macina », une franchise « peule » — Ansar Dine étant à l’origine un groupe essentiellement touareg — anciennement appelée Front de libération du Macina (FLM), qui a diffusé sa première vidéo de propagande.
Le terme de « Macina » renvoie à un empire peul du XIXe siècle qui s’étendait sur une partie du Mali actuel, et son utilisation par les djihadistes d’Ansar Dine marque leur volonté de mettre en avant une dimension locale à leur combat, et aussi de se poser désormais comme le groupe — hors AQMI — fédérant toute la mouvance djihadiste au Mali.
AQMI, Al-Qaida et Ansar Dine
Formée en 2015 sous l’appellation FLM, la katiba Macina compterait autour de deux cents combattants, essentiellement autour de la ville de Mopti. Et si les djihadistes locaux se gardent bien d’évoquer un lien officiel avec AQMI, l’un de leurs chefs, Amadou Pouffa, un prêcheur radical originaire de la région de Mopti, a combattu aux côtés d’Al-Qaida en 2012 lors des offensives du réseau djihadiste dans le nord du pays.
En janvier, le chef d’Al-Qaida au Sahel, Abou Hamam, alias « Okacha », avait d’ailleurs réaffirmé l’alliance formée par AQMI avec le groupe Ansar Dine et ce qui s’appelait alors le FLM en soulignant le « travail complémentaire » et le « même but » que poursuivaient les trois groupes.
Affaiblis par trois ans d’intervention militaire française, ils ont vu la plupart de leur encadrement décapité et sont « contraints de se regrouper », avait déclaré en janvier une source militaire française au Monde. Mais aussi d’élargir la zone géographique de leurs opérations. La katiba Macina a ainsi mené plusieurs attaques le long des frontières du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire ces derniers mois.