Dans l’histoire politique du Togo, ce scrutin se révèle le plus drôle du point de vue de l’organisation. De la Commission Electorale Nationale Indépendante non constituée au corps électoral anecdotique en passant par l’impressionnant boycott de la population, il n’y a rien si ce n’est de la farce électorale lorsqu’on y ajoute la comédie des observateurs électoraux.
Faure tout heureux face aux chiffres bizarres de Kadanga
Le jour du vote, le constat est général. Le pays était désert pour deux raisons notamment le boycott de la C14 et le communiqué du ministre de la Sécurité interdisant toute circulation interurbaine. Bien entendu, le taux de participation est devenu le principal enjeu pour certains observateurs. La C14 en premier « constate que sur toute l’étendue du territoire national, son mot d’ordre a été massivement suivi. Le taux de participation ne peut dépasser 5% ».
La CENI en conférence de presse le vendredi 21 décembre avance 59,96% de taux de participation. Pour le Président de la CENI Kodjona Kadanga, les taux de participations provisoires partiels par circonscription électorale se déclinent comme suit : TôneCinkassé (80%), KpendjalKpendjal Ouest 84,91%), Tandjouaré (64,90%), Oti-Oti Sud (84,27%), Kéran (84,89%), Doufelgou (88,34%), Binah (86%), Kozah (85%), Assoli (84,32%), Bassar (73,25%), Tchaoudjo (66,65%), Tchamba (91,96%), Sotouboua-Mô (94,59%), Blitta (93,75%), OgouAnié (69,32%), Amou (67,33%), Kloto-Kpélé (43%), Agou (66%), Est-Mono (74,72%), MoyenMono (86,48%), Haho (53%), Avé (59,66%), Yoto (58,33%), Vo (49%), Zio (52,07%), Agoè-Nyivé 1 à 6 (52,70%) et Golfe 1 à 7 (21,07%) Curieusement, l’addition de ces différents taux affiche 70,94% et non 59,96%.
Plus besoin d’aller loin pour comprendre qu’il s’agit juste des chiffres fabriqués pour faire face aux quolibets qui se répandaient à profusion à travers le monde. Peu avant, le chef de l’Etat n’a pas caché sa satisfaction après avoir voté dans une salle de classe cracheuse d’un Lycée de Pya et qui fait jaser sur les réseaux sociaux. « J’ai accompli avec satisfaction mon devoir civique ce jour 20/12/2018 dans le cadre des législatives destinées à renouveler notre Assemblée Nationale. La force de nos institutions et la stabilité de notre pays sont des gages de démocratie et un socle favorable à un développement inclusif», a posté sur son compte Twitter M. Gnassingbé.
Dans ce processus électoral, la soldatesque a fusillé quatre Togolais. Mais pour le chef de l’Etat, « la force de nos institutions et la stabilité de notre pays sont des gages de démocratie », on se demande de quelle démocratie lorsque Faure s’oppose à toute contradiction. De quelles institutions lorsque la CENI se permet de publier des chiffres non crédibles.
La C14 déçue mais debout
Les principaux leaders de la C14 quoique déçus, trouvent important la remobilisation. « Nous sommes dépeints comme des gens répugnants, des gens à qui il ne faut même pas parler. Si le régime croit avoir abreuvé les facilitateurs de mensonges pour les amener à se désintéresser de la situation togolaise et à se dire que cette opposition-là ne vaut pas la peine d’être suivie ou écoutée, il se trompe. « Cette journée du 20 décembre 2018 restera dans les annales de l’histoire comme une journée historique où les Togolais ont pris leur responsabilité pour dire au régime de Faure Gnassingbé qu’ils ne joueront plus à son jeu », a avancé la Coordinatrice Brigitte Adjamagbo-Johnson avant d’ajouter, « s’ils ne tirent pas ces enseignements, ils ne peuvent plus gouverner ce pays ». Si les enseignements ne sont pas tirés, prévient-elle, la crise va s’amplifier. « Nous ne reconnaîtrons pas les élus qui sortiront de ces élections à partir du moment où nous exigeons l’annulation de ces élections. Tout comme les Togolais ont montré qu’ils sont déterminés, il faut garder la même détermination », a-t-elle relevé.
De son côté, le chef de file de l’opposition Jean-Pierre Fabre pense que c’est une nouvelle forme de lutte qui commence. « Si le pouvoir en place est allé se chercher des accompagnateurs pour ces élections, le protagoniste du pouvoir en place dans le dialogue c’est la C14. Dès lors que la C14 a déclaré que ces élections n’avaient aucun sens et qu’il n’est pas possible d’y participer, il n’y a plus deux adversaires en face, mais un seul adversaire. Pour moi, le taux de participation tourne autour de 5 et 6% pas plus. Ce qui en découle c’est une annulation pure et simple du scrutin, parce que 5% de la population qui est allé se prononcer au cours d’une consultation électorale, ne suffit pas pour légitimer un pouvoir ».
L’obstination du pouvoir à organiser ces élections en l’absence des réformes, a-t-il poursuivi, a amplifié la crise. «Pour la coalition, une nouvelle phase de la lutte commence et appelle à une résistance très sérieuse face au pouvoir », a-t-il dit. M. Fabre pointe du doigt la CEDEAO qui selon lui n’a pas empêché le processus électoral conduit « unilatéralement » par le pouvoir de Lomé d’aller au bout.
«Nous avons été très déçus du silence incompréhensible de la CEDEAO qui ressemble à la complaisance ou même à la complicité. C’est le moins que l’on puisse dire face à l’absence des réformes. Parce que, si vous suivez le chronogramme établi par le comité de suivi sur la base de la feuille de route, le chronogramme fixe la fin des réformes pour le 30 novembre et les élections pour le 20 décembre 2018. Nous serons ouverts pour poursuivre le dialogue, mais nous serons très fermes parce que cette attitude de la CEDEAO, il faudrait qu’on nous l’explique », a laissé entendre M. Fabre.
En réunion hebdomadaire samedi 22 décembre, le Conseiller au bureau politique du PNP Ouro-Djikpa Tchatikpi indique que « dans tous les cas de figures, le nième simulacre électoral, plus qu’un échec, n’est qu’un non-sens, un non-événement auquel le peuple togolais ne doit pas reconnaitre ni les résultats définitifs ni les conséquences au niveau de l’hémicycle togolais ». Le parti de Tikpi Atchadam appelle à de nouvelles mobilisations.
Faure et son vrai peuple connu.
Au-delà de tout, le scrutin du 20 décembre au regard de la très faible mobilisation est un indicateur fiable de l’impopularité de celui qui dirige le Togo depuis 13 ans. Ce régime n’a aucune confiance de la grande majorité des Togolais. Les élections n’ont jamais été transparentes au Togo.
Le coup de force électoral est le socle du régime. La C14 ayant refusé d’accompagner le simulacre d’élections, le vrai peuple de Faure Gnassingbé a été révélé au grand jour. En vérité, c’est une honte nationale qu’un régime vieux de 52 ans soit dénudé à ce point. De quelle légitimité se prévaut ce pouvoir pour continuer par prendre en otage le peuple togolais ?
Kokou AGBEMEBIO
Togo Actu