L’Institut des hautes études de recherches islamiques de Tombouctou porte le nom d’Ahmed Baba. L’ombre du grand intellectuel négro-berbère, qui a marqué son temps, plane toujours sur la Cité des 333 saints. Quand il décéda le 22 avril 1627, il y avait 1600 volumes dans sa bibliothèque.
L’histoire et la pensée d’Ahmed Baba sont connues à partir de plusieurs textes écrits au 17è siècle. Parmi ces textes, on retient «Tarikh es-Soudan» rédigé par Abderrahman es-Sadi et «Tarikh el-Fettach» écrit par Mahmoud Kâti. Ces deux ouvrages ont été traduits en français par Houdas autour de 1910.
Très récemment, Nsame Mbongo a publié «Un grand maître de la philosophie africaine médiévale : Ahmed Baba de Tombouctou» (Présence Africaine 1999). Selon cet auteur, Ahmed Baba naquit dans une grande famille d’érudits, en 1556 à Araouane, près de Tombouctou. Ses origines font de lui un métis négro-berbère. C’est à Araouane que le jeune Ahmed passa une partie de son enfance. Déjà, il montrait beaucoup d’intérêt à tout ce qui touchait aux sciences, à la philosophie et à la littérature. Pour parfaire ses connaissances, il se rendit à Tombouctou avec son père, le juriste Alhadji Ahmadou. Ce dernier, très cultivé, était déjà connu pour son savoir.
A Tombouctou, Ahmed Baba suivit le cursus habituel en termes de scolarité. Sous la direction du grand professeur Mohammed Baghayogo, il se montra très vite doué pour l’apprentissage des sciences. Il étudia la philosophie, la logique, l’exégèse, le droit, la grammaire, la théologie, la rhétorique, l’histoire, la littérature, etc.
Au bout d’une trentaine d’années, il finit ses études, après une formation longue. Devenu lui-même professeur, Ahmed Baba enseignait sa propre philosophie, devenant par la même occasion l’un des plus grands théologiens soudanais. Parallèlement à son rôle pédagogique, le grand savant se devait d’assumer la fonction de cadi, c’est-à-dire de juge musulman. Personnage des plus intègres, il aurait rédigé pas moins d’une centaine d’ouvrages, dont 56 sont connus à ce jour.
À travers ces volumes, Ahmed Baba décrit sa doctrine religieuse, sa philosophie, sa poésie et même une part de ses sentiments personnels. Il se démarquait beaucoup de ses contemporains par sa réflexion avant-gardiste. Il était considéré comme le Mujjadid, soit le rénovateur de la religion du siècle. Selon l’écrivain Nsame Mbongo, étant le porteur d’une pensée nouvelle, le grand philosophe refusait la spéculation gratuite et la contemplation passive des idées.
À travers une multitude de thèses parfois des plus originales, Ahmed Baba défendait ses idées politiques, philosophiques et religieuses. Son livre intitulé “Jalb al-nima ma wadaf al-niqma bi-mujanabat al wulat al-zalama” (Porte-bonheur et contre malheur : éviter les autorités injustes) démontre sa capacité à s’écarter des éléments nuisibles à l’intégrité.
A 37 ans, Ahmed Baba entra en résistance contre l’envahisseur marocain. Il fut arrêté et expédié au Maroc en octobre 1593. Il fut précisément conduit à Marrakech, où libéré de la prison, il accepta d’enseigner la rhétorique, le droit, la théologie dans la medersa de la principale mosquée de la ville. Ahmed Baba retourna à Tombouctou en 1607 où il reprit son enseignement et son activité de savant écrivain.
Madiba KEITA
Source: L’Essor-Mali