Au lendemain de l’attentat de Bamako dans la nuit du 6 au 7 mars qui a fait cinq victimes dont un Français, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine, Abdoulaye Diop, était de passage à Paris lundi dernier pour rencontrer son homologue français Laurent Fabius, ainsi que le président François Hollande. Au cours de ces entretiens avec les autorités françaises, il devait notamment être question des mesures qui pourraient être prises avec le soutien de la France et de la police des Nations unies pour renforcer la sécurité dans les grandes villes du pays.
Dans un entretien a accordé au journal « Le Monde », le ministre Diop a confié que la multiplication des actes terroristes signe, selon lui, une volonté de faire barrage au processus de paix avec les groupes rebelles touareg du nord du pays.
Répondant à une question sur les capacités des groupes terroristes à agir au cœur de la capitale, il a laissé entendre que « les groupes terroristes et les narcotrafiquants installés dans le Nord-Mali redoutent le retour de l’Etat et des forces de sécurité qui vont les combattre ».
« Nous savions que le pays était exposé à des menaces djihadistes. Des mesures sécuritaires ont été prises. Mais il n’y a pas de risque zéro. Nous sommes engagés dans une guerre asymétrique contre des groupes terroristes qui n’ont besoin que de quelques individus pour mener des attentats rapides et complexes à anticiper ».
Rappelant que même les puissances occidentales ne sont d’ailleurs pas épargnées par ce type d’attentat, malgré des moyens de surveillance largement supérieurs aux nôtres, il a redit le besoin d’appuis conséquents de la part de nos partenaires pour renforcer nos forces de sécurité, en particulier la police scientifique et la gendarmerie, qui ont besoin d’augmenter leurs capacités de réaction.
« Les attaques à Bamako le 7 mars, puis le lendemain à Gao, et à Kidal me semblent clairement coordonnées dans le but de faire dérailler le processus de paix au Mali. Les groupes terroristes et les narcotrafiquants installés dans le Nord Mali redoutent le retour de l’Etat et des forces de sécurité qui vont les combattre » a développé le ministre Diop pour qui, cependant « il n’y a pas d’alternative à la paix et les frères [la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui regroupe les mouvements en faveur de l’autonomie du nord du Mali] qui ne se sont pas encore déterminés, doivent comprendre qu’il y a urgence ».
Il estime qu’après sept mois de négociations, le temps est venu de choisir son camp. Il est ensuite possible de travailler ensemble pour éradiquer les groupes terroristes et les narcotrafiquants qui, eux, n’ont pas leur place à la table des négociations.
Dans l’éventualité où la CMA ne signait pas ces accords, Abdoulaye Diop prévient que « le choix se situe entre la paix et les forces obscurantistes qui opèrent dans le nord du pays. À Alger, un projet d’accord a été paraphé. C’est une avancée considérable. Face au terrorisme, il me semble qu’on ne peut pas reculer ou hésiter ».
Quant à l’idée de combattre ensemble le terrorisme, il estime qu’il n’a pas de raisons de douter. « Cela fait partie de l’accord d’Alger et la communauté internationale sera là pour veiller au respect de cet engagement ».
Si le renfort de troupes internationales aux côtés de l’armée malienne, ne semble pas avoir permis de faire diminuer les menaces, c’est que « Les groupes terroristes s’adaptent et utilisent nos failles. Ils se sont renforcés et opèrent en toute liberté dans cette vaste zone du Nord-Mali », explique le ministre.
Il rappelle à cet effet la recrudescence de la violence contre la population malienne et contre les forces étrangères (Barkhane, Minusma) avec un mode opératoire en pleine évolution. Sans oublier que le recours à des motos pour mener les attaques est de plus en plus fréquent.
Les groupes terroristes s’adaptent et utilisent nos failles, détaille-t-il. « Ils se sont renforcés et opèrent en toute liberté dans cette vaste zone du Nord Mali. C’est pour cela qu’il y a urgence à signer cet accord de paix pour pouvoir harmoniser nos dispositifs sécuritaires entre les forces armées du Mali, Barkhane, la Minusma et permettre à l’armée malienne d’asseoir son autorité sur tout le territoire national ».
S’il existe de nouveaux ralliements de groupes terroristes à l’organisation Etat islamique, le ministre soutient que c’est une menace sérieuse, mais qui n’est pas nouvelle. « Des groupes terroristes du Nord-Mali, comme Ansar Dine, avaient déjà déclaré leur soutien à l’organisation Etat islamique. Nous avions d’ailleurs averti le conseil de sécurité de l’ONU, il y a quelques mois ». Aussi « ce ralliement de Boko Haram au groupe Etat islamique nous conforte dans l’idée qu’il y a un besoin urgent de mutualiser les efforts entre les États de la région d’abord et avec les partenaires occidentaux ensuite. L’établissement d’une force multilatérale de l’Union africaine me semble approprié, en harmonie avec l’ONU sur le modèle de l’initiative prise par les pays du lac Tchad, qui unissent leurs efforts dans la lutte en cours contre Boko Haram ».
C’est une évidence pour nous que des combattants et responsables de ces organisations sont en relation. « Selon nos informations, les djihadistes du nord du Nigeria, du nord du Mali, du sud de la Libye, continuent à échanger, à collaborer voire à se coordonner. Nous n’avons aucun doute à ce sujet », conclut-il.
Synthèse de
A. LAM
source : L Essor