« Et tuez-les où que vous les rencontriez. » Dans une mise en scène ultraviolente de dix-sept minutes, l’organisation Etat islamique (EI) a publié, dimanche 24 janvier, la revendication posthume – entrecoupée d’assassinats de prisonniers de l’EI en Syrie – de neuf des dix membres présumés du commando qui a perpétré les attentats à Paris et à Saint-Denis le 13 novembre : quatre Belges, trois Français et deux Irakiens.
Si les identités des hommes qui y apparaissent sont confirmées, cette vidéo non datée est la première preuve que les auteurs des attaques terroristes qui ont fait cent trente morts et plus de trois cents blessés ont bien été envoyés de Syrie. Outre la glorification des attaques, la vidéo formule des menaces d’ordre général contre la France et François Hollande, et fait un lien direct entre les frappes internationales contre l’EI et les actes terroristes en Europe.
« Nous avons été dans vos pays, nous allons vous massacrer dans vos maisons. » « Vos gouverneurs ne pourront pas vous défendre ni à l’intérieur de vos pays ni à l’extérieur. Plus de septante pays combattent l’Etat islamique, ils n’y arriveront pas, vous n’y arriverez pas », proclame dans un français souvent hésitant Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attentats, tué lors de l’assaut mené par les forces de police à Saint-Denis, le 18 novembre.
« Nous avons ordre de vous tuer partout »
Dans un paysage de steppe balayée par le vent, sept des assaillants sont présentés face à la caméra, seul ou par deux, avec des prisonniers en combinaison orange qu’ils assassinent après avoir professé des menaces contre la France. Comme un acte fondateur préfigurant leur équipée sanglante en France.
« Sachez que nous avons reçu un ordre de l’émir des croyants, de vous tuer partout où vous êtes », lance le Français Ismaël Omar Mostefaï, en référence à Abou Bakr Al-Baghdadi, chef de l’EI. L’homme qu’il assassine a été identifié comme un militant de l’opposition syrienne par le réseau « Rakka se fait massacrer en silence » (Raqqa Is Being Slaughtered Silently, RBSS), un réseau d’activistes anti-EI.
La vidéo montre aussi le plus jeune membre du groupe, le Franco-Belge Bilal Hadfi, 20 ans, décapiter un homme, puis Samy Amimour, souriant, la tête d’un captif entre les mains. Le premier était l’un des kamikazes du Stade de France ; le second, un ancien employé de la RATP originaire de Drancy, qui a participé à l’attaque du Bataclan. Les deux autres hommes qui ont fait exploser leurs ceintures explosives devant le Stade de France le 13 novembre, qui portaient des passeports syriens et dont l’identité n’a pas été établie, sont présentés comme irakiens dans la vidéo, comme précédemment dans Dabiq, organe de propagande en anglais de l’organisation djihadiste. Ils s’expriment dans la vidéo dans un arabe parlé dans la région.
Séjour en Syrie
Le Franco-Belge Brahim Abdeslam, le kamikaze du Comptoir Voltaire, n’apparaît pas dans cette mise en scène macabre, ni Abdelhamid Abdaaoud. Abdeslam est filmé à part en train de s’exercer au tir dans ce qui a été identifié par RBSS comme une ancienne base de l’armée syrienne dans les environs de Rakka, ce qui confirme qu’il a effectué un séjour en Syrie.
Enfin, la mauvaise qualité, comparée au reste du document, de la séquence dans laquelle Abdelhamid Abdaaoud apparaît (dans une pièce fermée, avec un drapeau de l’EI en fond) laisse penser que ce dernier était déjà en Europe à la date à laquelle la vidéo a été réalisée.
Aucune indication, par contre, sur le sort de Salah Abdeslam, dont l’EI passe la participation aux attentats sous silence. On a perdu la trace du seul membre survivant du commando le lendemain des attentats du 13 novembre, à Bruxelles, après qu’il se fut enfui de la capitale française dans la nuit, aidé par deux de ses amis du quartier bruxellois de Molenbeek.
Réagissant à la diffusion de la vidéo, qui comporte un montage mettant en scène sa « décapitation », le président François Hollande, en visite à New Delhi, a déclaré lundi aux journalistes qu’« aucune menace ne fera douter la France », et a justifié la prolongation de l’état d’urgence qui sera examinée en conseil des ministres le 27 janvier : « Nous ne céderons en rien, ni sur les moyens de défendre notre pays ni sur les libertés. »
Source: lemonde