Le gouvernement tchadien a annoncé le report des élections législatives au mois de mai 2019 alors que les députés auraient dû terminer leur mandat il y a plus de trois ans, en juin 2015.
La troisième législature en cours était censée se terminer le 21 juin 2015 mais elle a été prolongée par le chef de l’Etat, Idriss Deby Itno, à travers une loi constitutionnelle, pour une durée indéterminée. Finalement annoncées pour ce mois de novembre, les élections législatives ont été de nouveau reportées jusqu’en mai prochain. Selon le chef de l’Etat tchadien, l’organisation de ces élections nécessite un financement à hauteur de de 70 milliards de francs CFA, environ 100 millions d’euros, un budget dont le pays ne dispose pas.
C’est pourquoi celui-ci appelle les partenaires à aider le pays dans l’organisation des prochaines élections. Mais pour les électeurs tchadiens, qui n’ont plus voté pour leurs députés depuis près de quatre ans, c’est une situation tout à fait surréaliste.
“Franchement, c’est inadmissible. On ne peut pas prolonger le mandat d’une Assemblée pendant plus de trois ans. Moi je pense que mai 2019 c’est loin et Deby est capable de repousser encore cette date”, s’indigne un Tchadien.
“Si le président Deby a pu organiser la présidentielle, pourquoi ne peut-il pas organiser les législatives ? Cette histoire arrange les deux camps. Puisque ces députés sont contents de continuer à percevoir leurs salaires et avoir des avantages et le pouvoir règne à l’Assemblée par sa majorité absolue”, déplore un autre.
Calcul politique du pouvoir
L’argument du manque de moyens financiers est un prétexte, estime également Madame Ildjima Abdraman, député de l’opposition. Selon elle, le pouvoir refuse d’organiser ces élections par crainte de perdre la majorité aux prochaines élections.
“L’impression que nous avons est que le parti au pouvoir essaie de manœuvrer pour que les élections ne se tiennent pas parce que vous savez l’atmosphère dans laquelle les élections présidentielles se sont tenues. Nous imaginons que c’est à dessein que les élections n’ont pu se tenir comme il se doit après que le mandat ait pris fin. Sinon, on aurait dû prendre des dispositions pour que les élections aient lieu en 2015. Dans certains pays, pour amortir un peu le choc financier, les autorités vont même jusqu’à coupler les élections. Ca fait plusieurs années déjà que nous en sommes là, nous voulons également qu’il y ait de nouveau visages mais ça ne dépend pas de nous. C’est ce que les gens doivent comprendre”, insiste la député.
Faux, rétorque Mahamat Ibn Bichara, député de la majorité présidentielle qui accuse l’opposition de mauvaise foi.
“Tout le monde le sait que le Tchad traverse une situation économique et financière très difficile. Dans le rang de l’opposition, tous ceux qui sont de mauvaise foi peuvent penser que c’est une manière de tromper les gens ou bien de ne pas vouloir organiser les élections. Mais la preuve est que l’Assemblée nationale vient d’adopter le texte portant création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) C’est cela la base qui va permettre l’organisation d’une élection législative beaucoup plus crédible”, assure le député du pouvoir.
Ce n’est pas la première fois que les parlementaires tchadiens bénéficient d’un “mandat élastique”. Certains d’entre eux, qui avaient siégé à la deuxième législature, se souviennent encore de leur très long mandat qui a durée huit ans, de 2003 à 2011.
Source: dw