Touristes étrangers, familles et écoliers irakiens arpentent de nouveau les allées du Musée national de Bagdad. Après trois années de fermeture, dans le sillage de la contestation antipouvoir d’octobre 2019 et de la pandémie de Covid-19, l’institution fondée en 1926 a rouvert ses portes en mars 2022. Au fil des galeries, les visiteurs remontent cinq mille ans d’histoire de la Mésopotamie. Deux imposants lamassous, des taureaux ailés, retrouvés sur le site de Nimrod, dans le palais d’Assurnazirpal II (883-859 avant J.-C.), trônent, majestueux, dans l’une des salles. Des pièces disparues depuis des décennies ont retrouvé leur écrin, telle la tablette des rêves de Gilgamesh, un joyau mésopotamien vieux de plus de 3 500 ans.

Jadis considérée comme l’une des plus riches au monde, la collection du Musée national de Bagdad a été pillée pendant la guerre du Golfe de 1991, puis l’invasion américaine de 2003. Plus de 15 000 pièces avaient alors été volées, dont un tiers ont été depuis restituées aux autorités irakiennes. « Ces deux dernières années, nos efforts se sont intensifiés pour récupérer des artefacts volés en Irak et sortis du pays en contrebande », explique le directeur du Conseil irakien des antiquités et du patrimoine, Laith Majid Hussein. En 2021, l’Irak a récupéré près de 18 000 artefacts, dont 17 899 pièces restituées par les Etats-Unis. D’autres pièces ont été rendues par le Liban, le Japon, les Pays-Bas, l’Italie, la Grande-Bretagne…

Une véritable épopée

L’histoire de la tablette des rêves de Gilgamesh est à elle seule une véritable épopée. La tablette d’argile comporte des fragments de l’Epopée de Gilgamesh, écrite en caractères cunéiformes. Considérée comme l’une des plus anciennes œuvres littéraires de l’humanité, elle narre les aventures de ce roi de Mésopotamie en quête d’immortalité, qui aurait régné sur Uruk, dans le sud de l’Irak, entre 2 800 et 2 500 avant J.-C. Cette épopée sumérienne, écrite sur onze tablettes, a été découverte en 1853, dans un site archéologique identifié plus tard comme étant la bibliothèque du roi assyrien Assurbanipal, à Ninive, en Irak. Dans la tablette des rêves, le roi Gilgamesh décrit ses rêves à sa mère, qui les interprète comme l’annonce de l’arrivée d’un nouvel ami, qui deviendra son compagnon. Les autres tablettes sont conservées au British Museum, à Londres.

Personne ne sait ce qu’il est advenu de la tablette des rêves entre son vol, en 1991, sur un site archéologique ou dans un musée irakien, et sa réapparition à Londres, en 2003. Un marchand d’art américain l’a alors achetée auprès d’une famille jordanienne. Il l’a ensuite expédiée aux Etats-Unis sans préciser aux douanes la nature du colis et l’a vendue à des antiquaires en 2007 contre 50 000 dollars, avec un faux certificat d’origine. Elle a été revendue en 2014 pour 1,67 million de dollars aux propriétaires du Musée de la Bible à Washington. En 2017, un conservateur du musée s’est inquiété de la provenance de la tablette, jugeant les documents fournis lors de l’achat incomplets.