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Le Mali est une grande famille

Quand j’entends la description faite du Mali, mon pays, de la part des médias étrangers, j’ai tout de suite comme l’impression qu’il ne s’agit pas du même Mali. J’ai l’impression qu’ils font la description d’un autre Mali, sur un autre continent mais pas mon pays le Mali. C’est hallucinant le nombre d’articles qu’on peut lire à longueur de journée sur ce pays qui serait divisé, où les peaux blanches oppressées, martyrisées et laissées à leurs sorts vivraient au nord du pays, et les noirs ‘’tous’’ Bambaras, oppresseurs qui ont le pouvoir seraient au sud. C’est cette description à la va-vite qui est faite de notre pays à longueur de journée par les médias qui n’ont aucun honneur et aucune dignité et surtout aucun égard pour la souffrance d’un pays qui traverse l’une des périodes, sinon la période la plus difficile de son existence et qui est au bord de l’implosion.

J’ai une fois entendu sur France 24 l’interview d’un pseudo spécialiste du Mali par rapport à la question touareg qui était assis dans un bureau, derrière lui se trouvait une bibliothèque bien garnie de livres qui portaient sans doute tous sur le Mali. Quand bien même il les aurait tous lus qu’on ne s’empresse pas de lui conférer le titre de spécialiste du Mali alors que la seule bibliothèque de la seule ville de Tombouctou compte plus d’un million de manuscrits. Ce monsieur, en spécialiste du Mali qu’il est, dans une aisance presque grotesque répliqua en ces termes : « Oh ! vous savez au Mali, il y a deux peuples culturellement différents qui essayent de vivre ensemble depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui sans y parvenir : les Touaregs au nord et les Bambaras au Sud ». Après son interview, j’en ai conclu que finalement le monsieur en question serait peut-être spécialiste de la Somalie, du Malawi ou de la Malaisie  pas du Mali en tout cas. Je ne sais pas pourquoi ils cherchent tout le temps à détruire avec leurs ragots ce que nous avons réussi à construire depuis des siècles qui n’est autre que notre vivre ensemble.

Certes il y a différentes identités culturelles au Mali le Wagadu, Mandé, le Songhoï, le Bèlègougou, le Wassolou, le Macina, etc.  Cette diversité culture n’a jamais constitué un handicap au Mali mais bien un avantage. Faut-il rappeler ici les récits de Ibn Batouta lorsqu’il entreprit son long voyage à la découverte du Mali et qu’il arriva à la porte de ce qu’il appelait à l’époque El Soudania, le pays des noirs. De son séjour au Mali, il tint ces propos lisibles dans tous les livres d’histoire sur le Mali du XII siècle : « De tous les pays que j’ai visité dans le monde, les habitants de cette contrée sont les moins en même de commettre l’injustice et la violence gratuitement, les actes d’injustice sont quasi rares et sont sévèrement punis par le souverain. On peut laisser son sac d’or dehors et revenir le trouver intact sans que personne ne le touche et on peut voyager partout à l’intérieur du pays sans risque de vol ». Comme le dit souvent l’autre au Mali le vivre ensemble est un acquis depuis belle-lurette.

Si tous ces prétendus spécialistes du Mali connaissaient réellement le Mali, ils auraient su que certains Touaregs du nord du Mali sont les descendants directs d’une  des filles d’un roi de la dynastie des Diarras, rois de Ségou il y a 350 ans ; ils auraient su que les Mandingues viennent des Soninkés et que les  Maiga songhaï au nord sont en fait des mandingues, que les Bozos sont des Songhaï qui ont préféré vivre au bord du fleuve ; ils auraient su que les Bambaras et les Dogons ont fui l’islamisation et se sont installés au nord ; ils auraient su que les Peulhs de la région de Kayes et les Mandingues ont cohabité  et que de cette cohabitation est née une autre ethnie les Khassonkés ; ils auraient su que les Miniankas et les Sénoufos sont aussi des mandingues ; ils auraient su que les Peulhs et les Songhaïs se sont bien mélangés au centre et au nord ; ils auraient su que les Bobos sont en fait le mélange de toutes les autres ethnies ; ils auraient su que le nord du Mali n’est pas habité que par des Touaregs et Arabes qui ne représentent même pas 10 pour cent de la population du nord ; ils auraient su que le nord est peuplé majoritairement par les Songhaïs , mais surtout que toutes les ethnies qui composent la population du sud se retrouvent aussi au nord du Mali : Bambara, Songhaï, Peulh, Mandingue, Soninké etc. Ils auraient su qu’au Mali, chaque famille est composée de différentes ethnies, que nous sommes peulhs par notre grand-mère maternelle, Sénoufo par notre grand-mère paternel, Soninké par notre mère et Songhaï par notre père.

S’il est vrai que la vie en communauté ne va pas sans tension, le Mali a su très tôt trouver des mécanismes qui permettent de les réduire au maximum.

A coté de la question touareg, un problème peulh ne fait pas surface au centre. Comme je l’ai dit pour les Touaregs, si tous les Peulhs du Mali voulaient se soulever contre le Mali, la révolte prendrait une autre dimension. Aussi, contrairement aux Touaregs, les Peulhs ne constituent pas une minorité au Mali. Bien qu’Ils soient majoritairement présents au centre sur l’ancien territoire de l’empire peulh de Macina. Mais de l’empire toucouleur, les peulhs sont aussi présents au sud dans le wassolou, mais aussi à Kayes dans le Khasso où ils ont créé un puissant royaume du nom de Khasso et un peu partout à travers le Mali.

A Mopti, Amadou Kouffa a toujours eu la réputation de prêcher un islam radical, il est favorable à l’application de la charia au Mali comme bon nombre de prêcheurs maliens. Il a dont profité de la crise que nous avions connue en 2012 pour prendre les armes et vouloir créer un état théocratique sur les ruines de l’ancien empire théocratique de Macina. Les conflits récurrents entre Peulhs nomades et sédentaires cultivateurs génériquement appelés Bambaras alors qu’ils n’en sont pas tous, est un conflit qui n’est pas typiquement Malien bien qu’au Mali l’État faut à trouver une solution définitive à ce problème. Il arrive en Afrique que les Peulhs à la recherche de pâturages pour faire paître leurs bétails entrent dans les champs des sédentaires cultivateurs qui peuvent même être peulh et un conflit est vite arrivé. C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités pour que ces affrontements, qui font souvent des dizaines de morts, cessent à tout prix.

Sans prétention aucune, la question touareg au Mali est très simple pour celui qui veut réellement comprendre là où le bât blesse.

Le Mali est allé à l’indépendance avec les Touaregs en 1960. A Kidal, un groupe réfractaire touareg a décidé de prendre les armes contre l’autorité centrale de Bamako, la première rébellion touareg est née, on est en 1962-1963. Cette rébellion fut matée par le président de l’épode, Modibo Keita, et les têtes de la rébellion touareg qui s’étaient réfugiées en Algérie et ont été livrées par les autorités algériennes aux autorités maliennes qui les exécutèrent parce que considérées comme éléments dangereux pour la stabilité du pays.Fin de la première rébellion.

Les Touaregs récidivèrent dans les années 80 et au début des années 90, sous Moussa Traoré. En 1992, le président Alpha est arrivé à un accord avec les Touaregs indépendantistes, qui prévoyait leur intégration dans l’armée mais aussi à différents postes administratifs. En 1996, la paix était revenue, une cérémonie dite de la Flamme de la paix fut organisée à Tombouctou.

Une grande partie des Touaregs indépendantistes n’ayant plus d’objectif à poursuivre ont préféré offrir leur service au colonel Mahamar Kadhafi en intégrant l’armée Libyenne. Sous Alpha et sous ATT, les tentatives de rébellion ont été soit négociées avec de l’argent soit en conférant aux Touaregs rebelles des postes de responsabilité jusqu’en 2012.

Toutes les rebellions au nord du Mali sont bien des rebellions touaregs mais tous les Touaregs Maliens ne sont pas indépendantistes. Bien que la communauté Touareg ne constitue qu’une toute petite minorité au Mali, s’ils étaient tous indépendantistes, la rébellion au Mali aurait pris une autre dimension

Mais heureusement que la plupart des Touaregs tiennent à l’unité, la cohésion et la paix dans notre pays. La principale raison qui est avancée à chaque fois pour justifier la rébellion Touareg est que l’Etat du Mali aurait négligé le développement des régions du nord, ce qui est tout à fait vrai, mais qu’on ne dise surtout pas qu’il se serait entre temps focalisé sur le développement de celles du sud ce qui est totalement faux.

Complètement faux. Tout ce que nous pouvons trouver comme difficultés au nord du Mali à cause de l’insouciance de l’Etat malien comme : manque d’infrastructures, manque d’eau potable, la famine, la malnutrition, etc., se trouve au sud. Moi je serais d’accord pour dire que pas grand-chose n’a été fait au Mali de manière générale depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. La misère est la seule chose la mieux partagée au Mali, même à Bamako, la capitale, certains quartiers n’ont pas accès à l’eau potable et à l’électricité.

Par contre La région de Kayes à toutes les raisons du monde de prendre les armes contre l’Etat malien. Les kayesiens font leurs routes eux-mêmes, leurs hôpitaux eux-mêmes ; leurs écoles eux-mêmes et payent les enseignants et les docteurs pour le fonctionnement des hôpitaux et écoles sans aucune pièce d’argent déboursée par l’Etat et continuent cependant de payer leurs impôts. Et pourtant il y a une petite communauté de Touaregs qui vivent à Kayes. Originaires de la Mauritanie pour la plupart, mais installés au Mali depuis plusieurs générations, ces Touaregs dont on parle ne se plaignent pourtant jamais de l’absence de l’Etat dans la région de Kayes. Commençons alors à nous poser les vrais raisons des incessantes rébellions touaregs qui sévissent au nord du Mali et surtout  de la volonté tenace de nos ennemis à voir coûte que coûte  le Mali divisé.  Pour quelle fin ? Eux seuls le savent. En attendant, il faut taire les dissensions et les égoïsmes qui ne servent que des intérêts personnels de la classe politique malienne. Car c’est ensemble et unis comme un seul peuple que nous pourrons sortir de la zone de turbulences que nous traversons depuis 2012. Comme le chantent les griots mandingues depuis le 13èmesiècle : « Le Mandé (Mali) tanguera mais ne chavirera jamais.

Cheick Sadibou Konaté, Etudiant en Master 2 à Dakar.

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