Le président français a insisté de son côté, lundi à Strasbourg, sur la nécessité de ne “jamais céder à la tentation ni de l’humiliation, ni de l’esprit de revanche”. Une référence à l’humiliation des Allemands à l’issue de la Première guerre mondiale, qui conduisit tout droit au nazisme et au cataclysme de la Seconde guerre mondiale, selon la présidence française. Mais ces propos ont aussi été perçus comme une mise en garde voilée aux Etats-unis, qui aident massivement l’Ukraine au plan militaire et dont le ministre de la Défense, Llyod Austin, a souhaité “voir la Russie affaiblie” à jamais au retour d’un voyage à Kiev.
Macron trop indulgent envers Moscou?
“Poutine est un dictateur. Il n’a pas besoin de sauver la face devant qui que ce soit”, a répliqué vendredi Michael McFaul, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Russie. Pour le président Zelensky, “Macron n’a pas besoin de faire des concessions diplomatiques (à la Russie) maintenant”.
L’Elysée se défend de son côté de tout cavalier seul. Le chef de l’Etat “n’a jamais rien discuté avec Vladimir Poutine sans l’accord du président Zelensky”, insiste la présidence française. “Il n’appartient qu’à l’Ukraine de définir les conditions des négociations avec la Russie”, a également réitéré Emmanuel Macron dans son discours sur l’avenir de l’Europe à Strasbourg.
Depuis sa main tendue à Vladimir Poutine en 2019 – il avait alors plaidé en faveur d’un rapprochement entre l’UE et la Russie – Emmanuel Macron reste suspect d’une trop grande indulgence envers Moscou aux yeux des Européens de l’est même s’il a toujours défendu “un dialogue exigeant”.
“Communauté politique”
Toujours à l’offensive sur l’Europe, Emmanuel Macron a proposé lundi de créer une “communauté politique européenne” pour permettre à l’Ukraine de rejoindre le projet européen sans attendre l’adhésion pleine et entière à l’UE qui prendra des “décennies”.
Cette “communauté politique”, destinée à accueillir des pays adhérant au “socle de valeurs” européennes, pourrait offrir un accès progressif au marché unique, voire à terme à la clause d’assistance mutuelle de l’UE (article 42.7), explique l’ancien Premier ministe italien Enrico Letta qui a planché sur l’idée. L’Ukraine serait ainsi à la table du Conseil européen, comme d’autres pays aspirants à l’UE – y compris la Géorgie et la Moldavie, théâtres de conflits gelés avec Moscou – note-t-il, en soulignant que cela peut “se mettre en place de façon très rapide et informelle, comme un G20”.
“Pas de chaise à la table”
Volodymyr Zelensky et son chef de la diplomatie, Dmytro Kuleba, n’ont pas caché depuis leur préférence pour une adhésion directe à l’UE, à laquelle l’Ukraine est candidate depuis mars. “C’est comme une table où toute la famille est réunie, et on t’a invité, mais on ne t’a pas mis de chaise. Je pense que c’est injuste”, a lancé le président ukrainien mercredi lors d’une viosioconférence avec des étudiants français.
“Il est très important pour nous de réserver cette place (dans l’UE) à l’Ukraine”, a renchéri le lendemain son chef de la diplomatie à Berlin. Loin d’être inédite, l’idée s’inspire ouvertement de celle émise en 1989 par un autre président français, François Mitterrand, qui avait, juste après la chute du mur de Berlin, émis le souhait de réunir tous les pays du continent européen au sein d’une confédération.
“Les Européens d’Europe centrale et de l’est en ont gardé le plus mauvais souvenir parce qu’à leurs yeux Mitterrand avait trouvé cela pour essayer de les empêcher de prétendre entrer dans l’Union et dans l’Otan”, rappelle François Heisbourg à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS).