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Le Premier ministre Dr. Boubou Cissé : «C’est le Mali qu’il faut sauver»

Le Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, dit tout mettre en œuvre pour faire sortir le Mali de la crise sociopolitique qu’il traverse depuis plusieurs semaines. Pour le salut du pays, il appelle à opposer la synergie et l’entente au refus et à l’hostilité. C’est ce qu’il a déclaré au cours d’un entretien exclusif sur radio Rempart.


Alors, Monsieur le Premier ministre, d’abord, dites-nous comment vous vous portez aujourd’hui ?
Dr. Boubou Cissé : Bonsoir madame, bonsoir à toutes vos auditrices et à tous vos auditeurs, et merci beaucoup pour cette opportunité que vous m’offrez.
Eh bien, je dirais que je me porte plutôt bien, par la grâce de Dieu. Je suis en bonne santé. Encore une fois, je remercie le Bon Dieu pour ça. Je suis assez serein et surtout déterminé à trouver les voies et moyens pour sortir notre pays de la crise socio-politique dans laquelle il se trouve, en ce moment, et cela depuis quelques semaines.
Vous êtes à la tête d’un mini-gouvernement depuis le 27 juillet. Quel est l’objectif assigné à ce staff restreint ?
Le gouvernement restreint a été mis en place à l’initiative du président de la République et cela, à la suite du sommet extraordinaire de chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao, qui s’est tenu dans notre pays le 27 juillet dernier.
Cet exécutif restreint de six membres a été mis en place pour gérer les affaires de l’Etat, faire en sorte que l’Etat puisse assurer sa continuité, et surtout poursuivre le dialogue avec l’ensemble de la classe politique et de la société civile sur la question de la  résolution de la crise. Donc, son objectif, c’est évidemment de nous faire sortir de cette situation de crise le plus rapidement possible et aller vers un gouvernement d’union nationale.
Concrètement, en termes clairs, quelles sont vos attentes au sujet de ce gouvernement de six membres ?
Ce gouvernement de six membres va initier des actions et surtout mettre en œuvre les mesures recommandées par le sommet de la Cédéao, le 27 juillet. Ces mesures et ces actions, si elles sont mises en œuvre et surtout si elles sont acceptées par les différents acteurs, en l’occurrence par l’opposition, nous pensons que ces mesures et ces actions devraient nous permettre de retourner à une situation de normalité et surtout de sortir de la crise socio-politique dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Par ailleurs, il y a évidemment toutes les affaires courantes de l’Etat à gérer pour assurer le bon fonctionnement de l’Etat et de ses démembrements ; cela aussi est une des missions de cette équipe restreinte-là, et c’est une mission qui a justifié sa mise en place.
M. le Premier ministre, que répondez-vous à ceux qui pensent qu’on ne devrait pas mettre en place un gouvernement aussi restreint soit-il  sans consulter le M5-RFP ?
Je dirais tout simplement que, d’une part, ce n’est pas faute de les avoir consultés. Je pense qu’ils l’ont été. D’autre part, la nécessité et même l’urgence de la prise en charge d’un certain nombre d’actions, qui sont nécessaires à la bonne conduite de l’Etat, nous imposaient d’aller vers la mise en place de cet exécutif restreint.
Maintenant, nous souhaitons toujours  et nous allons favorablement, et même très favorablement, accueillir l’arrivée ou la présence d’acteurs du M5-RFP dans le gouvernement d’union nationale, dans lequel nous souhaitons que le maximum de sensibilités dans notre pays puisse s’exprimer.
Dr. Boubou Cissé, beaucoup avancent que vous êtes celui qui constitue aujourd’hui un obstacle à l’apaisement de la situation socio-politique au Mali. Qu’en pensez-vous ?
Je ne le pense pas et je ne le crois pas. D’abord, être un obstacle, c’est être celui qui empêche, ou en tout cas, cherche à empêcher d’atteindre un résultat bien spécifique, un résultat déterminé, en l’occurrence, en ce qui me concerne ici. Le résultat qui est recherché, vous-même vous l’avez dit, c’est l’apaisement de la situation socio-politique.
Or, à ce que je sache, les actions ou les  mesures qui ont été identifiées et proposées par les uns et les autres, en l’occurrence par  la Cédéao sur la question de la résolution de la crise socio-politique dans notre pays, ne font pas cas de Dr. Boubou Cissé, comme étant un obstacle. Donc je pense simplement qu’il faut éviter de personnaliser le débat à ce niveau.
Justement, quel est votre regard sur la situation socio-politique de notre pays ?
Je pense que nous faisons face en tant que pays, en tant que nation, à des défis multiformes, complexes, défis qui nécessitent l’implication de tous les acteurs de la vie politique et de la société civile dans notre pays, afin de relever précisément les défis auxquels nous sommes confrontés.
Quand vous regardez aujourd’hui, notre unité nationale est menacée, le niveau ou l’intensité de la cohésion sociale dans notre pays s’est fortement effritée. Donc, nous sommes sur une trajectoire, si l’on n’y prend garde, qui peut être extrêmement préjudiciable pour notre pays.
On est en train d’évoluer vers une situation qui va certainement nécessiter, très vite, qu’il y ait une union sacrée de tous fils et de toutes filles de notre nation et cette union sacrée doit se construire sur des bases et des principes évidemment solides à travers un cadre de dialogue et d’échanges en vue de trouver des solutions durables aux problèmes auxquels notre pays fait face aujourd’hui. Et c’est d’ailleurs cela l’esprit de la feuille de route que nous avons eu à proposer aux différents acteurs politiques et sociaux de notre pays.
Sincèrement, ne pouvions-nous pas éviter cette crise ?
Peut-être bien, mais elle est là aujourd’hui cette crise, et elle est bien là. Il faut maintenant chercher à la transformer en une opportunité pour le pays et pour le peuple. Il faut qu’on n’arrive, dans notre pays, à opposer la synergie et l’entente au refus et à l’hostilité, c’est dans cela que réside le salut de notre pays.
Où en sommes-nous avec l’enquête concernant les tueries des événements du 10,11 et 12 juillet ?
Il y a une information judiciaire qui a été ouverte contre X. Il appartient maintenant au procureur de la République et aux juges d’instruction de faire toute la lumière de façon totalement indépendante sur ces événements tragiques et ensuite, une fois la lumière faite, de statuer sur le sort pénal de ceux ou celles qui seraient jugés responsables.
Je pense qu’il faut faire confiance à la justice de notre pays pour arriver à cela. Et encore une fois, je voudrais présenter toutes mes condoléances aux familles et souhaiter également un prompt rétablissement aux blessés qu’ils soient civils ou des forces de défense et de sécurité.
Parlons maintenant des recommandations faites le 27 juillet par les chefs d’Etat de la Cédéao. Qu’en est-il de ces résolutions ?
Les recommandations sont en cours d’application. Je pense qu’on a compté  sept, environ, si j’ai bonne mémoire. Maintenant parmi les décisions fortes qui ont été prises au cours de ces derniers jours, il y a déjà la formation du gouvernement restreint dont vous avez parlé.
Par ailleurs, il s’est également tenu la session du conseil supérieur de la magistrature en vue de désigner les trois membres devant siéger à la Cour constitutionnelle. Donc, de facto, ce qu’on appelle recomposition, la reconstitution de la Cour constitutionnelle, est aussi une recommandation, une décision qui est en cours d’exécution.
Dans l’attente aussi de la création d’une commission d’enquête  sur les événements des 10,11 et 12 juillet, qui était une forte recommandation  de la Cédéao, il faut dire que le ministre de la Justice a instruit aux différents procureurs de la République d’engager des poursuites judiciaires. Comme je le disais récemment, il y a une information qui a été ouverte contre monsieur X à cet effet.
Maintenant les discussions concernant la démission de 30 députés sont des discussions qui continuent, qui se poursuivent également. Par rapport à la formation du gouvernement d’union nationale, en ma qualité de Premier ministre, je continue à approcher toutes les parties prenantes de la crise et j’ai bon espoir que ce processus de concertation connaîtra rapidement son épilogue.
Pour l’instant, les choses se passent relativement bien ; les recommandations sont exécutées et nous faisons en sorte de faire diligence.
En cas de refus de démission des 31 députés dont l’élection est contestée, que compte faire le gouvernement, très sincèrement ?
J’ai simplement espoir qu’on devrait pouvoir arriver à une situation  de non-refus.
Si vous aviez un dernier mot à lancer à ce peuple malien qui est aujourd’hui divisé, ce serait lequel ?
Je dirais à mes compatriotes que notre pays vit une situation difficile. Ils le savent, ils savent très bien, nous le savons tous. Notre pays vit une situation difficile, je dirais même une situation dramatique. Donc, face à cela, nous devons ensemble remonter la pente et je ne doute pas que nous avons en nous, en chacune et en chacun d’entre nous, les énergies et les ressources sociales nécessaires pour remonter cette pente-là.
Ce que j’ajouterais à cela, c’est la nécessité que nous puissions nous donner la main pour sauver notre pays du drame qu’il est en train de vivre. Et là il ne s’agit pas de la main tendue du président Ibrahim Boubacar Keita ou du Premier ministre Boubou Cissé, mais il s’agit de la main patriotique de tous les Maliens et de toutes les Maliennes, unis de cœur et d’esprit, pour sauver ce que nous avons en commun, c’est le Mali, c’est le Mali qu’on a en commun, et c’est ce Mali qu’il faut sauver et pour y arriver, il faut qu’il y ait cette entente. Il faut que nous puissions, à travers cette entente-là, mutualiser nos efforts en nous donnant la main pour remonter la pente.
Et c’est ce message ou ce sont ces messages que je souhaitais adresser à mes frères et sœurs, à mes parents et l’ensemble de nos compatriotes qui vous écoutent en ce moment.
Fadiala N. Dembélé

Source : Nouvelle Libération

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