Après avoir échoué dans la récupération de Kidal qui depuis 2012, n’est plus dans le giron de Bamako, dans la bonne gouvernance financière de nos deniers publics, et la stabilité gouvernementale avec six premiers ministres en cinq ans, plus de huit gouvernements, plus de 160 voyages sans intérêt pour le Mali, soit huit fois le tour du globe, voilà qu’IBK nous revient avec la dictature ? Qui l’aurait cru ? Il épouse désormais le même comportement, qu’un démocrate de la 25ème heure.
Tous ceux qui n’ont pas la même vision que lui, sont écartés sinon bâillonnés ou muselés. Dès lors, peut-on se demander si la souveraineté populaire garantit-elle la démocratie ?
“La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du referendum”: cela est écrit en lettre d’or dans notre constitution du 25 février 1992. Cette phrase affirme solennellement que la souveraineté, c’est-à-dire le pouvoir de décision ultime sur les sujets d’intérêt public, appartient au peuple. En même temps pourtant, elle pose la question des modalités d’exercice de cette souveraineté, puisqu’il est prévu que celle-ci peut aussi bien être prise en charge par des représentants ou s’exprimer directement par la voie du referendum. Au-delà du principe de la souveraineté populaire, la question de l’application de ce principe apparaît ainsi d’entrée de jeu moins simple. Suffit-il d’affirmer que la souveraineté appartient au peuple pour garantir un fonctionnement véritablement démocratique de la prise de décision politique?
La démocratie est fondée sur l’idée de la souveraineté populaire et de la garantie des libertés individuelles. Elle est étymologiquement synonyme de souveraineté populaire et signifie le pouvoir au peuple”, autrement dit la participation de tous les citoyens aux décisions sur les sujets d’intérêt collectif. L’origine grecque du mot s’explique par l’importance historique de l’exemple donné par la démocratie athénienne dans l’Antiquité. Tous les citoyens d’Athènes étaient amenés à se réunir pour décider de la gestion des affaires communes à l’assemblée du peuple appelé Ecclésia .Or la notion de souveraineté populaire est étymologiquement équivalente. Dire que la souveraineté, c’est-à-dire le pouvoir de décision politique ultime, est attribuée au peuple, cela revient exactement à dire que tous les citoyens sont censés gérer ensemble les affaires communes. Selon ce principe, la loi est l’expression de la volonté générale. Elle se dégage du peuple dans son ensemble et elle s’impose à chacun de ses membres pris individuellement, selon le raisonnement de J.J.Rousseau dans le “Contrat social”.
Les deux notions sont indissociables de la garantie des libertés individuelles. Mais la démocratie, c’est aussi la garantie des libertés individuelles, sans laquelle le pouvoir de décision politique attribué au peuple n’aurait pas de sens. Si les citoyens ne sont pas libres de s’exprimer, de se déplacer ou de se réunir, “le pouvoir au peuple” n’est qu’une fiction. C’est d’ailleurs ce qui avait été dénoncé dans le cas des “démocraties populaires” de l’ancien bloc de l’Est.La notion de “souveraineté populaire” est tout aussi indissociable de la liberté d’expression, de la liberté d’aller et venir et de la liberté de réunion. L’affirmation d’un pouvoir nécessite au préalable l’autonomie de celui qui le détient: sans liberté, il n’y a donc pas de souveraineté possible. Selon J.J. Rousseau, la souveraineté populaire est même la condition de la liberté des individus, puisque faire respecter la volonté générale exprimée par la loi, cela reviendrait à “forcer à être libre” un citoyen récalcitrant. Mais il faut signaler que l’idéal de la souveraineté populaire ne suffit pas à garantir une pratique démocratique. Le suffrage universel ne suffit pas à garantir les libertés individuelles. La prise de décision par la majorité peut conduire à opprimer les minorités. C’est le risque de “tyrannie de la majorité”, qui a été dénoncé notamment par Alexis Tocqueville dans son ouvrage intitulé “La démocratie en Amérique”. L’oppression de la minorité nationale albanaise au Kosovo par le pouvoir serbe, pourtant élu au suffrage universel, a suffi à le montrer. Les campagnes de stérilisation des handicapés mentaux qui ont été menées en Suède, et dans de nombreuses autres démocraties occidentales, soulignent aussi à quel point les libertés des minorités ont besoin d’être défendues, y compris dans les pays qui pratiquent le suffrage universel. Le recours au referendum, c’est-à-dire à la consultation directe du peuple sur un projet de loi, peut servir à légitimer un pouvoir autoritaire. C’est ce qu’ont montré les plébiscites organisés par Napoléon III. Par manque d’informations, les électeurs ont tendance à se prononcer davantage en fonction du prestige (ou du rejet) de celui qui pose la question, qu’au sujet de la question elle-même. La démocratie repose aussi sur l’éducation nationale et sur la liberté de la presse. C’est pourquoi, d’ailleurs, la République française a accordé autant d’importance au développement de l’instruction publique, gratuite et obligatoire, depuis les lois du Ministre Jules Ferry en 1881-82. Parce qu’elle donne aux électeurs davantage de moyens d’informations pour se prononcer sur les choix politiques, l’Education Nationale peut largement contribuer au maintien durable de la démocratie républicaine en Afrique continent des analphabètes en général. Pour les mêmes raisons, la liberté de la presse, et son pluralisme, c’est-à-dire la coexistence de sources d’informations multiples et différentes, est également une condition du fonctionnement démocratique de l’Etat. Cela explique d’ailleurs la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, selon laquelle la liberté de la presse fait partie des “principes fondamentaux reconnus par les lois de la République”.
Les notions de “démocratie” et de “souveraineté populaire” sont donc pratiquement synonymes, à condition de ne pas assimiler la souveraineté populaire au seul principe du suffrage universel, qui ne suffit pas à garantir un mode démocratique de gouvernement. Cela conduit à souligner l’importance de l’information transmise par le système éducatif et par la presse aux citoyens et aux futurs électeurs. Cela pose aussi la question de la défense des minorités, compte tenu, au mieux de leur faible poids électoral, au pire, de leur absence totale de participation à la vie politique.
Notre démocratie va désormais de travers, car notre exécutif, voudrait que sa préférence aristocratique et la volonté du souverain doivent être comprises forcement selon sa conception comme une volonté générale c’est-à-dire comme transcendante. Avec de telles pratiques, il y a un risque qu’une nouvelle transition s’installe au Mali, si jamais IBK faisait sauter tous les verrous constitutionnels.
Siramakan KEITA
Source: Le Carréfour