C’est aujourd’hui un fait acquis. Les livraisons d’armes occidentales, qu’il s’agisse des lance-roquettes Himars américains ou des canons Caesar français, sont pour beaucoup dans la résistance ukrainienne face aux offensives de l’armée russe. Un autre facteur joue néanmoins un rôle déterminant, selon les analystes du conflit : l’ingéniosité et le pragmatisme dont font preuve les militaires ukrainiens depuis le début de l’invasion russe. « L’armée ukrainienne est une armée MacGyver. Sa capacité à s’adapter et à trouver des solutions innovantes explique en partie ses bonnes performances sur le terrain », assure Thibault Fouillet, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.

En guerre depuis 2014 et la tentative d’annexion du Donbass par des forces prorusses, l’armée ukrainienne a développé un certain nombre d’outils, notamment numériques, aujourd’hui loués pour leur efficacité. Le plus connu est une application pour smartphone. Appelée « GIS Art for Artillery » (ou GIS Arta) et destinée aux troupes au sol, celle-ci permet de commander une frappe d’artillerie sur une position ennemie « comme on réserve un chauffeur Uber. Il suffit de rentrer les coordonnées GPS de la cible, les feux [l’artillerie] disponibles à proximité s’affichent, et vous n’avez plus qu’à commander le tir », explique une source militaire française.

Résultat : un temps de réaction réduit à la minute, là où les armées modernes en mettent plusieurs dizaines pour obtenir un appui, même avec un système sophistiqué comme celui utilisé par la France, appelé « Atlas » (« automatisation des tirs et liaisons de l’artillerie sol-sol » ). « GIS Arta est le système de commandement des feux le plus efficient et le plus efficace actuellement sur le marché », confirme Joseph Henrotin, chargé de recherche au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux. Un temps suspectée d’avoir été piratée par les Russes lors de la première guerre du Donbass, la protection de l’application aurait été renforcée depuis. Seule contrainte : elle nécessite d’avoir accès à une connexion Internet, ce qui est parfois difficile sur un champ de bataille.

« Une culture numérique très développée »

Les Ukrainiens ont également détourné, au début de la guerre, l’une des fonctions de DIIA, une application pour smartphone lancée par le gouvernement, en 2020, et normalement destinée aux démarches administratives en ligne. « Les Ukrainiens l’ont utilisée pour communiquer aux autorités les positions des forces russes, y compris derrière la ligne de front », explique une source militaire. Une fonction qui aurait été très utile lors de la bataille de Kiev, mais aurait été abandonnée depuis, les Russes inspectant le contenu des smartphones des civils dans les zones occupées. « Les Ukrainiens préfèrent aujourd’hui passer par un bot Telegram [application utilisant le réseau crypté Telegram], où ils peuvent poster des photos des unités russes, donner leurs positions, etc. », assure cette même source.

Source: Le Monde