En pleine crise diplomatique avec les pays de la CEDEAO et une partie de la communauté internationale, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a rencontré, hier lundi 7 février 2022, à la Primature, le corps diplomatique accrédité au Mali pour leur expliquer les raisons qui justifient la volonté des autorités de la Transition de sécuriser le pays avant d’aller aux élections.
Devant un parterre de diplomates et représentants des organisations accréditées au Mali, le chef du gouvernement malien a tenu un discours long de près d’une vingtaine de pages.
Face à ces hôtes du jour, le Premier ministre a d’abord insisté sur les valeurs de solidarité, d’entraide et de bons voisinages qui caractérisent la diplomatie malienne. Le Mali, a-t-il dit, tient sur les vertus du dialogue et de la concertation que les autorités maliennes souhaitent toujours plus fluides, dynamiques et constructives avec tous les partenaires bilatéraux.
Ensuite, il a déploré les tensions diplomatiques avec la CEDEAO lesquelles, selon lui, sont marqués par les sanctions « illégales, illégitimes et inhumaines » infligées au Mali.
Par ailleurs, le chef du gouvernement a qualifié les relations diplomatiques très tendues entre le Mali et la CEDEAO d’une brouille passagère entre les membres d’une même famille.
« Ce qui nous oppose à la CEDEAO, en ce moment, est la différence de grille de lecture sur la Transition politique en cours au Mali. C’est le prisme simpliste d’analyse qui ne tient pas compte de notre point de vue, ni de l’aspiration profonde du peuple malien au changement et à la stabilité », a-t-il fait remarquer.
Il soutient dans le même registre que la crise entre le Mali et l’organisation sous régionale est la volonté acharnée de certains chefs d’Etat, sous le couvert de la préservation de l’ordre constitutionnel, de vouloir vassaliser le Peuple malien pour le compte de l’agenda caché de puissances extra-africaines.
S’agissant de l’exigence du rétablissement d’un pouvoir civil, le Premier ministre a indiqué que la transition malienne n’est pas l’apanage des militaires.
« Nous ne nous lasserons jamais de le répéter, la Transition malienne n’est pas le fruit d’une prise de pouvoir classique de la part de militaires ayant fait irruption par effraction sur la scène politique par attrait du pouvoir. Non ! Et Non ! », rejette catégoriquement le Premier ministre.
Et de rappeler : « La Transition malienne est le couronnement du soulèvement populaire contre la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité et l’impasse sécuritaire ».
Toujours sur ce sujet, il estime qu’on ne peut ramener raisonnablement la Transition à la tenue seulement et uniquement d’élections.
« Depuis 1992, le Mali a régulièrement organisé divers scrutins, qui ne l’ont pourtant pas épargné les ruptures à répétition de l’ordre constitutionnel », déplore le Premier ministre Maïga, qui rappelle que la démission de l’ancien Président de la République en août 2020 était née justement d’une crise électorale.
A ce titre, il indique que ces différents épisodes électoraux démontrent à suffisance le besoin de mener des réformes politiques et institutionnelles substantielles pour qu’à l’avenir, les processus électoraux soient les moins contestables possibles ou renforcent la stabilité et la légitimité des institutions constitutionnelles.
Pour lui, la CEDEAO, en recevant le projet de chronogramme des autorités maliennes, sans mener aucune consultation avec le Mali, a préféré lui imposer des sanctions punitives.
A son avis, au lieu d’ouvrir le dialogue autour des propositions formulées par le Mali, il a été décrété des mesures que le chef du gouvernement a qualifiées une fois de plus « d’injustes et sauvages », dont l’objectif est d’asphyxier le Mali et de le présenter comme un paria parmi les nations sœurs.
« Les Autorités de la Transition n’ont aucune intention de s’isoler de leurs partenaires », tranche le locateur de la Primature qui a rejeté d’un revers de mains toutes les allégations qui tentent de faire croire que le Mali a fait choix de l’isolement.
« Le Mali d’aujourd’hui mérite la solidarité et non des sanctions dans sa lutte contre le terrorisme. Perdre cela de vue relève soit de l’hérésie, soit d’un agenda de déstabilisation dont on ne sait à qui il va profiter », lâche le chef du gouvernement.
Enfin, le Premier ministre a rappelé l’impuissance de la Communauté internationale face au Talibans, après 20 ans de présence militaire en Afghanistan.
« Le peuple malien avons tous en mémoire les images de ces Afghans accrochés avec l’énergie du désespoir aux trains d’atterrissage des avions, voulant abandonner leur pays, malgré deux décennies de démocratie électorale et de sécurité artificielle, pourtant largement soutenues par les troupes internationales », a rappelé Choguel, ajoutant que l’’expérience de ce pays prouve bien que l’élection à elle seule ne suffit pas pour asseoir la démocratie. « Elle est une condition essentielle, mais pas suffisante », a-t-il fait savoir.
En tout état de cause, le Premier ministre a saisi l’occasion pour rassurer les partenaires. « Le Mali réitère ici, par ma voix, sa disponibilité à poursuivre et à renforcer sa coopération bilatérale, privilégiant les canaux directs, avec tous ses partenaires, sur la base des principes d’égalité, de respect mutuel et de réciprocité dans les relations internationales ».
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